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R ÉSULTATS DE L ’ ÉTUDE

Dans le document Récits de formation (Page 137-141)

QUI ENCHEVÊTRE CES PROCESSUS

R ÉSULTATS DE L ’ ÉTUDE

nEntre production et consommation de savoir Un premier enchevêtrement s’exprime à l’inter, par l’association dans un même parcours de ces deux formations aux logiques opposées. Le deuxième en- chevêtrement se dévoile à l’intra, c’est-à-dire, à l’in- térieur même de chaque parcours de formation pris séparément. En effet, l’épreuve pour laquelle le clas- sement opéré entre les groupes révèle une différence significative est celle qui semble en rupture logique avec les autres. Dans la licence, inscrite dans une lo- gique de consommation de savoirs, il apparaît que l’épreuve de soutenance du rapport est dissonante, et relève davantage d’une logique de production de sa- voirs. Inversement pour la formation professionnelle, l’épreuve écrite ne semble pas se référer à la même lo- gique pédagogique9.

nEntre R/C et C/R

Le troisième enchevêtrement concerne les proces- sus R/C et C/R, pour les candidats inscrits simulta- nément dans les deux parcours. Il semble que les étu- diants/stagiaires rendent utilisables leur « savoir » acquis dans les deux systèmes et par les deux logiques en opérant des croisements entre processus cognitifs. Alors qu’ils réussissent dans les épreuves de produc- tion de savoirs où la logique R/C prime, ils font « tourner » la boucle R/C pour réussir également dans les épreuves écrites des deux parcours où la lo- gique C/R reste première. S’ils ne sont pas « meilleurs » dans les deux logiques de consommation et de production de savoirs pris séparément, ils sem-

blent trancher par leur capacité à développer un ni- veau supérieur d’intégration de type R/C. Ils renver- sent alors la contradiction née du double enchevêtre- ment logique, en changeant eux-mêmes de niveau logique, c’est-à-dire en réinvestissant le savoir « consommé » dans la production de savoirs et le sa- voir « produit » dans la consommation de savoirs.

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ISCUSSION

Nous pouvons supposer que ce triple enchevêtrement est en fait l’expression de l’impossibilité opératoire, dans un parcours de formation, de disjoindre logique de consommation et de production de savoirs. L’éva- luation dans les deux systèmes révèle cette impossibi- lité.

nPour la consommation de savoirs

Dans le cadre d’enseignements transmis, le profes- seur s’attend, dans l’épreuve qu’il propose, à ce que l’élève les reproduisent à l’identique. La correction vise à mettre en correspondance la production du candidat avec les contenus du cours. L’enseignant re- cherche et mesure les erreurs dans un souci de conformité entre le référent et le référé. Cependant, nous comprenons qu’il est particulièrement difficile de rester dans l’exclusive de cette logique. En effet, à partir de l’instant où l’épreuve est construite de ma- nière à ce que l’étudiant fasse preuve de raisonne- ment, de sens critique et d’analyse, le correcteur doit s’attendre à l’expression autonome du candidat. Il sera alors en difficulté pour corriger la copie car celle- ci débordera, par non-sommativité, le référent. Deux remarques s’imposent alors. La première est de sup- poser une corrélation très forte entre la forme de l’épreuve et la logique de consommation ou de pro- duction de savoirs. La deuxième est de pointer l’ex- trême difficulté, dans les évaluations proposées, de rester dans l’exclusive d’une seule logique. L’enchevê- trement à différents degrés semble être une pratique des plus répandues. Il est plus aisé de comprendre dé-

sormais que les épreuves proposées sous forme de questions à choix multiples (QCM) sont celles qui sont le moins en contradiction avec une logique de transmission et de consommation de savoirs. Dans ce type d’épreuve, en quelque sorte, on ne mesure pas les apprentissages de l’étudiant qui, comme nous l’avons vu, ne sauraient être disjoints de sa production auto- nome, voire de la construction de son identité, mais plutôt sa capacité à reproduire à l’identique des ensei- gnements.

