• Aucun résultat trouvé

Chapitre 4 : L’effet sur l’emploi à domicile de l’allègement de cotisations sociales

4.8 Résultats des doubles et triples différences

Le tableau 4-3 présente l’évolution du nombre moyen d’heures des particuliers employeurs entre la situation un an avant et après leur basculement de la déclaration « au forfait ») à la déclaration « au réel ». Ce changement est comparé à celui des particuliers employeurs restés « au forfait ». Le nombre moyen d’heures est calculé pour le deuxième trimestre de l’année sur l’ensemble des particuliers employeurs ayant employé des salariés pendant ce trimestre. Le nombre moyen d’heures des particuliers employeurs ayant basculé vers la déclaration « au forfait » enregistrent une très légère hausse de seulement 0,8 % si le particulier employeur a basculé vers ce mode de déclaration entre 2005 et 2006, année d’entrée en vigueur de la mesure, contre une légère baisse de -1 % pour les particuliers employeurs qui sont restés « au forfait ». Hormis pour la période 2004-2005, ces derniers ont connu des progressions très faibles ou négatives dans leur recours. L’écart dans la progression du nombre d’heures entre ces deux groupes est estimé à +1,3 %, significatif au seuil de 1 %. Les particuliers employeurs ayant basculé vers le forfait ont connu, en revanche, de fortes progressions les deux années suivant la réforme : +4,0% entre 2006 et 2007 et +5,9 % entre 2007 et 2008. Concernant la période 2004-2005, il est difficile de donner une interprétation à cette évolution, intervenue avant la réforme, d’autant que le nombre de particuliers employeurs ayant basculé vers la déclaration « au réel » est beaucoup plus faible que les années ayant suivi la réforme.

Sous l’hypothèse que les deux catégories de particuliers employeurs - ceux qui sont restés « au forfait » et ceux ayant basculé vers la déclaration « au réel » - ont été affectés de la même manière par le changement de l’environnement économique, leur comparaison nous permet de tester si la conjoncture économique aurait affecté différemment les particuliers employeurs « au réel » avant ou après 2006. Cet effet différencié peut être la source d’une part de l’écart en nombre moyen d’heures entre les particuliers employeurs « au réel », selon que le basculement a eu lieu avant ou à partir de 2006.

Une estimation similaire peut être menée sur l’autre groupe de traitement, celui des particuliers employeurs qui sont restés « au réel ». Dans le tableau 4-4, le groupe de traitement considéré est celui des particuliers employeurs qui maintiennent leur mode de déclaration « au réel » d’une année à l’autre. Nous observons ici également une progression globale du nombre moyen d’heures déclarées « au réel ». Nos résultats montrent que le nombre d’heures des particuliers employeurs restés « au réel » ont progressé très légèrement moins vite que les particuliers employeurs restés au forfait entre 2004 et 2005 (-0,04 %). Cet écart de progression

des heures se creuse entre les deux groupes à partir de 2006 et atteint son apogée en 2007 (+4,5 %) avant de redescendre entre 2007 et 2008 (+1,7 %).

L’analyse en doubles différences suggère que l’allègement de 15 points a globalement un effet significatif sur le nombre moyen d’heures des particuliers employeurs déclarant « au réel ». Néanmoins, cet effet pourrait être biaisé si, toutefois, certaines tendances temporelles, propres aux particuliers employeurs déclarant « au réel » ou désirant basculer vers ce mode de déclaration, sont à l’œuvre. Pour corriger ce biais, nous mettons en œuvre une estimation en triples différences, en comparant l’évolution du taux de croissance des heures auxquelles recourent des particuliers déclarant « au réel » et « au forfait », avant et après l’entrée en vigueur de la réforme (Dujardin et al., 2015). Ainsi, on prendra en compte le fait que les particuliers employeurs « au réel » et « au forfait » ont des taux de croissance des heures différents, avant même de bénéficier de la réduction de coût liée à l’allègement de 15 points.

Dans les triples différences, le nombre moyen d’heures en niveau en t-1 permet de tenir compte d'éventuels effets de rattrapage, car notre le groupe des particuliers employeurs « traités » se caractérise par des valeurs moyennes du nombre d’heures en niveau en t-1 différentes de celles prises dans le groupe des particuliers employeurs « au forfait » qui est le groupe « traité ». On compare donc le taux de croissance (première différence) des particuliers « traités » et « non traités » (deuxième différence) avant et après la date de mise en œuvre de la politique d’allègement de charges (troisième différence).

Ainsi, par rapport aux doubles différences, la spécification en triples différences (équation 2) comprend désormais un niveau initial du nombre d’heures (∆LnEit) qui permet donc de contrôler de potentiels effets de convergence. Le coefficient associé à cette variable est négatif et significatif pour l’ensemble des années, ce qui indique une convergence en termes de nombre d’heures entre les particuliers employeurs (tableau 4-5). Le coefficient de la variable réel est i significatif, ce qui montre qu’avant l’allègement de 15 points, les particuliers employeurs « au réel » ont un niveau de recours qui augmente plus vite que les particuliers employeurs « au forfait ». Le coefficient de la variable réel>=2006it est revanche significativement différente de zéro. L’entrée dans le réel a engendré, en moyenne, un effet positif dans le taux de croissance du nombre moyen d’heures auxquelles recourent les particuliers employeurs concernés.

Pour le niveau de recours en volume d’heures, l’analyse par les doubles différences confirme bien qu’il existe, avant même l’entrée en vigueur de l’exonération de 15 points, une nette différence entre les particuliers employeurs recourant « au réel » et les particuliers employeurs « au forfait ».

En effet, les premiers ont un niveau de recours plus élevé. Cet avantage semble augmenter à partir de la mise en place de l’allègement de charges de 15 points, à partir de 2006. L’effet se marque de manière plus prononcée à partir de 2007. Les résultats des triples différences confirment l’effet estimé lors des doubles différences, à partir de cette date. Les particuliers employeurs « au réel » présentent une croissance des heures plus forte que les particuliers déclarant « au forfait », mais cet écart de croissance n’est pas constant au cours du temps. Alors que le différentiel affichait une baisse un an avant la mise en place de la réforme, le seul écart net s’est observé au deuxième trimestre 2007.

En dépit du fait que l’ampleur de l’impact de la politique d’allègement de charges de 15 points est variable selon le choix du groupe de traitement et également la période considérée, le volume d’emploi en nombre d’heures semble donc dépendre positivement du mode de déclaration « au réel » un an après l’entrée en vigueur de cette mesure. Néanmoins, l’analyse temporelle de l’effet de cette réforme invite à relativiser l’interprétation causale de l’effet positif moyen obtenu avec nos différentes spécifications.