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Evaluation par les différences de différences

Chapitre 4 : L’effet sur l’emploi à domicile de l’allègement de cotisations sociales

4.4 Méthodologie pour l’estimation de l’effet de l’exonération de 15 points sur l’emploi à

4.4.1 Evaluation par les différences de différences

Une évaluation d'impact est toujours une comparaison entre la situation qui prévaut en présence d’une réforme et la situation qui prévaudrait en son absence. Elle nécessite, ainsi, de reconstituer l'information manquante de la situation alternative inobservée. En effet, nous sommes confrontés à la difficulté qu'on ne peut observer simultanément la situation d'un employeur lorsqu'il est bénéficiaire de l’exonération et celle dans laquelle il serait s’il n'avait pas été bénéficiaire. Il n'est alors pas possible de mesurer l'impact causal pour chacun des employeurs et d'en déduire, ensuite, un effet moyen sur l'ensemble des particuliers employeurs (affectés par la mesure). Par conséquent, les méthodes d'évaluation cherchent, en s’appuyant sur des hypothèses, à constituer un ensemble d’individus du « groupe de contrôle », dits « non traités », n’ayant pas bénéficié de la mesure, aussi proches que possibles de ceux qui ont bénéficié de la mesure qui sont dit « traités ». La comparaison des résultats de ces deux groupes d’individus permettrait, alors, d'obtenir une approximation de l'impact de la réforme. Notons que de nombreux facteurs, tels qu'une conjoncture économique défavorable, pourraient expliquer des variations de résultats dans le temps, indépendamment des impacts de la réforme.

Si la variable d'intérêt, comme c’est notre cas, est le volume d’emploi salarié mesuré en nombre d’heures salariées, il faudrait le calculer en présence de l’allègement de cotisations de 15 points et le comparer au niveau d’emploi auquel auraient recouru les particuliers employeurs s’ils n'avaient pas été touchés par cet allègement. Cela mesure l’impact causal que la réforme a eu sur volume d’emploi salarié des particuliers employeurs.

Néanmoins, estimer un impact causal requiert de trouver un moyen d'approximer une quantité qui n'est pas accessible à l’évaluateur : la situation qu'aurait connue le particulier employeur « traité » s'il n'avait pas été concerné par la réforme (i.e. s’il n’avait pas été « traité »). En règle générale, le choix consistant à utiliser des employeurs non concernés par la mesure, pour résoudre ce problème de « contrefactuel » ne fonctionne pas. Il faut alors mettre en œuvre des méthodes économétriques plus élaborées afin d’identifier et de mesurer l'impact causal de la réforme. Parmi ces méthodes, celle de Différences de Différences permet, comme son nom l’indique, de faire la différence entre les deux groupes de particuliers employeurs des évolutions

respectives (différences temporelles) de notre variable d’intérêt (l’emploi salarié) sur la période que l’on souhaite étudier (Il s’agit de l’écart entre C et B de la figure 4-5) :

– l’une des différences doit effacer les différences systématiques au sein du groupe de particuliers employeurs, c’est-à-dire entre ceux qui sont affectés par la mesure d’exonération et les autres ; – l’autre différence doit permettre d’effacer l’évolution temporelle, supposée identique pour les deux groupes en l’absence de la mesure d’exonération.

L’un des exemple les plus connu de l’application des doubles différences est sans doute le l’étude de Card et Krueger (1994) qui ont cette méthode pour évaluer les effets du salaire minimum sur l’emploi. Ils constatent à une croissance du niveau de l’emploi dans le New Jersey (groupe « traité ») avec l’augmentation du salaire minimum intervenue en 1992 alors que l’emploi a baissé en Pennsylvanie (groupe « non traité »).

Comparer le volume d’emploi des particuliers employeurs bénéficiaires de l’allègement de 15 points, qui sont donc « au réel », avec les non-bénéficiaires « au forfait » risque de donner des résultats biaisés par la présence d’effets de sélection. Comparer les heures salariées à ce qu’elles étaient avant la mise en place de la réforme (estimateur avant/après) n’est pas plus satisfaisant. Le principe des différences de différences est de combiner ces deux approches. On dispose de deux groupes que l’on observe avant et après la mesure d’allègement. Cette réforme ne concerne qu’un des deux groupes, celui des particuliers employeurs déclarant leur salarié « au réel ». L’estimateur des différences de différences consiste alors à comparer la variation du volume d’heures salariées auquel recourent les particuliers employeurs bénéficiaires (déclarant « au réel » après 2006) avant et après l’introduction de l’allègement de charges à celle du groupe de contrôle (déclarant « au forfait » avant et après 2006).

Cette approche économétrique est très empirique. Elle se propose de tester directement les effets d’une mesure sans forcément expliciter les comportements sous-jacents des agents économiques. Elle complète l’approche structurelle qui consiste à traiter ces comportements dans le cadre d’un modèle théorique complet. L’approche structurelle est utile pour procéder à l’identification de l’impact causal, en explicitant les liens entre la création d’une relation d’emploi entre le salarié et le particulier employeur, l’allègement de charge et le nombre d’heures salariées. L’ensemble des liens entre ces différentes grandeurs, comme les choix des particuliers employeurs de recourir à l’emploi à domicile ou le nombre d’heures salariées, serait modélisé. Les variables observables et inobservables des employeurs et la conjoncture seraient prises considération.

L’effet quantifié, issu de cette modélisation est néanmoins tributaire d’un ensemble de contraintes qui sont, à chaque fois, liées à la spécification retenue des équations.

La mesure d’allègement de 15 points présente deux caractéristiques. D’une part, elle a affecté le coût du travail de l’emploi à domicile pour beaucoup de particuliers employeurs en rendant celui de la déclaration « au réel » plus avantageux que la déclaration « au forfait ». D’autre part, elle ne doit pas affecter leurs caractéristiques individuelles qui ont une influence directe sur le recours à l’emploi à domicile (présence de liens familiaux, état de santé, besoin de lien social, etc.). Au final, cet allègement a modifié le coût du travail, et ce changement de coût a eu probablement un effet sur le recours à un salarié à domicile. Par conséquent, tout écart de niveau de recours à l’emploi à domicile entre les particuliers employeurs, selon qu’ils ont déclaré leurs salariés « au réel » ou « au forfait », aurait pour cause la variation du coût du travail de l’emploi à domicile. A contrario, si le niveau de recours ne varie pas avec l’application de la mesure d’exonération de 15 points sur les déclarations « au réel », cela voudrait dire que le coût du travail n’a pas d’effet sur le volume d’emploi de salariés à domicile.

Pour appliquer cette méthode, on fait l’hypothèse que nous disposons d’un groupe de « contrôle » qui est similaire (âge, nombre de salariés, etc.) à celui des particuliers employeurs ciblés par la mesure d’exonération. Ces deux sous-groupes ne se différencient que par le fait que l’un est touché par la mesure d’exonération, et l’autre ne l’est pas. Cela nous permet de dire que les liens entre les différentes variables d’un modèle structurel qui déterminent le coût du travail et le recours à l’emploi à domicile interagissent de la même manière dans les deux sous-groupes. Ainsi, ce groupe de contrôle nous permet de mesurer l’effet des changements des caractéristiques observables et inobservables sur le recours à l’emploi à domicile en l’absence de cette réforme.

Figure 4-5: Présentation schématique de l’évolution des heures travaillées des deux groupes « traité » (T=1) et de « contrôle » (T=0)