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Nombre de départs par décennie selon le sexe

Homme Femme

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La participation des femmes apparaît très modeste par rapport à celle des hommes. Le premier départ d’une religieuse bretonne est celui de l’Ursuline Anne de Lézenet des Séraphins en 1643 vers le Canada, pour soutenir la nouvelle implantation québécoise entreprise par Marie de l’Incarnation1. Elle est cependant isolée car ce sont les Augustines bretonnes qui vont réellement marquer le XVIIe siècle avec cinq envois entre 1648 et les années 1670, toujours au Canada. Les Ursulines bretonnes n’interviendront massivement qu’à partir de 1727 en Louisiane jusqu’à la chute de l’Empire colonial en 1763. Les femmes apparaissent donc deux décennies plus tard que les hommes dans la mission, au XVIIe siècle tout du moins. Les départs de femmes pour les missions passent de sept au XVIIe siècle à seize au siècle suivant, soit une progression double contre une évolution timide de 3 % pour les hommes. On constate une absence totale de départs entre 1680 et 1720 et après 1760, au même moment que les diminutions d’effectif constatées pour les hommes, liées aux guerres ou crises importantes. Par contre, on les retrouve à chaque période d’expansion de la mission, dès les années 1640, et au moment du pic missionnaire débuté dans les années 1720, le pic féminin en chiffre absolu étant atteint en 1730-1740 avec six envois, soit 9 % des envois de la décennie, taux atteint une nouvelle fois à l’extrême-fin de la période, avant la fin du premier empire colonial français en 1750-1760 avec quatre envois, et 9 % des départs pour cette décennie. Lorsqu’on regarde les chiffres des religieuses bretonnes parties en mission jusqu’en 1840-18502, on ne peut que constater que le modèle de la mission de type Ancien-Régime subsiste encore, tant pour les hommes que pour les femmes. Le XVIIe siècle a fait moins d’envois de femmes que le XVIIIe

siècle. Mais, aux 23 religieuses véritablement bretonnes de l’époque moderne, succèdent 33 religieuses missionnaires entre 1801 et 1850, augmentation timide entre ces deux périodes mais qui laisse une place plus importante aux femmes qui s’immiscent plus régulièrement dans les mouvements missionnaires. Car, entre le XVIIIe

et le premier XIXe siècle, le nombre de femmes a doublé ! De siècle en siècle, il y a une augmentation continue des effectifs féminins qui finit par culminer après le milieu du XIXe siècle, signe d’une plus grande participation féminine : conséquence du Concile de Trente ?

Les différences entre hommes et femmes ne sont pas très importantes car les augmentations et diminutions des départs concordent, l’origine du recrutement aussi, bien que le recrutement féminin soit plus bretonnant que pour les hommes. Finalement c’est le petit nombre de femmes en mission qui marque la principale différence avec l’autre sexe. La faible

1 OURY Guy-Marie, Les Ursulines de Québec (1639-1953), Sillery (Québec), Septentrion, 1999, p. 47. 2

MICHEL Joseph, Missionnaires bretons… op. cit. pp. 227, 231 ; On compte deux religieuses de 1801 à 1830, 31 de 1831 à 1850, l’essor du départ des religieuses débutant après le milieu du XIXe siècle.

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part prise par les femmes ne doit quand même pas cacher leur spécificité dans les missions et plus largement dans la société de l’époque moderne. Il convient alors de donner des éléments d’explication à notre constat numérique.

« L’imbécilité du sexe »

Avant d’expliquer la présence des religieuses en mission, il faut plutôt se pencher sur les raisons de leur absence de la mission. Deux raisons principales peuvent l’expliquer.

La première explication tient en des conceptions physiques et culturelles propres à la société de l’époque moderne. L’époque moderne voit un affaiblissement du statut juridique de la femme selon le principe repris à Aristote de l’« imbecillitas sexus » qui concerne le sexe féminin. Selon cette définition la femme est considérée comme un « mâle mutilé et imparfait » et qui dispose in fine de capacités inférieures à celles de l’homme dans tous les domaines1. Dans une lettre aux Ursulines de Saint-Pol-de-Léon, Louis Quéméner décrit comme principale caractéristique des religieuses leur « légèreté ordinaire à [leur] sexe », les excusant par la même d’une erreur qu’elles auraient commise2

. Faible et moins intelligente, la femme est jugée plus apte à la contemplation encore que les dérives à ce sujet effraient les théologiens. De cette définition, la société en est venue à penser qu’il fallait protéger la société et la femme elle-même de ses émotions. De même, par son « imbécilité » naturelle, elle ne pouvait qu’être seconde face à l’homme. Cet ordre social était conçu comme légitime puisqu’il était voulu par Dieu lui-même depuis qu’il avait créé Eve de la côte d’Adam.

