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Chapitre 1 : L’emploi dans les services à la personne : un enjeu économique et social

1.1 Introduction

En réaction aux transformations de la société, notamment au vieillissement de la population et au développement de l’activité féminine, les services à la personne ont connu un développement important. Le soutien de l’Etat à ce secteur est également important. Il s’élève en 2012 à 6,7 milliards d’euros, dont 4,74 milliards pour la seule réduction d’impôt (ou crédit d’impôt) de 50 % et 1,96 milliard pour les exonérations de cotisations sociales patronales sur les services aux publics fragiles. S’ajoute à ce montant d’autres formes d’aides, d’un montant presque équivalent (plus de 6 milliards), comme l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) qui permet de financer des services de maintien à domicile, autorisé par les Conseils généraux (les départements), ou la prestation de compensation du handicap (PCH).

Initialement, avant les années 1990, ce soutien public avait porté sur certaines prestations à destination de publics fragiles (personnes âgées dépendantes, personnes handicapées) ou d’aide à l’accueil et la garde de jeunes enfants avant de s’étendre à de nouveaux demandeurs potentiels de services à domicile sous la forme de réductions d’impôt pour les particuliers faisant appel aux services à domicile. L'article 17 de la loi de finances rectificative pour 1991 a institué une réduction d'impôt sur le revenu pour les sommes versées par les personnes physiques pour l'emploi d'un salarié à domicile. La réduction d'impôt est également accordée aux contribuables qui ont recours aux services, soit d'associations de services aux personnes agréées par l'État, soit d'organismes conventionnés à but non lucratif ayant pour objet l'aide à domicile.

Ce soutien est caractérisé par deux principales préoccupations concernant l’emploi : d’une part la réduction du travail non déclaré (30 % en 2005 selon Marbot 2010), d’autre part le soutien à l’emploi, notamment des personnes qui sont éloignées du marché du travail. Dans ce cadre, l’activité professionnelle féminine est un enjeu de société, car elle soulève la question de l’accès des femmes non qualifiées au marché du travail (Maruani (2004). De fait, les femmes représentent environ neuf

salariés sur dix dans les services à la personne. Cet objectif de création d’emplois remonte au début des années 1990. Par ailleurs, la question de l’égalité d’accès des particuliers à ces services est de même un autre enjeu de politique publique. Les enjeux de ce soutien public sont d’ordre économique et social (Cerc, 2008) :

1.1.1 L’emploi comme principal enjeu économique

Tout d’abord, en face du vieillissement démographique, il y a la baisse de la population active. Le soutien public permet, ainsi, de renforcer l’activité féminine. Ensuite, comme nous l’avions souligné en haut, il s’agit aussi de permettre aux chômeurs peu qualifiés d’avoir une activité professionnelle. Après des années de croissance forte, de 2000 à 2007, où l’activité du secteur a connu une forte augmentation (+4,7 % en moyenne par an), l’emploi et l’activité dans les services à la personne progressent moins rapidement depuis 2008, du fait de l’emploi direct, dans un contexte conjoncturel où le pouvoir d’achat des ménages a baissé. L’emploi salarié dans les services à la personne connait un ralentissementvoire une baisse récente depuis 2010.

Sur l’objectif de 500 000 créations d’emplois dans les services à la personne entre 2004 et 2007, seulement 230 000 emplois ont été créés, selon le rapport de la cour des comptes de juillet 2014 qui s’appuie sur les données de la DARES, soit moins de la moitié de l’objectif visé.

Le volume de l'emploi dans ce secteur varie significativement selon les concepts et la période considérés. Certains organismes producteurs de données, comme le BIPE ont tendance à surestimer le niveau d’emploi dans ce secteur. Les données de la DARES, reflètent mieux les niveaux d’emploi et montrent les différents concepts et les limites des décomptes des effectifs salariés.

1.1.2 Les enjeux sociaux

Les enjeux sociaux sont divers et nombreux. Le premier est la qualité de l’emploi. Le développement d’entreprises de services à la personne permettra-t-il d’améliorer la qualité des emplois connus pour leur instabilité, leur forte proportion de temps partiel « subi » et le peu de perspectives qu’ils offrent aux salariés sur le marché du travail ? Les questions de qualité de l’emploi,

telles les conditions de travail, mènent à contrarier les motivations des salariés dans ce secteur, en subissant, par exemple, les temps très réduits de travail. Toujours dans sur cette question, toutes les études préconisent de prendre en compte les spécificités de ces emplois et d’améliorer les conditions d’emploi des salariés qui les occupent. Au-delà du temps partiel « subi », ce sont la précarité et les conditions de travail difficiles que vivent ces salariés. Une des particularités de ces emplois également sont les relations interpersonnelles très fortes entre le salarié et le particulier. Améliorer la qualité des emplois apparaît d’autant plus nécessaire que les perspectives sociodémographiques engendreraient une demande de ces services alors que ce secteur peine à recruter et à attirer des candidats.

Il y a, en face des emplois qui sont difficiles à pourvoir, une demande de ces services qui constitue le deuxième enjeu social : la prise en charge des personnes âgées dépendantes de plus en plus nombreux (Lecroart et al., 2013 ; Colin et Coutton, 2000) et l’accueil et la garde des jeunes enfants. La population vieillissante deviendra de plus en plus exigeante en terme de qualité concernant l’aide à domicile à apporter, car elle est de plus en plus vielle, donc de moins en moins autonome (Bressé, 2003).

Malgré l’important soutien public, les besoins non satisfaits demeurent encore élevés. La réponse publique à cette demande doit aussi être équitable, que ce soit dans l’accès à l’aide à domicile, ou aux autres activités comme la garde d’enfant ou le soutien scolaire. Les avantages fiscaux et sociaux ne permettent-ils pas de soutenir les particuliers les plus aisés ? Les études descriptives (Benoteau et Goin, 2014) et d’évaluation d’impact de la principale dépense fiscale dans les services à la personne, la réduction d’impôt, sur l’emploi à domicile (Carbonnier, 2009) et sa transformation en crédit d’impôt (Marbot et Roy, 2011) montrent que ce sont bien les ménages les plus aisés qui en bénéficient.