• Aucun résultat trouvé

Analyse des indicateurs de l’emploi à domicile

Chapitre 4 : L’effet sur l’emploi à domicile de l’allègement de cotisations sociales

4.3 Analyse des indicateurs de l’emploi à domicile

L’exonération de 15 points sur les cotisations patronales en faveur des particuliers employeurs, effective en 2006, a entrainé une « pointe » d’activité en 2006, et sa suppression un « creux » d’activité en 2011. La figure 4-1 montre un regain d’activité sur la masse salariale, qui se fait sentir du T1 2006 au T4 2006.Néanmoins, cet indicateur ne reflète qu’imparfaitement une reprise réelle de l’activité, puisque la masse salariale enregistrée dans les données de l’Ircem est une « assiette déclarative », elle est équivalente au SMIC en cas de déclaration « au forfait ». Comme attendu, la mise en place de cette exonération a incité un nombre important de particuliers employeurs à déclarer l’activité de leur(s) salarié(s) « au réel ». En effet, en comparant les évolutions passées de la masse salariale, il est nécessaire de vérifier, au préalable, que les groupes traités et de contrôle

hausse brutale de son taux de croissance entre les deux périodes encadrant l’entrée en vigueur de la mesure d’allègement de 15 points. Par conséquent, la forte croissance de la masse salariale, dans les trimestres qui ont suivi la mise en place de cette mesure, reflète en partie cet ajustement « technique ». Cela nous expose à une situation qui ressemblerait à celle bien connue dans les méthodes d’évaluation sous le nom d’“Ashenfelter’s Dip” (Ashenfelter, 1978,11 Givord, 2010). En effet, il est dès lors difficile, pour nous, de distinguer l’impact sur la masse salariale qui est attribué à la mesure d’exonération et celui lié à un rattrapage « technique » au moment de l’arrivée de l’allègement de charges. En effet, certains particuliers employeurs qui déclaraient « au forfait », avant 2006, ont basculé vers la déclaration « au réel » et ont donc mis fin à la sous-déclaration des salaires permise par le forfait.

La masse salariale qui est calculée sur le champ des particuliers employeurs par l’Ircem ne reflète donc pas le salaire réellement versé. Par conséquent, nous ne disposons pas du taux horaire si la déclaration est « au forfait ». Nous avons donc une vision partielle de la masse salariale. Contrairement à la déclaration « au réel », le salaire est sous-estimé en cas de déclaration « au forfait ». En conclusion, la masse salariale déclarée par les particuliers employeurs « au forfait » n’est pas un indicateur suffisant pour travailler sur l’estimation de l’effet de cette mesure sur l’emploi dans ce segment des services à la personne. Il est plus judicieux d’analyser également les effectifs salariés et les heures salariées qui sont les deux concepts les plus utilisées pour mesurer le niveau d’emploi.

Concernant les effectifs salariés, nous observons que cette exonération a entraîné leur augmentation avec un « effet-retard » d’un trimestre. En effet, la croissance des effectifs salariés employés s’est fait sentir à partir du 2e trimestre 2006 jusqu’au 1er trimestre 2007, voire jusqu’au dernier trimestre de 2007. En traçant une droite de régression du T1 2004 au T1 2006, on retrouverait, par extrapolation, ce chemin de croissance au T1 2008. On pourrait donc en déduire que l’effet de cette mesure s’est fait sentir sur deux ans. La fin de cette mesure en 2011 est, quant à elle, anticipée dès le T4 2010 jusqu’au T4 2011. Ensuite, le taux de croissance retrouve son niveau d’avant cette mesure.

11 Dans notre cas, il s’agit du phénomène selon lequel le taux de croissance de la masse salariale des

particuliers employeurs qui sont ciblés par l’exonération de 15 points est inférieur dans la période qui a précédé l’introduction de la mesure en 2006, parce que la sous-déclaration des salaires réellement versés (les salaires sont déclarés au niveau du SMIC) pourrait constituer la raison de l’entrée en vigueur de cette mesure d’allègement de cotisations sociales de 15 points. Par conséquent, l’impact mesuré par les différences de différences avant et après l’entrée de la mesure tendrait à surestimer l’effet de cette réforme sur la masse salariale.

Concernant le nombre d’heures, il s’agit de notre indicateur principal. Il peut se substituer à l’indicateur des effectifs salariés, en nombre de personnes physiques, et permet donc une analyse alternative du volume d’emploi. Il peut s’exprimer en termes de création d’emplois en équivalents temps plein (ETP) ou encore en nombre d’heures salariées supplémentaires par particulier employeur.

Afin de quantifier l’effet sur l’activité salariée de l’allègement de 15 points, il serait plus judicieux de privilégier, comme grandeur à analyser, les heures salariées. En effet, à partir de ces différentes manières de mesurer le volume d’emploi à domicile, il apparaît que la méthode consistant à recenser le nombre de salariés employés à domicile durant le trimestre ne retrace pas les variations du temps de travail moyen par salarié. De plus, un même salarié peut occuper plusieurs emplois (multiactifs), une situation très répandue dans l’emploi à domicile. Aussi, de nombreux employeurs peuvent augmenter le nombre d’heures déclarées par salarié sans forcément recruter de nouveaux salariés. Par ailleurs, ces derniers sont nombreux dans les services à la personne à être en situation de sous-emploi lié à la durée du travail. Il peut s’agir notamment des salariés à temps partiel qui désirent accroître leur durée de travail et ceux qui, pendant le trimestre, ont effectué un nombre d’heures inférieur à leur durée normale de travail.

