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M OUVEMENTS DE FORMATION ET ACTIVITÉS PROFESSIONNELLES

Dans le document Récits de formation (Page 63-65)

Réflexion en cours à partir de trois histoires de vie professionnelle

M OUVEMENTS DE FORMATION ET ACTIVITÉS PROFESSIONNELLES

Lorsque Bernard, Thierry et Vincent témoignent de leur formation professionnelle, ils ne se limitent pas à la période correspondant à l’emploi. Chacun à sa ma- nière articule le trajet professionnel aux différentes causes et aux différents buts qu’ils attribuent aux che- mins empruntés. Ainsi, les intérêts annoncés pour le choix d’un métier relèvent autant d’une suite logique liée à une tradition familiale, que d’une opportunité pour quitter une condition vécue comme pesante ou encore du hasard d’une rencontre personnelle éclai- rant l’avenir. La place des apprentissages et des ac- quisitions, correspondant aux différents emplois tenus, est rarement évoquée. Il s’agit davantage, dans ces trois récits, des finalités poursuivies et conditions pour y parvenir. Le fait de changer d’emploi ou de métier devient alors pour Bernard, Thierry et Vin-

cent, comme un allant-de-soi.

Un regard plus sociologique, sur la période qui correspond à ces trois trajets professionnels, nous permet de situer les enjeux socioprofessionnels dans lesquels se sont déroulés ces parcours singuliers. L’évolution de la formation professionnelle en France montre les ambivalences entre les nécessités de production d’une nation ou d’une organisation professionnelle, et la volonté d’émancipation du sujet. Fortement marquée par l’éducation initiale, la formation professionnelle des adultes passera par dif- férentes appellations ces dernières décennies : éduca- tion permanente, formation continue, formation tout au long de la vie. Nous pouvons observer une dégradation progressive de la place du sujet en tant qu’entité porteuse d’un projet de formation person- nelle. Aujourd’hui, si la notion de qualification de- meure, elle recouvre principalement un enjeu de dé- veloppement des compétences utilisables sur le marché du travail. La compétence est réduite à sa di- mension utilitaire, dans et pour l’entreprise, excluant ipso facto la question du sujet en tant qu’entité glo- bale, porteuse de projet.

Finalement, là où l’institué et le formel des dispo- sitifs pédagogiques s’attachent aux résultats des ac- quisitions et des compétences, la personne re- cherche une mise en sens singulière inscrite dans l’histoire de ses expériences. La problématique semble se poser ainsi dans les limites d’une dialec- tique des objets de formation, des connaissances à acquérir par un professionnel, et de la place du sujet en formation.

les éléments conceptuels pour appréhender la place de l’homme en formation et au travail. Dans Condi- tion de l’homme moderne1, elle distingue l’homo faber (celui qui réalise un ouvrage) et l’animal laborans (l’homme de peine et de malheur). À partir de cette première distinction, Hannah Arendt introduit une relation utile et subtile entre le travail, l’action et l’œuvre. Ce sont trois activités humaines fondamen- tales, affirme-t-elle. Le travail correspond à un pro- cessus vital, à une nécessité biologique du corps hu- main. La consommation caractérise ici cette énergie nécessaire à la vie. L’œuvre relève de la non-natura- lité de l’existence humaine. Elle inscrit l’homme dans la durée, en lui permettant d’exister au-delà d’une fin inexorable. Quant à l’action, elle repré- sente la seule activité permettant la mise en relation des hommes, sans objet ni matière. La spécialisation relève de cette organisation collective. Qu’est ce qui reste ? Qu’est ce qui est nécessaire, futile ? Qu’est ce qui s’élabore ? Sont ainsi des questions centrales pour donner un sens aux activités et à l’existence.

L’interdépendance entre l’emploi, l’identité pro- fessionnelle et les expériences de la personne trouve sa résultante dans les situations vécues. Nous don- nons à l’emploi une dimension liée à la nécessité économique, un caractère de dépendance, un statut et rôle assigné ; l’identité professionnelle renvoie da- vantage à une élaboration socioprofessionnelle, aux dynamiques d’appartenance à un corps profession- nel, d’identification à un métier ; les expériences de la personne sont comprises comme le lieu de mise en relation et d’actualisation des activités singu- lières. Lorsque les activités sont sensées, plus inté-

gratrices que les tâches strictement professionnelles, elles interfèrent dans l’ensemble des sphères de la vie personnelle de l’adulte. L’activité professionnelle est alors comprise à la fois comme un processus situé dans un contexte socio-historique et dans une dynamique distribuant et reliant les différentes sphères de la vie du sujet. C’est dans l’interaction du genre – caractéristiques propres à un métier, à un groupe professionnel ou social –, et du style – ma- nière particulière de faire d’une personne –, que le sujet et le groupe assurent leur propre développe- ment.

Dans le trajet professionnel de Vincent, nous pou- vons observer les étapes de sa vie professionnelle dans les mouvements entre formation formelle et infor- melle, les activités sociales et professionnelles. La place de l’autoformation est importante si l’on re- garde les correspondances entre les objectifs de la for- mation instituée et les fonctions professionnelles as- sumées par Vincent. L’emploi tenu n’est pas toujours en relation directe avec la formation instituée effec- tuée auparavant. C’est davantage l’engagement dans un nouvel emploi, les apprentissages « sur le tas », l’expérience acquise, qui autorisent le développement des savoirs et des nouvelles compétences. À ce stade, l’autoformation nous apparaît comme une modalité particulière, une technique où la personne cherche à apprendre par elle-même. Vincent dit : « J’ai traîné dans toutes les cales pour connaître tous les circuits du bateau. » Alors mécanicien dans la Marine natio- nale, il crée ses espaces éducatifs, il rend son environ- nement formatif.

La personne est ici considérée dans le rapport qu’elle établit avec le savoir. Comment la personne apprend-elle ? Dans des situations formelles ou infor- melles d’apprentissage, en hétéroformation ou en au- toformation ? Mais dans la perspective que nous sou- haitons établir, la personne est considérée à partir de ses expériences. Nous pensons que sa formation dé- borde largement le formel, de ce qu’il peut en dire ou écrire. Son émergence et sa destination relèvent au- tant du sensible et du corps que du sensé et de l’esprit. C’est pourquoi l’expérience, produit d’une pratique ou d’une pensée, s’origine pour nous entre vie sociale et vie privée, entre vie quotidienne et moments de ré- flexion, ceci dans des mouvements propres aux diffé- rents âges de la vie.

É

VOLUTION SOCIOPROFESSIONNELLE ET

Dans le document Récits de formation (Page 63-65)