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É VOLUTION SOCIOPROFESSIONNELLE ET MISES EN FORME AU COURS DE LA VIE

Dans le document Récits de formation (Page 65-68)

Réflexion en cours à partir de trois histoires de vie professionnelle

É VOLUTION SOCIOPROFESSIONNELLE ET MISES EN FORME AU COURS DE LA VIE

Le développement et la formation des personnalités individuelles, considérés aux différents âges de sa vie, sont placés au centre de multiples interactions. Pour Éric H. Erikson2, le développement de la per- sonne résulte de l’interaction d’événements internes (psychiques, physiologiques, biologiques) et d’ordre externe (sociaux, professionnels, culturels). La per- sonne est ainsi à la fois l’objet d’une élaboration qu’elle n’a pas forcément choisie et le sujet de diffé- rentes activités professionnelles, mais également so- ciales et familiales ou encore personnelles, aux- quelles elle participe. Ainsi, la personne traverse différentes sphères sociales ou privées, y prend des rôles, agit à l’intérieur, y travaille pour vivre et pour

se construire.

L’expérience humaine représente le point médian d’interactions multiples entre la personne et le milieu dans lequel elle évolue. Le biologique, le psycholo- gique, le social, le spirituel sont autant d’entrées pour nommer les actions et les échanges externes et in- ternes qui maintiennent et transforment l’adulte au cours de sa vie. La personne est à la fois le sujet des transformations et l’acteur de ses mutations. Pour Claude Dubar, l’identité sociale et professionnelle est la résultante d’une double articulation, d’une part, entre une orientation stratégique et une position rela- tionnelle et, d’autre part, d’une interaction entre une trajectoire sociale et un système d’action et de lan- gage. La construction identitaire pourrait se résumer à un processus complexe mettant en multiples ten- sions les phénomènes d’identification ou d’apparte- nance et de différenciation ou de spécification.

Pierre Tap précise : « Mon identité c’est donc ce qui me rend semblable à moi-même et différent des autres, c’est ce par quoi je me sens exister en tant que personne et en tant que personnage social (rôles et fonctions), ce par quoi je me définis et me connais, me sent accepté et reconnu comme tel par autrui, mes groupes et ma culture d’appartenance3

. » Soulignons l’importance de deux éléments majeurs qui sont ici associés à la construction identitaire :

– L’unicité, comprise à la fois comme sentiment d’être reconnu unique et comme fonction vitale de maintien de sa forme, de sa cohérence en tant que tout.

– La continuité, dans ce que les autres font de moi et dans ce que je fais de moi dans le temps.

Les interventions Considérée du point de vue du développement, la

formation de la personne peut ainsi être comprise comme le processus et le résultat d’actions, d’interac- tions, de transactions au cours de la vie. La personne, en prise ou entreprise dans ces mouvements, peut se former, se transformer, mais elle doit également faire siens les événements qui interviennent dans le cours de l’histoire.

Avec Danièle Riverin-Simard, Gaston Pineau formalise une hypothèse intéressante pour com- prendre les articulations entre « les étapes de la vie au travail » et la formation de la personne. Pour ces deux auteurs, le rapport au travail et la formation évoluent au cours de la vie en fonction de l’âge. Si l’âge n’est pas considéré comme une variable causale, il de- meure un élément prépondérant, précisant et consti- tuant la toile de fond des moments importants de l’existence.

Quelques repères et illustrations propres à l’his- toire de Vincent permettent de resituer les résultats d’une enquête menée par Danièle Riverin-Simard :

– Après la scolarité, la préoccupation des jeunes adultes est de s’insérer, de se faire une place dans le monde du travail (dix-huit à vingt-cinq ans) ; pour Vincent, c’est la période de l’engagement dans l’ar- mée. Il quitte le foyer familial puis il arrête la filière de l’enseignement classique pour acquérir une com- pétence professionnelle : « Après de longues soirées à discuter avec lui [un marin] et de me décrire la vie professionnelle d’un mécanicien de la flotte, il a fini par me donner l’envie d’aller voir ce qui s’y pas- sait. »