L’équivalent temps-plein (ETP) est un autre concept intéressant pouvant parfois être utilisé pour mesurer l’emploi. C'est le nombre total d'heures travaillées à domicile divisé par la moyenne des heures travaillées dans les emplois à domicile à plein temps. Une estimation à partir de cet indicateur, contrairement à celui du nombre de personnes employées, permet de mesurer la variation de l’activité salariée à nombre de salariés constant et de prendre en compte le temps partiel dont le poids devient plus faible. Néanmoins, il subsiste un biais qui est lié à la variation de la durée en heures de référence qui est prise en compte dans la définition d’un emploi à temps plein. Cela pourrait provenir d’un changement législatif dans le temps ou de choix méthodologiques différents dans la construction de cet indicateur. Il est fréquent de présenter, dans l’emploi à domiciel, deux estimations en ETP du nombre d’emplois des particuliers employeurs, l’une sur la base de 35 heures et l’autre sur la base de 40 heures (correspondant à la durée hebdomadaire à temps plein dans la Convention collective nationale des salariés du particulier employeur).

Nous avons fait le choix de retenir le nombre d’heures travaillées comme le meilleur indicateur pour mesurer l’évolution du volume de l'emploi auquel a recouru un particulier

employeur car celui-ci fournit une représentation plus fidèle du volume d’emploi et de ses variations. Pour estimer cet effet sur l’emploi, lié à l’introduction de cette exonération, nous retenons les périodes allant de 2004 à 2008.

Figure 4-1: Taux de croissance du secteur des emplois familiaux

Notes : « SPE » représente le nombre de salariés employés par les particuliers employeurs dans le trimestre. « MSE » représente la masse salariale correspondante.

« Heures » représente le volume d’heures rémunérées dans le trimestre. Source statistique : base salariés de l’Ircem de 2004 à 2013.

L’évolution de l’activité du secteur des services à la personne est sensible à l’âge de l’employeur. La base de données des particuliers employeurs de l’Ircem nous permet de voir cet effet. Plus explicitement, le recours aux salariés à domicile est sensible au degré d’exposition des personnes vis-à-vis des exonérations de charges patronales, notamment de la création, en 2006, de l’exonération de charges de 15 points. La figure 4-2 montre que les particuliers employeurs de moins de 70 ans ont profité plus fortement de cette exonération, notamment durant l’année 2006 : le taux de croissance a doublé pour les premiers (passant de 4 % à 8 %), alors qu’il a stagné pour les plus de 70 ans (légèrement au-dessus de 0 %).

Figure 4-2: Taux de croissance des heures salariées

Note : « Heures +70 » correspond aux nombre d’heures auquel ont recouru les Particuliers employeurs de plus de 70 ans dans le trimestre.

Source statistique : base des particuliers employeurs de l’Ircem de 2003 à 2013.

Cet effet a perduré jusqu’au 2e trimestre 2008, avec une différence sur la forme : la croissance de l’activité des moins de 70 ans s’est stabilisée à un niveau élevé, autour de 5 %, alors que celle des plus de 70 ans a chuté de 1,5 %. La figure 4-2 montre que la suppression de cette exonération a pénalisé les particuliers employeurs de moins de 70 ans. Le taux de croissance de leur activité est inférieur de plusieurs points à celle des plus de 70 ans, entre 2011 et 2012.

Cette comparaison se heurte au fait que les exonérations des particuliers employeurs de plus de 70 ans bénéficient d’exonérations spécifiques, ils ne peuvent constituer pour notre étude un groupe de comparaison cohérent sachant qu’ils ne sont pas affectés de la même manière par les différentes réformes que les moins de 70 ans.

Figure 4-3: Nombre de particuliers employeurs « au forfait » et « au réel » p p y 0 200 000 400 000 600 000 800 000 1 000 000 1 200 000 1 400 000 1 600 000 T1 T2 T3 T4 T1 T2 T3 T4 T1 T2 T3 T4 T1 T2 T3 T4 T1 T2 T3 T4 2004 2005 2006 2007 2008

Nombre de PE au Réel Nombre de PE au Forfait

Source statistique : base des particuliers employeurs de l’Ircem de 2004 à 2008.

Figure 4-4: Volume d’heures « au forfait » et « au réel » (en %)

o u e d eu es au o a t et au ée (e %) 0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70% 80% T1 T2 T3 T4 T1 T2 T3 T4 T1 T2 T3 T4 T1 T2 T3 T4 T1 T2 T3 T4 2004 2005 2006 2007 2008

% Heures au Réel % Heures au Forfait

4.4 Méthodologie pour l’estimation de l’effet de l’exonération de 15