• Aucun résultat trouvé

P RÉSENTATION DE LA RECHERCHE

Dans le document Récits de formation (Page 133-135)

QUI ENCHEVÊTRE CES PROCESSUS

P RÉSENTATION DE LA RECHERCHE

nProduire du savoir

Georges Lerbet1 prévient : « Produire du savoir n’est pas en inventer. C’est en organiser à sa façon, pour produire un sens qui soit son sens, celui de sa connaissance, mais aussi du sens partageable sans trop de pertes, dans les transformations en savoir et en connaissances. » Il s’agit alors, dans le cadre de l’alternance, de transformer son expérience en prise de conscience et en apprentissage. Selon A. Berco- vitz2: « Tout apprentissage est production de savoir pour celui qui apprend. » Cette position forte permet de refuser l’idée selon laquelle tout ce qui sera appris

est déjà connu. Il s’agit ici de montrer combien la production de savoir n’est pas disjoignable de la pro- duction de soi3. Elle participe à la construction de l’identité. Ainsi, une logique pédagogique exclusive- ment centrée sur l’enseignement transmis et son co- rollaire, la consommation de savoir, semble s’exposer à deux risques majeurs. Le premier est de dénier le droit à la construction de l’autonomie de l’élève par lui-même. Le second, plus pervers, est d’imaginer, pour l’enseignant, la possibilité d’accéder à l’autono- mie de l’autre, en supposant la piloter. Pour autant, comme nous le montre la dialectique entre savoir- gnose et épistémè, il ne s’agit pas de faire l’économie de l’enchevêtrement entre logique de production et de consommation de savoirs, mais plutôt de montrer leur enchevêtrement mutuel.

nComprendre puis réussir/réussir puis compren- dre

La production de savoirs, que nous venons d’évo- quer, amène l’alternant à développer ses propres stra- tégies d’apprentissage. Dans cette variété de singula- rités, les travaux de Jean Piaget ont permis de dégager au moins deux grandes logiques d’apprentissage. Celle qui, selon ses termes, part de la réussite (R) pour aller à la compréhension (C)4, et celle, inverse, qui va de la compréhension (C) à la réussite (R)5. Ainsi, écrit Piaget6: « Réussir c’est comprendre en action une situation donnée à un degré suffisant pour atteindre les buts proposés, et comprendre c’est réus- sir à dominer en pensée les mêmes situations jusqu’à pouvoir résoudre les problèmes qu’elles posent quant au pourquoi et au comment des liaisons constatées et

par ailleurs utilisées dans l’action. » Dans la logique C/R l’enfant apprend d’abord par la manipulation de symboles, de signes, de modèles, avant de valider ses apprentissages sur le terrain. Pour Piaget, cette lo- gique cognitive qui demande à l’enfant, dans une dé- marche déductive, d’abstraire avant d’appréhender le réel construit, n’est véritablement possible pour celui-ci qu’après qu’il ait construit les questions concrètes. C’est cependant le schéma cognitif qu’im- pose l’école traditionnelle. Dans la logique R/C, au contraire, l’élève sera d’abord capable d’agir avant de comprendre le sens et le fonctionnement de son ac- tion. Cette démarche d’apprentissage est inductive et elle est, selon Piaget, un des stades préalables du dé- veloppement cognitif de l’enfant. Partant de ce der- nier modèle, enrichi par les travaux de G. Lerbet, une pédagogie de l’alternance propose en priorité ce schéma cognitif aux élèves. Cependant, il nous semble évident, comme l’affirme André Geay7 qu’il faut faire tourner la boucle « réussir et comprendre », car nous ne pouvons pas nous contenter de proposer un seul parcours cognitif. Si l’alternance apporte une réponse aux exclus du schéma cognitif proposé par l’école traditionnelle, elle risque de reproduire, à l’in- verse, les mêmes exclusions.

nHypothèse de recherche

La pédagogie de l’alternance postule que le savoir ne se donne pas, ne se transmet pas, mais se construit par l’apprenant, dans la relation dialectique qu’il en- tretient avec son propre milieu social et professionnel et des contenus théoriques. Alors que les pédagogies traditionnelles fondent généralement leurs pratiques Autrement

d’enseignement sur la résolution de problèmes et sur la reproduction de modèles, dans une logique de C/R, l’alternance invite l’élève à construire lui-même problème et modèle de résolution dans un processus inverse de R/C. S’opposent alors, en termes géné- riques, deux logiques pédagogiques, l’une par consommation de savoirs où l’élève reçoit un ensei- gnement transmis, l’autre par production de savoirs, où l’alternant construit ses apprentissages.

Cependant, il semble que, posée ainsi, cette oppo- sition relève du modèle théorique. En effet, si elle permet de discriminer deux approches éducatives, du point de vue didactique, elle n’autorise pas, sans pré- caution, à lire de manière aussi exclusive la com- plexité des faits pédagogiques, qui semblent enchevê- trer ces deux logiques. Nous pouvons poser cet enchevêtrement selon le modèle des hiérarchies en- chevêtrées de Jean-Pierre Dupuy (1993, p. 114).

I Consommation de savoirs

---1 C¨ R II Production de savoirs ---2 R¨ C --- 2 R¨ C

--- 1 C ¨ R

Dans ce modèle, ce qui est premier au niveau I de- vient second au niveau II. Ainsi, dans une approche par consommation de savoirs, la logique C ¨ R prime sur la logique R ¨ C. À l’inverse, ce sera R ¨ C qui primera sur C ¨ R dans une pédagogie par produc-

tion de savoirs. Cependant, dans l’un ou l’autre mo- dèle pédagogique, si une logique prime, cela n’im- plique pas la destruction de l’autre logique qui est se- conde. C’est, semble-t-il, une relation dialectique qui anime les deux processus avec primat de l’un ou de l’autre. Maintenant, si l’on change de niveau logique et que l’on observe, non plus à l’intra C ¨ R et R ¨ C pour chaque logique pédagogique, mais que l’on croise à l’interces deux processus et les deux logiques de consommation et de production de savoirs, nous pouvons exprimer notre hypothèse de recherche. En effet, si dans un même parcours, et par une formation double mais dissociée, sont associés logique de consommation et de production de sa- voirs, nous supposons que les apprenants développe- ront alors un niveau supérieur d’intégration, dans le sens où ils seront plus à même de rendre utilisable leur savoir et de faire « tourner » la boucle « Réussir et Comprendre ».

Dans le document Récits de formation (Page 133-135)