La seconde explication découle directement de la première et tient cette fois-ci à des conceptions purement religieuses. Pour contrôler la femme et maintenir la société, il était jugé nécessaire qu’elle soit mariée ou qu’elle soit dirigée par un homme ou une hiérarchie, apte à maintenir l’ordre social. La femme se devait d’être obéissante et soumise à l’Église. La fin du Moyen Âge et le début de l’époque moderne avaient vu apparaître la figure de la femme sainte. Mais les dérives mystiques de certaines, alliées à une conception plus « bourgeoise » de la société, a amené les autorités ecclésiastiques et civiles à repenser le modèle religieux pour la femme. Ainsi le Concile de Trente affirmait que les religieuses devaient être cloîtrées

1 LE GOFF Jacques, RÉMOND René, Histoire de la France religieuse, Volume 2… op. cit. pp. 422-425.

2 Lettre de Louis Quéméner aux sœurs de Mollien, Ursulines de Saint-Pol-de-Léon, 01/01/1687. PÉRENNÈS

Henri, Un vieil évêque breton des Missions Etrangères : Monseigneur Quéméner, évêque de Sura 1643-1704, Quimper, Imprimerie cornouaillaise, 1935, p. 78.

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afin d’isoler les éléments potentiellement dangereux du reste de la société1

. Les premières institutions laïques devinrent rapidement des ordres qu’il fallait circonscrire au moyen des vœux religieux et de l’enfermement. Le modèle idéal de la piété féminine devenait par conséquent celui de la contemplation, comme l’avaient bien exprimé Thérèse d’Avila et les Carmélites déchaussées au XVIe siècle. L’apostolat devenait dès lors impossible pour les femmes qui se devaient de rester dans les couvents à prier pour le salut de la société, et éventuellement le salut des païens, la conquête des âmes dans le monde entier et pour le soutien des missionnaires par exemple. La femme ne pouvait pas être active mais seulement passive.

L’absence des femmes en mission se comprend mieux au regard de la société mais leur présence devient dès lors anormale, exceptionnelle et demande à son tour une explication. Les femmes sont actives dans la vie religieuse telle les dévotes. Les femmes de l’élite aidaient souvent au développement de la mission comme les fondatrices d’ordres féminins ou des laïques comme Madame de Longueville, soutien aux missions du Père Joseph du Tremblay, ou encore Marie-Madeleine de Chauvigny de la Peltrie, veuve séculière qui finança et accompagna Marie de l’Incarnation au Canada etc. D’ailleurs un exemple breton existe dans la personne d’Hélène Boullé, fille d’un Breton et femme de Samuel de Champlain, qui partit de 1620 à 1624 au Canada. Elle n’était pas religieuse mais laïque et enseignait la religion aux petites indiennes. Ce n’est que plus tard qu’elle se fit religieuse chez les Ursulines. Si on l’intègre comme une religieuse, elle serait la première Bretonne partie en mission. Mieux encore elle serait le premier missionnaire breton du XVIIe siècle, car partie environ trois ans avant le Jésuite Jean le Dirou pour l’Orient2.

Mais ce sont bien les années 1640 qui sont cruciales en France comme en Bretagne, période des premiers départs féminins. Le concile de Trente avait intégré les femmes dans son plan de reconquête catholique et avait encouragé les instituts féminins à se développer. Cette période coïncide surtout avec la diffusion des premiers écrits jésuites sur leurs missions au Canada. Cette période est marquée en 1635 par l’appel de Paul Lejeune qui s’étonnait que des

1

FARGE Arlette, ZEMON-DAVIS Natalie (dir.), DUBY Georges, PERROT Michelle, Histoire des femmes en

Occident, Volume 3 : XVIe-XVIIIe siècle, Paris, Plon, 1991, pp. 191-194.

