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Les aides publiques aux services à la personne en Europe : une solvabilité des ménages

Chapitre 1 : L’emploi dans les services à la personne : un enjeu économique et social

1.6 Comparaisons internationales

1.6.2 Les aides publiques aux services à la personne en Europe : une solvabilité des ménages

Les traits saillants des services à la personne sont l’inexistence d’une définition commune, y compris au sein même des pays appartenant à l’Union européenne. Si les préoccupations de la prise en charge de la dépendance existent dans l’ensemble des pays, les paramètres démographiques différents entre pays orientent les politiques d’aides au secteur. Elles diffèrent à la fois par le mode de financement que par les « publics ciblés ». En dépit des mises en garde qui doivent accompagner les tentatives de comparaisons internationales, liées essentiellement aux périmètres des « secteurs » comparés, nous remarquons des différences entre pays vis-à-vis du mode de financement et de prise en charge de ces services par les différentes institutions de ces pays mais également dans les objectifs poursuivis des dispositifs d’aides publiques. Selon Garner et Leuthereau-Morel (2014), parmi les trois grandes catégories de services à la personne, identifiées, ce sont les services « de confort » qui visent d’avantage un objectif de développement de l’emploi dans le secteur. Les deux autres catégories de

services ont soit un objectif social, dans le cas des personnes dépendantes, soit un objectif de facilitation de l’activité professionnelle des parents dans le cas de la garde d’enfant.

L’emploi, autre enjeu des politiques d’aides aux services à la personne, a progressé dans le secteur des services à la personne. C’est le cas en France, entre 2005 et 2007, les deux années qui encadrent le lancement du plan Borloo (en 2006) où 121 000 ETP ont été créés (DG Trésor, 2011)8.

Dans les autres pays étudiés, nous constatons également la concomitance des aides avec des créations d’emplois.

Concernant le financement des services à la personne, le poids des principales aides recensées entre 2007 et 2010 par la DG Trésor (2011) est relativement plus faible en Suède (0,02 % du PIB), en Espagne (0,2 %) qu’en en Belgique (0,3 %) et au Japon (0,8 %), ou au Pays-Bas (1,3 %). Bien que la France consacre un soutien public élevé aux services à la personne, le poids des SAP est proche des pays comme la Belgique ou l’Espagne. Ces résultats sont sensibles aux variations des périmètres des services à la personne qui sont pris en compte. En effet, le poids plus faible par rapport au PIB peut s’expliquer, comme dans le cas de la Suède, par le fait que seul le coût des allègements fiscaux est pris dans le calcul de ce poids alors que les municipalités sont les acteurs historiques de la prise en charge de la dépendance dans ce pays.

La définition du secteur en Suède est proche de celle de la France sauf que la forme de prise en charge la plus répandue des services aux personnes dépendantes (assistance et soins aux personnes âgées/handicapées, soins esthétiques à domicile,…) est une prise en charge gratuite par les communes avec financement par l’impôt. En Suède, comme en France, l’avantage fiscal de l’emploi d’un salarié à domicile est de 50 %. En fournisseurs historiques des prestations à destination des personnes dépendantes, le rôle des municipalités s’est modifié puisque d’autres prestataires agréés par ces dernières peuvent désormais les fournir depuis 2009. Selon la fédération suédoise des employeurs du secteur des services (ALMEGA), 11 300 personnes sont employées dans le secteur, soit 7 600 ETP. En effet, la moitié des personnes actives dans le secteur travaillent à mi-temps selon l’agence suédoise des impôts.

8 Annexe C du rapport de synthèse de la DG Trésor sur l’évaluation des dépenses fiscale et des niches sociales

En Allemagne, les contrats, dits « mini mini jobs », dont l’allègement de cotisations est important s’est développé sur le segment des particuliers employeurs. Ce solde de cotisations que doivent supporter ces derniers peut être déduit de l’impôt sur le revenu à hauteur de 20 % des cotisations employeurs. La dépendance est prise en charge par des caisses régionales d’assurance dépendance au sein d’une cinquième branche au risque dépendance créée en 1995. Les avantages fiscaux de la garde d’enfant ne sont pas spécifiques à celle s’effectuant à domicile. Après une forte hausse dans la décennie 1990 (+153 000), les effectifs travaillant dans ce secteur, s’étaient stabilisés. Depuis 2003, la réforme des mini-jobs avait engendré une forte progression des effectifs salariés, passant de 648 000 en 2003 à 668 000 salariés en 2005, avant de se stabiliser à nouveau à partir de 2006.

Aux Pays-Bas, le secteur comporte des activités pour lesquelles aucune qualification n’est requise. Selon les statistiques du Bureau de la statistique néerlandais (CBS), 285 000 personnes étaient employées par un particulier en 2003, sous l’appellation d’aide-ménagère. La majorité des personnes qui assurent ces prestations sont indépendantes. Les Pays-Bas se caractérisent par une offre très insuffisante au regard de la forte demande pour ces services.

La Belgique a mis en place un système de prestataires « Titres-services » pour les services de confort avec l’exemption de TVA. L’Etat belge considère que les « services de proximité » est un enjeu important de politique d’emploi. Ainsi, en plus de son contrôle sur les prestataires par un système d’agrément, impose que ces structures respectent dans leurs embauches un quota de 60 % de chômeurs indemnisés ou de bénéficiaires de minima sociaux. Ils ont bénéficié d’un soutien important des autorités. Ils représentent 42 379 ETP au 1er septembre 2009. A priori 100 000 emplois ont été créés grâce aux « titres services ». Il semble que l’emploi direct ne reçoit pas d’aides publiques en la Belgique.

