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Urbaine Rurale

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La part de l’urbain ne doit cependant pas étonner outre-mesure. Entre 1660 et 1730, les Réguliers du Trégor sont 31,7% à venir des villes et les Séculiers 20%, ce qui est déjà considérable pour un diocèse qui ne compte que quatre villes1. Pour les cinq diocèses de Haute-Bretagne la part de l’urbain dans le recrutement des prêtres séculiers et des missionnaires est également notable2. Les plus grandes villes du diocèse que sont les évêchés concentrent la majorité des recrutements dans chaque diocèse : Rennes arrive en tête avec 61 missionnaires ce qui en fait la première ville pourvoyeuse de toute la province à l’époque moderne, loin devant Nantes et ses 35 recrues. Rennes fournit d’ailleurs 78 % des missionnaires missionnaires de son diocèse ce qui est colossal par rapport aux autres évêchés qui fournissent entre 40 et 50% des candidats aux missions dans leur diocèse ; sauf Saint- Malo qui ne fournit que 30 %3 du contingent candidat aux missions, Saint-Pol-de-Léon, 14,7 %4 et Tréguier seulement 6,5 %. Rennes est aussi la première ville dans les envois de missionnaires à chaque décennie.

En exceptant le cas de Dol où les effectifs sont trop faibles pour être convenablement étudiés5, Saint-Pol-de-Léon et Tréguier ne sont pas les premiers fournisseurs en missionnaires de leur diocèse, loin de là même. Saint-Pol-de-Léon se trouve à égalité avec Landerneau et ses cinq missionnaires et derrière Brest qui en envoie le double. Le cas de Tréguier est plus extrême puisqu’elle est la quatrième ville du diocèse avec ses trois religieux, derrière Guingamp (4), ce qui est trois fois moins que Lannion (8) et sept fois moins que Morlaix (22)6 ! Les évêchés ne sont donc pas les seules villes actives dans le recrutement pour les missions. Mais ces trois évêchés sont en léthargie au cours du XVIIe siècle : Tréguier ne cesse de décliner et n’est plus au XVIIIe siècle qu’une bourgade semi-rurale qui ne conserve son statut de ville que parce qu’elle est évêché7

. Elle est surpassée par ses voisines plus peuplées qui ont plus de moyens pour accueillir de nouvelles communautés religieuses en particulier le port de Morlaix presque trois fois plus peuplé et beaucoup plus actif dans les échanges maritimes. D’ailleurs on retrouve des couvents capucins à Morlaix8, Guingamp et Lannion mais aucun à Tréguier.

1 MINOIS Georges, Les religieux en Bretagne sous l’Ancien-Régime, Rennes, Ouest-France, 1989, p. 152 ; À

Tréguier, Lannion, Guingamp et Morlaix, j’ai ajouté Châtelaudren (1) et La Roche-Derrien (1).

2

BERTHELOT DU CHESNAY Charles, Les prêtres…op. cit. p. 89.

3 Le total monte à 34% si on ajoute Saint-Servan (trois missionnaires viennent de la paroisse dont les deux

Acadiens rapatriés et ayant vécus à Saint-Servan).

4 Le total monte à 26,5 % si on ajoute Roscoff qui n’est autre que la trève du siège de l’évêché.

5 Dol ne fournit qu’un seul missionnaire dans son diocèse. Les deux autres viennent de Saint-Pierre-de-Plesguen,

dans le diocèse de Dol, et de Langan, enclave dans le diocèse de Saint-Malo jouxtant celui de Rennes.

6 On compte Morlaix dans le diocèse de Tréguier bien que la paroisse Saint-Martin fasse partie du diocèse de

Saint-Pol-de-Léon.

7

MINOIS Georges, Les religieux… op. cit. pp. 20-26.

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Saint-Pol-de-Léon est surpassée par la puissance de Brest dont la croissance est exponentielle et se trouve concurrencé par sa propre trève rurale : Roscoff. Les Capucins sont à Roscoff mais pas à Saint-Pol-de-Léon. Ces évêchés sont donc épaulés par d’autres centres urbains voire ruraux. À ces deux cas s’ajoute celui de Saint-Malo où l’évêché ne monopolise pas l’attention. Les villes de Ploërmel, Dinan et Bécherel fournissent 29 missionnaires, plus que Saint-Malo et Saint-Servan réunis (26). L’influence des grands centres n’est donc pas exclusive comme le remarquait justement Bernard Dompnier dans le cas des Capucins de la province de Lyon1.

La part du recrutement rural représente plus du cinquième des effectifs totaux soit 95 personnes. Dans chaque diocèse, la part du rural oscille autour du quart des effectifs. Pour Rennes et Tréguier, ce taux ne monte qu’à 1/10e

. Le recrutement rural est dispersé sur le territoire diocésain et les bourgades ne donnent qu’un seul missionnaire à quelques exceptions près comme Pordic et Roscoff (4), Saint-Méen (3), Cancale, Vertou, Campbon et Rezé (2). La dichotomie urbain/rural imposée par le traitement des informations ne permet pas de saisir l’ensemble du recrutement urbain et la spécificité de celui rural. La définition de ville est déjà complexe et amène à faire des choix, c’est-à-dire à exclure des bourgs ou à intégrer de plus grosses localités. Si on prend la liste des 253 villes et bourgs de Bretagne dressée par Alain Croix2, il faut tout de suite réviser la notion de rural. Dans le répertoire missionnaire on ne compte plus les bourgades qui disposent de halles, d’un port, d’une ou plusieurs foires, d’une population conséquente voire d’une administration propre. Si on les considérait comme urbaines, alors le recrutement urbain atteindrait plus de 90% du total. La carte de recrutement permet encore de nuancer les propos sur le recrutement3. Le recrutement s’effectue principalement autour des centres urbains. Les petits bourgs et villages se situent à proximité d’un centre urbain. Les grands centres polarisent le recrutement comme Nantes avec Rezé, Chantenay-sur-Loire, Couëron et Vertou ou Vannes avec Arzon, Auray, Theix, Pluneret, Brech et Grand-Champ. On constate finalement que les individus réellement isolés sur le territoire sont peu nombreux.

La force de l’attraction urbaine est évidente. Elle transparaît encore une fois si on prend en compte la division Haute- et Basse-Bretagne. Cette ligne fictive sépare la partie « francophone » de la partie bretonnante. Elle n’a cessé de reculer depuis la fin du XVIe siècle, et bien avant déjà, sous l’influence de la langue française si bien que le pays de

1 DOMPNIER Bernard, Enquête… op. cit. pp. 285-288. 2

CROIX Alain, La Bretagne aux 16e… op. cit. Tableau 18 pp. 135-145.

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Guérande, bastion bretonnant en pays nantais au XVe siècle, passe au Français au cours des siècles. La carte reprend la séparation admise par des informateurs contemporains à plusieurs siècles d’intervalle et qu’Alain Croix a retravaillée1

. Gardons en tête que la ligne est une séparation qui cache mal la diversité des situations dans l’entre-deux où français et breton se mêlent. On dispose de 463 données, plus que pour les paroisses mais moins que pour les diocèses car certains diocèses appartiennent à coup sûr à l’une ou l’autre partie de la