2 Le départ en mission de Jean le Dirou en 1623 reste incertain, de même que sa présence qui n’est pas

mentionnée dans les catalogues jésuites… ARSI, Franc. 21a : LEBON Gabriel, Missionnaires jésuites du Levant

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religieuses ne veuillent venir au Canada, les encourageant à s’y rendre en plus grand nombre1. Nul doute qu’un tel appel eut des échos en France, dans les couvents féminins, en particulier ceux des Ursulines, dont la vocation apostolique avait été annihilée par l’application des canons du Concile de Trente qui prévoyaient la clôture des religieuses en 1615, et ce malgré la résistance de plusieurs couvents français2.

Pourtant là encore le départ n’est pas évident en raison justement de cette « imbécilité du sexe féminin » bien ancrée dans les esprits. Paul Lejeune lui-même doutait de la force des religieuses à partir en s’étonnant « qu'un grand nombre de filles Religieuses, consacrées à

nostre Seigneur, veulent estre de la partie ; surmontant la crainte naturelle à leur sexe, pour venir secourir les pauvres filles, et les pauvres femmes des Sauvages. Il y en a tant qui nous écrivent, & de tant de Monastères, & de divers Ordres très réformés en l'Église ; que vous diriez que c'est à qui se mocquera la première des difficultez de la Mer, des mutineries de l'Océan, & de la barbarie de ces contrées »3 tout comme le fils de Marie de l’Incarnation, Claude Martin, qui écrivait qu’il était « défendu [aux femmes] d’exercer la fonction de

Missionnaire et d’aller porter l’Évangile dans les païs Infidèles, tant à cause de la foiblesse de leur sexe et des accidents qui leur pourroient arriver, que parce que l’opinion commune que l’on a de leur simplicité seroit plus capable de decrediter la doctrine et la religion qu’elles précheroient, que de luy donner du poids et de l’autorité ; outre qu’elles ne sont pas des sujets capables de recevoir l’impression du caractere du Sacerdoce, qui doit être comme indispensablement attaché à ce ministere »4. L’Augustine Jeanne Thomas de Sainte-Agnès eut du mal à convaincre son père qui tenait à elle mais « Elle surmonta toutes les difficultés

qui s'opposèrent à sa vocation religieuse et gagna tellement l'esprit de ce bon père... pour sa vocation au Canada qu'il consentit à tout ce qu'elle voulut »5. Le frère religieux de Marie- Madeleine Hachard « pour [la] détourner de [son] dessein, [lui] dit avant [son] départ bien

1 Relation de ce qui s'est passé en la Nouvelle-France en l'année 1635, Paris, Sébastien Cramoisy, 1636, pp. 4-

8 ; Il avait déjà lancé un appel en 1634. Voir THWAITES Reuben Gold (éd.), The Jesuit Relations and Allied

Documents: Travels and explorations of the Jesuit missionaries in New France, 1610-1791, Volume 6 : Québec 1633-1634, Cleveland, Burrows Bros. Co., 1897, p. 152.

2 KELLER-LAPP Heidi, « Devenir des Jésuitesses : les missionnaires ursulines du monde atlantique » Histoire

et missions chrétiennes, Vol.4 n°16, 2010, pp. 19-51.

3 Relation de ce qui s'est passé… op. cit. pp. 4-5.

4 MARTIN Claude (Dom), La vie de la vénérable mère Marie de l'Incarnation, Première Supérieure des

Ursulines de la Nouvelle-France : Tirée de ses lettres et de ses Écrits, Paris, Louis Billaine, 1677, pp. 303-304

cité dans ZEMON-DAVIS Natalie, Juive, catholique, protestante. Trois femmes en marge au XVIIe siècle, Paris,

Le Seuil, 1997 (1ère éd. 1995), pp. 130, 316.