Une forte croissance de l’emploi dans le secteur de l’aide domestique a été observée en Italie où l’emploi a cru de 27 % entre 2003 et 2008. Les services à la personne représenteraient 1,2 millions d’emplois en 2008 et atteindraient 1,7 millions en prenant en compte le travail irrégulier. Ce secteur, bien qu’il représente un gisement d’emplois et bénéficiant de mesures de soutien public, est néanmoins concurrencé par la sphère familiale. Par ailleurs, le niveau élevé du travail dans le secteur des services à la personne limite la compétitivité des entreprises privées.

En Espagne, il n’existe pas de politique de soutien aux services à la personne. Seuls les services d’aide aux personnes dépendantes bénéficient d’une politique de soutien du gouvernement par la Loi 39/2006 de Promotion de l’Autonomie des Personnes et d’Attention aux personnes en situation de dépendance. Le travail dissimulé dans les services à la personne est répandu en Espagne. En février 2010, de 291 527 employés de maison (69 % employés à plein temps) travaillent dans les services domestiques (garderie, jardinage, conduite, petits travaux, soutien scolaire, tâches ménagères, et autres). L’Association Espagnole des Services à la Personne (AESP) s’efforce de promouvoir l’emploi régulier dans ce secteur. Elle estime à 1million le nombre de personnes travaillant dans l’irrégularité.

Le Royaume-Uni, n’a pas mis en place de politique publique dans l’objectif de promouvoir le secteur des services à la personne. Il n’existe pas non plus de politique sectorielle en termes de développement de l’emploi dans ce secteur. Les mêmes règles (fiscales et de cotisations sociales) s’appliquent à tous les employeurs de salariés dans ce secteur quel que soit le type d’employeur (structure privée, particuliers employeurs). Le travail non déclaré est décrit comme fréquent. Une spécificité du système fiscalo-social britannique est la possibilité de ne pas déclarer les travailleurs occasionnels à temps très partiels rémunérés à moins de 140 euros par semaine.

Aux Etats-Unis, il n’existe pas de politique d’aide publique aux services à la personne. Néanmoins, les soins et aides à domicile, dit « caregivers », sont considérés comme une catégorie socio- professionnelle aux Etats-Unis. Le soutien familial est le mode de soutien le plus fréquent.

Le Ministère de la Santé, du Travail et des Affaires sociales japonais recense 1,3 million de personnes employés en 2008 dans le secteur de la dépendance des personnes âgées (+34% par rapport à 2005), soit 2 % de la population active. Le Japon considère que le secteur de la prise en charge de la dépendance des personnes âgées l’une des sources importantes de créations d’emplois.

La définition d’une mesure d’emploi dans le secteur est une nécessité. En effet, les modifications des nomenclatures dans principales sources statistiques servant à estimer l’emploi doivent prendre en compte de manière précise les effectifs salariés des services à la personne.

Au-delà d’une meilleure appréhension de l’évolution de l’emploi, une voie devrait porter sur la prise en compte des changements probables dans les comportements des employeurs et, également, des

salariés, non seulement à mesure qu’un besoin d’un type de service (assistance aux personnes dépendantes, garde d’enfant à domicile) croisse, mais aussi en réaction aux changements possibles des aides au secteur.

Sur l'incitation à travailler et l’encouragement de l’emploi dans ce secteur, l'on doit se tourner vers une exploration économétrique afin de lever les ambiguïtés théoriques des modèles d'offre de travail standards qui limitent l'individu à occuper un seul emploi à la fois. Nous savons que la multiactivité est particulièrement présente dans le secteur des services à la personne. Or, très peu d'études économétriques ont pu être réalisées dans le passé, en raison de l’absence de données individuelles sur la question.

Par ailleurs, les quelques travaux portant sur l’emploi ou le travail dans les services à la personne négligent généralement les facteurs psychologiques dans le choix de d’occuper ces emplois. Non seulement, la presque totalité des études économétriques ignore la motivation. Mais, elles ne tiennent compte ni du comportement du salarié, ni de son appréciation des dispositifs mis en place par les pouvoirs publics pour encourager le recrutement dans ce secteur. Pourtant, il est fort probable que, dans sa décision de travailler, l'individu réagisse davantage à un arbitrage de travailler dans ce secteur (travail d’appoint, conditions de travail, etc.) qu’à la perception subjective qu'il a de la probabilité trouver un emploi. Enfin, alors que l’image valorisée ou, au contraire, dévalorisée de ces emplois au sein de la société, est susceptible d'influencer fortement la décision d’occuper ou non des emplois dans ce secteur, D’où l’intérêt d’explorer cette piste de recherche pour le secteur des services à la personne.

Dans ce cadre, et, au-delà de l’examen de la demande de ces services par les ménages, les caractéristiques de l’emploi et des salariés qui sont parfois employés par des organismes de services à la personne, ayant un but lucratif ou non, sont à prendre en considération dans l’élaboration des politiques de recrutement dans ce secteur. Des mesures spécifiques à chaque type d’employeur peuvent être plus appropriées.