• Aucun résultat trouvé

Les lieux de formation : le moment du cho

Effectifs des religieux bretons partis en mission selon leur institut

C- Les lieux de formation : le moment du cho

Les lieux de formation que sont les collèges, les noviciats des couvents et les séminaires sont des pépinières de vocation ecclésiastiques, mais ils ne sont pas tous des pépinières missionnaires. Bien qu’ils puissent orienter vers une carrière apostolique, il apparaît très vite que les établissements bretons ne sont pas tournés vers la mission. Leur utilité est de former une élite laïque ou de préparer à la vocation religieuse. Ce sont des établissements spéciaux, des centres missionnaires, parisiens pour la plupart d’entre eux, qui acclimatent véritablement à la mission. L’institution locale d’enseignement est une courroie entre l’élève et les centres missionnaires, même si de temps à autre la mission y tient une part importante.

Il ne s’agira pas, pour le moment, de décrypter le contenu des apprentissages prodigués dans ces établissements missionnaires1, mais de comprendre quels rôles les institutions missionnaires jouent dans la naissance de la vocation missionnaire, qui succède à la vocation religieuse. Réfléchir à sa vocation est primordial et tous les centres religieux se font rapidement centres missionnaires du fait des exercices pratiqués, de l’émulation provoquée par la présence de missionnaires ou de « propagandistes », et par l’existence d’une bibliothèque, dont le rôle dans la vocation est primordial.

1. Des lieux de formation et de maturation

Les futurs missionnaires ne restent que peu de temps en Bretagne pour leur formation. Pour la plupart d’entre eux, ils s’expatrient avant de prendre connaissance des instituts missionnaires ou des missions elles-mêmes. Le premier recrutement, religieux, dépend d’abord des institutions locales. Ces couvents, collèges ou séminaires diocésains peuvent amener à une carrière missionnaire comme cela semble être le cas dans les couvents des frères mineurs où le noviciat est la seule institution enseignante par laquelle passent les frères, pendant environ trois ans. Bien que nous ne disposions pas du détail des études de nos religieux pour 71 % d’entre eux, il semble avéré que tous les missionnaires ont fait des études. Parmi les 175 mentions d’études dont nous disposons, et bien que tous les religieux aient fait des études, d’une durée très variable, Paris occupe une place très importante. Plus de la moitié

180

des religieux de ce corpus est passée par la capitale au moins une fois avant le départ en mission. On pourrait presque reprendre la phrase de Molière introduite dans les Précieuses

Ridicules « qu’hors de Paris, il n'y a point de salut », dans le cas des missionnaires. Les

établissements parisiens comme le collège Louis-le-Grand, le Séminaire du Saint-Esprit, Saint-Sulpice ou la Sorbonne attirent les meilleurs élèves qui sont pour la plupart à la recherche de charges prestigieuses. Toutes les grandes carrières se font à Paris et c’est probablement dans cette optique que la grande majorité des étudiants se rend dans la capitale car la concurrence pour les meilleures charges et les cures les plus lucratives est intense dans les diocèses où exercent des centaines de prêtres et où s’y forment les séminaristes. C’est ce qu’a constaté Évelyne Hiet-Guihur dans le cas des missionnaires des MEP, relevant que sur les 37 missionnaires bretons pour lesquels elle dispose d’informations sur les études, quinze sont passés par Paris avant de rejoindre les MEP1. Parmi les dix missionnaires sulpiciens, sur lesquels nous sommes renseignés, tous sont passés par Paris, y compris après avoir étudié auprès d’eux dans leur diocèse d’origine. Il ne fait aucun doute que tous les Sulpiciens sont passés par Paris au moins une fois. Il en va de même pour les Spiritains puisque le séminaire du Saint-Esprit n’est situé qu’à Paris2. Chez les Jésuites, le passage par Louis-le-Grand est assez commun puisqu’au moins 18 Jésuites sur les 49 pour lesquels les renseignements sont disponibles sont passés par Paris. Le pôle fléchois joue aussi un rôle considérable car, sur le même effectif, dix sont passés par ce collège, tout en sachant que cinq Jésuites sont passés par ces deux collèges prestigieux. La Flèche était au XVIIe siècle le collège qui a su le mieux entretenir la flamme missionnaire parmi tous les collèges de France. Les premiers missionnaires canadiens y avaient tous étudié après le retour des Jésuites en France, et en particulier Ennemond Massé, ancien missionnaire au Canada et professeur au collège de 1614 à 1625, et Jean Bagot, contributeur aux missions et au collège entre 1622 et 1633. S’y est succédé une véritable dynastie de missionnaires passés au Canada3.