5

Lettre circulaire de la Mère Jeanne Thomas de Sainte-Agnès citée dans PIACENTINI René, Canada et

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des choses qui ne devaient pas [lui] faire plaisir »1 tout comme ces « gens » qui « ont traité [cette] entreprise de folie » ou donné un avis opposé à la mission2. On devine aisément ce qui a pu être dit à propos de l’aventure ursuline en Louisiane au début du XVIIIe

siècle. Pour Catherine Macé et ses consœurs de l’hôpital Saint-Joseph de la Flèche, l’évêque d’Angers hésita longtemps à les laisser partir, et une fois son accord donné, c’est le peuple qui se réunit le jour du départ des sœurs pour leur barrer la route, croyant qu’on les emmenait de force au Canada. Et une fois à la Rochelle, on tenta encore de les décourager en leur disant « qu'on les

renverrait du Canada la même année sans vouloir d'elles »3...

Ce doute était même partagé par les femmes elles-mêmes comme Marie de l’Incarnation qui écrivait à son directeur spirituel

« Vous avez un grand sujet, mon Très Révérend Père, de présumer et tout

ensemble de vous défier de mon imbécilité. Et je ne m’étonne pas si vous êtes surpris et dans l’étonnement de me voir aspirer à une chose qui semble inaccessible encore plus de voir que c’est moy qui y aspire […]. Et sans regarder la foiblesse de mon sexe ny mon imbécilité particulière, il me sembloit que ce que Dieu me versoit dans le cœur était capable de convertir tous ceux qui ne le conoissent, et qui ne l’aiment pas. Lorsque je fis mes exercices spirituels, je me trouvois toute honteuse quand il me falloit rendre compte de mes sentimens, qui ne convenoient ny à mon sexe, ny à ma condition

[…]. Comme je crains que mes désirs ne soient plutôt des impétuositez de la

nature que des mouvements du S. Esprit, et que mon amour propre ne se veuille contenter en cela sous une apparence de piété, je me représente les dangers de la mer et les travaux du païs »4.

Bien que Non-Bretonne, mais modèle idéal de la femme-missionnaire, cette phrase de Marie de l’Incarnation témoigne bien de la conception que se font les femmes de leur statut dans la société. Outre les formules liées à l’humilité, la faiblesse du sexe et les débordements émotionnels sont clairement avancés comme un barrage à la mission par les actrices elles- mêmes. Marie-Madeleine Hachard en fait aussi part sachant par « [sa] propre expérience que

le Seigneur se plaît à faire éclater la force de son bras dans les sujets les plus foibles »5, pensant probablement à elle-même et ses consœurs ursulines et se justifiant plus tard à son père « que nous ne sommes pas inutiles en ce pays, je vous assure que tous nos momens sont

1 GRAVIER Gabriel (éd.), HACHARD Marie-Madeleine, Relation d'un voyage des religieuses ursulines de

Rouen à la Nouvelle-Orléans en 1727, Paris, 1872, p. 28.

2 Ibid. pp. 26, 28.

3 Société littéraire et historique de Québec (éd.), DOLLIER DE CASSON François, Histoire du Montréal, 1640-

1672, Montréal, Eusèbe Senécal Imprimeur-Editeur, 1871, p. 78.

4 Lettre de Marie de l’Incarnation à Dom Raymond de Saint-Bernard, Feuillant, 15/04/1639. OURY Guy (Dom)

(éd.), Marie de l’Incarnation Ursuline (1599-1672) Correspondance, Solesmes, Abbaye Saint-Pierre, 1971, Lettre XII, pp. 26-27.

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contez & que nous n'en avons pas un à nous »1 pour répondre à d’anciens préjugés que son père avait pu avoir avant son départ.

Il existe une opposition de la société patriarcale à voir partir à l’aventure des femmes qui doivent, selon elle, être encadrées solidement par une hiérarchie et une barrière physique. Il existe aussi une opposition de la part des femmes et des religieuses elles-mêmes qui ont intégré la conception que la société se faisait d’elles. Ces femmes reconsidèrent leur propre rang dans la société et se conforment à l’idéal qui repose sur elles. Pour les individus, une femme missionnaire était inconcevable. Encore plus inconcevable était de voir partir des femmes outre-mer, même des religieuses. D’ailleurs aucun terme ne désignait spécifiquement ces femmes missionnaires : le mot missionnaire était uniquement masculin et n’a donné lieu qu’à des néologismes comme « Jésuites » ou « Jésuitesse », terme particulièrement péjoratif2

. En 1848 encore aucun mot ne leur était dédié : la sœur Grignoux des Filles de la Charité forgeait dans une de ses lettres le terme de « missionnairesse »3.