– Une fois sur la « planète travail », l’occupation majeure devient la recherche d’une évolution sociale et professionnelle (vingt-cinq à trente-cinq ans) ; âgé de trente-six ans au moment de l’écriture de son histoire de vie professionnelle, Vincent décrit son évolution socioprofessionnelle à partir de ses diffé- rents emplois. Il nous indique les moments de rup- ture : « J’étais prêt à démissionner car je n’avais plus le moral. Ce n’était pas à cause de mes résultats car ils étaient bons, mais ce devait être une accumula- tion de petites choses qui ont fait que trop de disci- pline me donnait une overdose ! » et sa dynamique : « Je pensais avoir réalisé mon objectif et je savais qu’un jour ou l’autre, je partirais de cette société… Aussi, je regardais un peu ce qui se passait ailleurs. » – Vers le « mitan de la vie », il s’agit pour la per- sonne de trouver une harmonie entre ses aspirations personnelles et ses activités professionnelles et so- ciales (trente-cinq à quarante-cinq ans) ; Vincent semble juste entrer dans ce questionnement : « J’ai augmenté le chiffre d’affaire de 30 %, je suis actuelle- ment aux alentours de 30 % sur un chiffre d’affaires d’environ cinq à six millions de francs4. Je peux dire que je suis arrivé actuellement à une finalité dans mon travail, un but que je m’étais fixé, aussi bien pro- fessionnel que personnel. »

– Plus tard, les préoccupations s’orienteront pro- gressivement, par un transfert gravitationnel, vers une autre planète, celle de la retraite, et vers des acti- vités plus altruistes (après qurante-cinq ans).

Parallèlement à l’implication dans les activités pro- fessionnelles s’organisent, en fonction de l’âge, des tendances dans la mise en œuvre de la formation.

Sans tomber dans la schématisation, Gaston Pineau, laissant place à la variété et à la complexité propre à la formation de chacun, nous en donne les grandes ten- dances :

– L’hétéroformation est une modalité inhérente à l’enfance. L’éducation est présente aux plus jeunes âges de la vie. L’enfance est l’âge de l’écoute des autres, de l’incorporation des usages et des codes so- ciaux. L’adolescence est ici un moment particulier de contestation de cette tendance. Dans son témoi- gnage, Vincent nous parle de sa préparation à un concours à l’âge de seize ans : « J’étais déjà très content d’être convoqué, aussi je me souviens de ces vacances 1978 (en fait, pas de vacances). J’étais chez ma marraine qui était prof pour réviser tout l’été ! Le Bled, je le connaissais par cœur. »

– « Je suis descendu à Noël pour passer les fêtes et une petite retraite pour moi, pour faire la mise au point avec moi-même. » Dans cette expression, Vincent se remémore un moment difficile de sa vie. Ce retour sur soi et ses expériences relèvent d’un mouvement d’autoformation. Si les premières an- nées de la vie adulte gardent encore les traces d’une éducation première, c’est par une autoréférenciation que les repères acquis initialement sont réactivés. C’est certainement vers le mitan de la vie que l’auto- formation culmine pour l’adulte : il réinterroge sa vie pour la réinvestir en fonction de ses aspirations propres.

– L’écoformation domine dans le deuxième mitan de vie. L’adulte, au sommet de sa maturité et après une période de doute existentiel, cherche à com- prendre le monde et à faire partager ses connais-

sances.

La problématique de la formation d’une personne ne peut évidemment pas se réduire à son âge. Nous tentons simplement de sortir d’une conception considérant encore l’adulte dans une statique de l’état. Il s’agit pour nous de saisir les variations qui

ments d’une vie adulte. Le champ de notre étude correspond à une période comprise entre l’entrée dans le monde du travail et le mitan de la vie. Il re- présente une trentaine d’années au cours de laquelle de nombreux changements interviennent. Ces mo- ments articulent souvent la fin d’une dynamique avec la suivante. Ils soulignent, souvent en même temps, l’importance des autres (la famille, les relations, les proches), la place et le rapport entretenu avec le monde et les choses (les méthodes, les objets, les ins- titutions), la manière dont la personne s’appréhende et se saisit elle-même.

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ARRATION DE SOI ET AUTOFORMATION EX

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