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Chapitre 2 : La motivation intrinsèque des salariés des organismes agréés de services à la

2.2 La théorie de la motivation intrinsèque

Comment pourrait-on expliquer la raison pour laquelle les individus s’engagent dans des actions ou efforts ?

Selon E. L. Deci (1975), le travail provient de sources de motivations externes, dites « extrinsèques », échange entre l'individu et l'organisation par l’intermédiaire des récompenses accordées, et de motivations internes, ou « intrinsèques », liées à la nature du travail. Deci (1975) explique que les deux motivations ne sont pas forcément complémentaires et donc non cumulables. Il souligne la complexité des sources de motivation en ayant le postulat que la liberté d’action des individus est une nécessité psychologique fondamentale, qui permet d’expliquer la motivation (Deci et Ryan, 1975, 1985, 2000).

La théorie de la motivation extrinsèque se définit comme suit : l’individu fait des actions dans l’intention d’obtenir un « intérêt » qui se trouve en dehors de l’activité elle-même. Nous avons comme exemples : être récompensé par une prime, ne pas se sentir coupable, faire plaisir à son entourage. Pour la théorie de la motivation intrinsèque, les comportements sont motivés seulement par l’intérêt et le plaisir que l’individu éprouve dans l’exercice de l’action ou l’effort, sans attendre de récompense extrinsèque à cette action ou effort.

Meyer-Waarden, et Benavent (2006) font remarquer, à partir des recherches en pédagogie, l’existence d’une interaction entre les deux types de motivations, intrinsèque et extrinsèque. Ils soulignent donc un basculement de l’intérêt intrinsèque ou plutôt la perte de celui-ci en faveur de l’intérêt extrinsèque. Cependant, cet effet n’est valable que pour les tâches créatives ou complexes. Les auteurs soulignent que les motivations extrinsèques ne sont pas forcément toujours des éléments destructeurs, surtout pour des personnes qui perçoivent certaines tâches comme « inintéressantes » plutôt que plaisantes. Les « récompenses extrinsèques » peuvent jouer leur rôle de motivation.

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La relation entre la motivation intrinsèque et un type de motivation extrinsèque, qui sont les incitations monétaires, a été analysé au niveau empirique par Frey et Jegen (2001), en s’appuyant sur plusieurs enquêtes dans différents domaines dans plusieurs pays. Ils se sont intéressés à l’impact des incitations monétaires (extrinsèques) sur l’éviction de la motivation intrinsèque. Ils ont mis en lumière l’effet destructeur de l’impact des incitations monétaires (motivation extrinsèque) sur la motivation intrinsèque dans plusieurs secteurs et validé empiriquement cet effet d’éviction. Une autre étude menée en Suisse dans le secteur du travail de volontariat a montré que ces récompenses financières ont conduit à la baisse du nombre d’heures effectuées dans le cadre du volontariat par les volontaires. Les incitations financières peuvent être ressenties par l'agent comme un moyen de le contrôler, alors celles-ci vont avoir un impact négatif sur sa motivation intrinsèque. En revanche, si parallèlement à ces incitations l’agent conserve son autonomie d’action, l’effet d’éviction s’estompe et c’est même un effet positif qui apparaitrait sur sa motivation intrinsèque.

Le modèle de Bénabou et Tirole (2003) s’intéresse aux conditions sous lesquelles les incitations extrinsèques se révéleraient contre-productives à long terme. L’idée de base de leur modèle est que, contrairement aux modèles économiques standards qui considèrent souvent que c’est plutôt l’agent qui détient une information privée, dans ce modèle le « principal » détient également de l’information sur l’agent que l’agent lui-même ignore. Aussi, le principal ayant des préférences différentes de celles de l’agent, préfère que celui-ci essaye d’accomplir au mieux la tâche qu’il lui a confiée. En effet, si le principal dispose d'informations au sujet des compétences de l'agent ou de la difficulté de la tâche, les décisions ou incitations qu’il met en place donnent un signal et révèlent donc cette information. Un phénomène de looking-glass self se met donc en place. Ce système d’incitations lorsqu’il est trop vif peut conduire à une démotivation de l'agent, car ce dernier reçoit un signal déjà négatif que la tâche est lourde, ou que ses compétences sont insuffisantes, ce qui affecte par conséquent, à long terme, sa confiance pour accomplir la tâche. Les auteurs indiquent que leur modèle a montré que « ces phénomènes (systèmes d’incitation et de motivation intrinsèque) sont souvent tout à fait rationnels, et a fourni une analyse formelle qui aide à concilier les points de vue économique et psychologique ». D’autres auteurs comme Etchart-Vincent (2006), tout en considérant que les incitations extrinsèques peuvent réduire la motivation intrinsèque dans certains contextes expérimentaux, nuancent cet effet d’éviction en soulignant que la validité de cet argument n’est pas absolue. D’autres formes d’incitations extrinsèques (autres que monétaires) existent et peuvent au contraire accroître la motivation intrinsèque. C’est le cas, par exemple, de la valeur symbolique de l’accomplissement d’une tâche et de l’impact positif qui en résulte sur le sentiment de compétence ou de réciprocité et l’estime

de soi. Si les incitations monétaires sont perçues par l’agent comme un moyen utilisé par le principal pour contrôler son comportement et réduire sa marge de liberté dans son activité, alors l’effet est négatif. Car, le besoin d’autonomie de l’agent et le sentiment de compétence se trouvent ainsi affectés. C’est le cas des salariés des entreprises qui se sentent contrôlés par les rémunérations incitatives.

Narcy (2009) a testé la motivation intrinsèque des salariés en France dans le domaine associatif. Le choix de ce domaine étant justifié par le fait que le secteur associatif ayant des objectifs sociaux et d’intérêt général devrait avoir des salariés intrinsèquement plus motivés que ceux du secteur privé. L’auteur se base sur la théorie du don du travail – qui est une théorie de l’offre de travail - de Preston (1989) qui suggère que les salariés du secteur associatif sont intrinsèquement motivés s’ils sont prêts à accepter, pour y travailler, de percevoir une rémunération plus faible que celle qu’ils auraient pu percevoir au sein du secteur privé. Les résultats ont montré que les salariés du secteur associatif sont effectivement prêts à accepter des rémunérations plus faibles que celles des entreprises privées, ce qui a permis à l’auteur de conclure à la plus grande motivation intrinsèque de cette catégorie de salariés.