Le passage par Paris semble être un critère assez distinctif pour les missionnaires, du moins pour les Séculiers, car les Réguliers sont plus souvent confinés dans leurs provinces respectives où leur formation se limite au noviciat du couvent autour des lecteurs ou prédicateurs : c’est le cas des Récollets de la province Saint-Pierre, en particulier au couvent de Cuburien, le registre de vêture permettant de repérer les missionnaires4. Les tables

1

HIET-GUIHUR Évelyne, Le voyage… op. cit. p. 118.

2 Il possède des annexes à Verdun et Meaux en 1737, à Québec et tente de s’installer en Corse en 1777.

COULON Paul (dir.) Claude-François Poullart… op. cit. pp. 259-262.

3

TAILLANDIER Marie-Françoise, Des réseaux… op. cit. pp. 483-484.

181

capitulaires semblent indiquer cette même tendance de formation dans les couvents de la province1. La situation est certainement similaire pour les Capucins bien que nous n’ayons aucune information les concernant, mis à part pour Albert de Nantes qui se rend à Paris pour rénover son latin qu’il n’avait pas pratiqué depuis longtemps2

. Les Dominicains sont dans le même cas de figure puisque quatre d’entre eux sont passés à Rennes, au couvent de la Bonne- Nouvelle et un autre par le noviciat de Morlaix. Les Carmes étaient eux aussi formés dans les couvents de la province, le noviciat rennais ayant même eu le monopole dans la province carme de Touraine jusqu’en 16643

. Cela n’empêche pas que quelques Réguliers soient passés par Paris comme le Carme déchaussé Bruno de Saint-Yves qui étudia la logique à Paris au collège de Clermont4. Mais il est le seul cas d’un Régulier passé par Paris, si on enlève les Jésuites de cette catégorie. Il existerait donc une division entre Réguliers et Séculiers, les premiers se contenteraient de passer par les noviciats et couvents de leurs provinces alors que les seconds s’expatrieraient majoritairement vers la capitale après des études dans les établissements diocésains. Cette différence pourrait s’expliquer par la vertu que les Réguliers accorderaient à l’humilité et qui les pousserait à refuser les charges éminentes et à se cacher du monde, tandis que les Séculiers s’accorderaient sur la place accordée à une formation poussée, dans l’air du temps de la Réforme catholique qui appuie sur la formation du clergé.

Toujours est-il que la question est de savoir comment l’enseignement prodigué au sein de ces établissements peut conduire à la mission, sachant qu’elle reste un phénomène marginal dans tous les ordres religieux d’alors, y compris pour les Jésuites, qui s’enorgueillissent pourtant d’être le premier ordre dédié à la mission dans toute la chrétienté.

Premièrement, il existe une sorte de charisme missionnaire propre aux ordres ou aux instituts séculiers qui se transmet aux élèves lors de leur intégration à la communauté des religieux. Par exemple les Mendiants insistent sur la pauvreté donc sur leur liberté de mouvement (du moins l’absence théorique d’une attache) et prétendent à l’apostolat en raison de leur fondation et de leur histoire5. Les Frères mineurs s’y distinguent nettement mais les Dominicains aussi prétendent s’arroger cette place comme le suggèrerait l’histoire

1 COURTECUISSE Max, Tables capitulaires… op. cit.

2 Ms. 1176 : Vita et gesta patris Albertis Nannetensis, missionarii apostolici. Bibliothèque des Capucins de

Paris, p. 2.

3 BESNARD Antonin… op. cit. Vol. 1, pp. 166, 172, 212-213.

4 LOBINEAU Guy (Dom), TRESVAUX François-Marie (éd.), Les Vies des Saints de Bretagne… op. cit, Vol. 4,

p. 328.

182

introductive des missions dominicaines présentée par André Chevillard exposant l’action des Dominicains en Amérique, depuis la découverte de ce continent, puis dans le reste du monde1. De même, les Sulpiciens puisent leur ferveur missionnaire dans la pensée de Jean-Jacques Olier2, particulièrement attaché à la mission montréalaise, tout comme les Lazaristes avec Vincent de Paul, en contact permanent avec les milieux de la mission3.