Ces oppositions n’empêchent pas pourtant les religieux de faire appel aux femmes pour les missions ; Marie-Madeleine Hachard rapporte qu’à son départ en 1727 « il partit d’ici le deux

de ce mois un vaisseau pour Pontichery, il porte trois Révérends Pères Jésuites Missionnaires, avant leur départ il nous ont fait l’honneur de nous venir voir & de dîner avec nous plusieurs fois, ils voulurent débaucher la moitié de notre Communauté pour établir un Convent d’Ursulines à Pontichery, mais le Révérend Père Tartarin n’en a voulu donner aucune »4, puis au cours de son voyage, lors d’une escale à Saint-Domingue, le gouverneur

leur « marqua avoir beaucoup d’envie d’avoir un établissement d’Ursulines dans ce païs »5 et plus tard « que le Révérend Père Boullenger, qui y est [aux Illinois], demande des Religieuses

pour y faire un établissement »6. Un chef Illinois, nommé Mamantouensa, se lamentait même auprès des Ursulines de la Nouvelle-Orléans de la peine qu’il avait de ne pas avoir de femmes « comme les Robes noires » dans son pays pour s’occuper des filles et des femmes : « Ah ! si

nous avions là-haut [dans leur pays] deux ou trois de vous autres, nos femmes et nos filles auraient plus d'esprit, et seraient meilleures Chrétiennes. Hé bien ! lui répondit la Mère Supérieure, choisissez celle que vous voudrez. Ce n'est point à nous à choisir, répondit

Mamantouensa ; c'est à vous qui les connaissez. Le choix doit tomber sur celles qui sont le

1 Ibid. p. 85.

2 KELLER-LAPP Heidi, « Devenir des Jésuitesses… art. cit. 3

Lettre de Sœur Grignoux à M. Étienne, 09/01/1840. Annales de la Congrégation de la Mission, Tome 8, Paris, Imprimerie Adrien Le Clere et Cie, 1842, p. 37. Extrait cité dans CURTIS Sarah A., « À la découverte… art. cit.

4 GRAVIER Gabriel (éd.), HACHARD Marie-Madeleine, Relation… op. cit. p. 19. 5

Ibid. p. 58.

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plus attachées à Dieu, et qui l'aiment davantage »1. Pierre Belgarde appelle également des religieuses à le rejoindre en Afrique2. Les demandes sont plus nombreuses qu’on ne le pense et traduisent un réel besoin. Les hommes espèrent prendre en charge les colons dans les hôpitaux et leurs compagnes, ainsi que les femmes indigènes qui ne peuvent être prises en charge par les hommes afin d’implanter plus durablement encore le christianisme dans l’esprit de leurs ouailles.

Une autre forme de participation aux missions existait : à défaut de pouvoir partir, des liens entre les missionnaires extérieurs et les femmes cloîtrées dans les couvents français s’étaient créés. Par exemple Jean-Louis Leloutre s’adressait à un de ses confrères religieux en ces termes : « comme vous connoissés quantités de religieuses charitables, adjoutez je vous en

prie le plus que vous pourrés de chapelets »3. Joseph de Paris demanda aux Calvairiennes, dont il était un des fondateurs en 1617, de prier pour les missions d’Orient, leur promettant même d’envoyer douze d’entre elles si les Lieux Saints venaient à être libérés4

. Il existe donc une manière indirecte de participer aux missions. Comme pour les hommes chargés de gérer les missions depuis la France, les femmes peuvent fournir aux missionnaires des objets comme des chapelets qu’elles se chargent de fabriquer et participer à la réussite des missions en priant pour le bien de celles-ci.

Il n’est donc pas étonnant de voir si peu de femmes traverser les mers. Tous ces barrages, invisibles et concrets, sont de véritables freins à la mission féminine. Seuls de précieux appuis laïcs - la duchesse d’Aiguillon, Richelieu et les Jésuites5 pour les Augustines, les Jésuites pour les Ursulines - l’accord des supérieures des couvents, l’assentiment du roi et l’autorisation pour s’installer des autorités civiles et coloniales pouvaient permettre un tel projet puisqu’aux dires de Paul Lejeune les femmes étaient aussi nombreuses et enflammées