nPour la production de savoirs

Nous pouvons penser que l’évaluation, dans une logique de production de savoirs, s’apparente à de l’évaluation-régulation. Un certain nombre d’indica- teurs nous permet de le supposer. Un référent semble se construire entre l’élève, son objet d’étude et l’ensei- gnant qui l’accompagne. Cependant, d’une part, le référent et les attendus de la production de savoirs sont déterminés par l’enseignant et, d’autre part, cette production qui sert à évaluer le parcours de formation ne saurait échapper à la nécessaire validation de l’éva- luation-bilan. Les deux logiques d’évaluation ne se posent pas en terme d’exclusivité. Elles semblent se spécifier mutuellement et l’on ne saurait imaginer un parcours de formation qui ferait l’économie de l’un de ces deux aspects. Nous pouvons remarquer, par ailleurs, la complexité pour l’enseignant de réaliser une évaluation dans une logique de production de sa- voirs. Il s’agit presque d’une tâche impossible qui, si elle est réalisée, conduit à une contradiction majeure. Comment, en effet, évaluer une production singu- lière, autoréférencielle par un processus hétéroréfé- Autrement

renciel ? En effet, aucun référent extérieur ne semble en mesure, sans la réduire, d’apprécier l’expression autonome d’un élève dans son propre rapport au sa- voir. Parallèlement (pour l’élève), la production de savoir peut-elle se réaliser sans hétéro-référencia- tion ? La forme de l’épreuve proposée semble surdé- terminante. Il s’agira ici de chercher la valeur de la production en tenant compte de la réflexion, de l’analyse, et de la singularité de l’apprenant.

C

ONCLUSION

Le cas exemplaire de l’association, dans un même parcours, de deux formations aux logiques pédago- giques opposées, révèle, par le vecteur de leur évalua- tion, un certain nombre de contradictions et des mo- dalités possibles de leur dépassement. Tout d’abord, la rencontre de deux systèmes pédagogiques contraires va conduire, assez logiquement, à des contradictions externes entre logique de consomma- tion et de production de savoirs. Ensuite, et de ma- nière plus voilée, chaque formation, prise séparément, développe en intra ses propres contradictions in- ternes entre ces mêmes logiques. Il semble, alors, que les institutions, bercées par l’illusion de la transpa- rence, de la complétude et du principe de non- contradiction, restent plus que discrètes sur leurs contradictions internes, les laissant totalement à la charge des apprenants.

La population confrontée à cette double logique nous montre comment, par complexification, elle parvient à dépasser ces contradictions. D’un schéma cognitif quelque peu binaire, au sens de « com-

prendre » puis « réussir » dans la logique de la consommation de savoirs et de son inverse dans la production de savoirs, la population d’étude intègre ces processus opposés pour réagir aux tensions contradictoires. Ainsi les candidats du parcours asso- cié semblent réinvestir le savoir « consommé » dans la

B

IBLIOGRAPHIE

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Professeur Frédérique Lerbet-Séréni, 2000.

VARELA(F.), Autonomie et connaissance. Essai sur le vi-

production de savoirs et le savoir « produit » dans la consommation de savoirs, sans être cependant jamais assurés des limites que le système assigne implicite- ment à ces audaces. On peut alors faire l’hypothèse que c’est l’expression de leur propre autonomie qui paraît transcender le contradictoire, par l’enchevêtre- ment des niveaux logiques, en même temps que cette autonomie se construit par ces expériences d’affran- chissements et d’enchevêtrements singuliers. Il reste alors à questionner l’émergence de l’autonomie de chacun dans les processus contradictoires, et le statut donné par les institutions pédagogiques à cette ex- pression. L’évaluation semble être une entrée effi- ciente dans ce questionnement, dans la mesure où elle dit une articulation de l’individuel et de l’institution. Enfin, cette étude pose l’intérêt des parcours de for- mation qui associent, sous une forme de double com- pétence visée, la rencontre de logiques de formation contradictoires.

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