• Aucun résultat trouvé

Allègement de cotisations patronales sur les salariés : une mesure du plan Borloo

Chapitre 4 : L’effet sur l’emploi à domicile de l’allègement de cotisations sociales

4.2 Allègement de cotisations patronales sur les salariés : une mesure du plan Borloo

Depuis le premier janvier 2006, une exonération de 15 points des cotisations patronales est accordée aux particuliers employeurs recourant aux services à la personne, lorsqu’ils déclarent leurs salariés sur la base du salaire réellement versé. D’après le Conseil de l’emploi, des revenus et de la cohésion sociale (CERC, 2008), le coût pour l’Etat de cette réforme s’élevait à 149 millions d’euros en 2006 et 300 millions d’euros en 2010. Il s’agit d’une mesure du plan Borloo de développement des services à la personne. En effet, la déclaration « au forfait » permettait de payer des charges calculées sur la base du SMIC quel que soit le salaire qui est versé au salarié. Avec l’option de déclaration « au réel », une exonération de 15 points des cotisations sociales patronales est accordée aux particuliers employeurs. Elle est plus avantageuse pour le particulier employeur notamment pour les salaires situés entre 1 et 1,2 SMIC net. Le CERC (2008) a indiqué que dans la pratique les salaires bruts compris entre 1 et 1,3 SMIC sont ceux qui bénéficient

réellement de cet allègement. Au-delà de 1,3 SMIC, c’est l’option « au forfait » qui redevient intéressante.

Cette réforme s’est traduite par une forte augmentation de la proportion de particuliers employeurs qui déclarent leurs salariés « au réel »9. Dans le cadre de la lutte contre les niches sociales et fiscales, la loi de finances pour 2011 a supprimé, à compter du 1er janvier 2011, cet allégement de cotisations sociales patronales de 15 points. Deux ans plus tard, début 2013, la possibilité de déclarer un salarié « au forfait » a également été supprimée. La disparition de la possibilité de déclarer « au forfait » avait pour objectif d’augmenter les cotisations sociales perçues et d'améliorer le niveau de protection sociale des employés. Par conséquent, elle a renchéri le coût de l’emploi de salariés pour les particuliers employeurs, même si, en retour, un allègement de charges forfaitaires de 0,75 euro par heure de travail déclarée a été introduit pour compenser, en partie, la hausse de ce coût. Les conséquences de ces réformes seraient probablement multiples :

- la baisse du nombre d’heures effectuées par les salariés chez le particulier employeur; - la fin de l’allègement des 15 points avait engendré une augmentation de la part de salariés

déclarés « au forfait »10;

- une augmentation probable du travail non déclaré sur une partie des heures qui ne seraient plus déclarées, alors qu’elles l’auraient été auparavant.

Une littérature récente s’intéresse à l’évaluation des autres politiques publiques phares de soutien aux services à la personne. La plus emblématique est la réduction d’impôt de 50 % (puis du crédit d’impôt) sur les dépenses de services à la personne (Flipo et al., 1998 et 2007 ; Carbonnier, 2009 ; Marbot, 2011) ; Marbot et Roy, 2011). D’autres auteurs se sont intéressé au dispositif de solvabilisation de la demande d’aide à domicile des personnes âgées dépendantes en évaluant l’élasticité de la consommation des heures d’aide à domicile aux prix facturés (Bourreau- Dubois et al., 2014).

L’évaluation de l’allègement de cotisations patronales de 15 points, dans un secteur dont les périmètres sont difficilement appréhendables d’un point de vue statistique, constitue en soi un défi et suscite de l’intérêt, tant la littérature est concise et les données individuelles sur ce « secteur » restent largement inexploitées. Avec les développements récents des méthodes

9 À partir de 2006, le mode de déclaration « au réel » est devenu le mode déclaration par défaut.

10Ainsi, selon la DARES, l’augmentation des déclarations « au forfait », en 2011, est plus marquée chez les

particuliers employeurs de personnel de maison (hors garde d’enfant) utilisateurs de la Déclaration nominative simplifiée (DNS) et de la Paje. D’après l’Acoss, 37 % des déclarations de salariés effectuées par Cesu et 31 % de celles concernant la garde d’enfants à domicile étaient « au forfait » en 2011(Bargoin et al., 2013).

économétriques d’évaluation de politiques publiques, notre étude a pour ambition de combler un vide, en reliant les études descriptives menées jusqu’ici sur l’emploi dans ce secteur et une mesure de la réforme du plan Borloo : l’allègement de cotisations de 15 points pour les particuliers employeurs déclarant leur salarié « au réel ». En effet, il n’existe pas, à notre connaissance, d’évaluation d’impact de cet allègement sur le niveau d’emploi dans les services à la personne.

Le dispositif d'allègement de cotisations de 15 points n’est pas une politique d’emploi, mais il s'en rapproche dans l'esprit en réduisant le coût du travail. Notre étude se propose ainsi d’examiner comment l’allègement de charges patronales affecte l’emploi de salariés par les particuliers employeurs ou leur activité. Pour répondre à une telle problématique, nous adopterons une approche économétrique spécifique, dite, de « différences-de-différences » puis de « triple différences ». Les doubles différences est une méthode économétrique d’évaluation de politiques publiques ou d’évaluation d'impact, consistant à mesurer les valeurs prises par une variable d'intérêt (activité salariés chez les particuliers employeurs) en présence et en l'absence d’une réforme pour les mêmes individus, au même moment, et à les comparer. Il s’agit donc de mesurer ce que la mise en place de cette mesure du plan Borloo a engendré comme changement sur l’emploi et l’activité dans ce segment des services à la personne.

Un autre aspect rend cette étude particulièrement intéressante. Il s’agit des données qui sont utilisées. La base de données des particuliers employeurs de l’Ircem, qui est une base exhaustive, présente deux autres avantages : la structure longitudinale et la présence de l’information sur l’option de déclaration des salariés par les particuliers employeurs pour chaque trimestre (déclaration « au forfait » ou « au réel »). Cette information nous permet de pouvoir construire les groupes à comparer dans l’évaluation de cette mesure d’allègement de 15 points.