Deuxièmement, sans trop détailler les contenus des enseignements prodigués, très peu liés à la mission, ils sont axés sur le développement de la spiritualité, avec l’idée que la mission n’est que l’aboutissement d’une réflexion spirituelle faite de lectures, d’oraisons, de souffrances, de réflexion intense et de rencontres. Qu’est-ce que le séminaire au XVIIe siècle, si ce n’est un centre de réflexion, préparatoire à l’obtention de la prêtrise4

? Le Séminaire des Missions étrangères était presque uniquement un lieu de réflexion pour les prétendants à la mission, prolongeant seulement les études suivies dans d’autres séminaires auparavant5. Chez les frères mineurs, à savoir les Capucins et les Récollets, le noviciat servait à détacher les candidats du monde, à les former à la mortification permanente, dans l’optique de nier sa volonté propre pour ne laisser place qu’à la volonté de Dieu6. Selon son biographe, Cassien de Nantes, encore enfant, avait appris des Capucins la manière de bien faire son oraison mentale7. Les Récollets s’adonnent à l’extrême pauvreté et font 2 h 30 d’oraison mentale par jour8. Les Ursulines, dont la règle préconisait qu’elles soient cloîtrées, rendaient la part de la prière et de l’oraison encore plus importante dans la vie des religieuses à côté de l’enseignement, le tout avivé par la présence de confesseurs qui les conseillaient dans leur choix de vie. Les Frères de la Charité, adonnés aux soins et à la charité ne manqueaint pas de faire deux oraisons mentales par jour, en plus des prières usuelles9. Même dans les institutions les plus intellectuelles comme le Séminaire du Saint-Esprit, la Compagnie de Saint-Sulpice ou la Compagnie de Jésus, fine fleur de la Réforme catholique, l’oraison mentale est centrale et

1 CHEVILLARD André, Les Desseins de Son Éminence de Richelieu pour l'Amérique… op. cit. pp. 1-14. 2 DESLANDRES Dominique, « Les fondations » in DESLANDRES Dominique, DICKINSON John A.,

HUBERT Ollivier, Les Sulpiciens de Montréal : une histoire de pouvoir et de discrétion (1657-2007), Montréal, Fides, 2007, pp. 24-31.

3 Vincent de Paul avait été fait prisonnier des Barbaresques et servit comme aumônier des galères à Marseille. En

contact avec le Levant, il s’intéressa de prêt aux missions étrangères d’autant plus vivement qu’il était persuadé que le christianisme reculait. MIQUEL Pierre, Vincent de Paul, Paris, Fayard, 1996, pp. 365, 395-399. Voir aussi TAILLANDIER Marie-Françoise, Des réseaux… op. cit. p. 318.

4 BERTHELOT DU CHESNAY Charles, Les prêtres… op. cit. pp. 156, 160-162 5 HIET-GUIHUR Évelyne, Le voyage… op. cit. pp. 121-123.

6 DOMPNIER Bernard, Enquête… op. cit. pp. 95-111 ; DINET Dominique, Vocation et fidélité… op. cit. pp.

56-64.

7 Emmanuel de Rennes, Abrégé de la vie… op. cit. p. 85.

8 MEYER Frédéric, « Pour faire l'histoire des Récollets… art. cit. 9

MONVAL Jean, Les Frères hospitaliers de Saint-Jean de Dieu, Paris, Bernard Grasset, 1950 (1ère éd. 1936), p. 64.

183

très marquée par l’influence d’Ignace de Loyola et de ses Exercices spirituels, et plus largement de la Devotio moderna1. Cette pratique de l’oraison, instituée par les Jésuites, s’est répandue partout et occupe une place tout aussi importante après les études. Les notes personnelles laissées par Picot de Clorivière dans la seconde moitié du XVIIIe siècle laissent apercevoir le cheminement personnel suivi par le religieux dans sa quête de la perfection spirituelle et de l’abandon à Dieu, et dans lequel il exprime son envie de quitter l’Europe pour missionner en Amérique du Nord. Il avait déjà exprimé son désir de rejoindre le Canada lors de son noviciat, dans les années 1750. Passé dans la province jésuite anglaise en 1762-1766, ses désirs se ravivent2. Consignant chaque jour ses sentiments et ses exercices religieux pendant cette période, on peut mieux appréhender le cheminement d’un religieux dans sa vocation missionnaire. Vivement adonné à l’oraison mentale, son désir refait surface à chacune de ses séances3. Le 8 décembre 1765 il écrit « je renouvelai aussi les différentes

promesses que j'avais antérieurement faites à Dieu, au cas où ce serait son bon plaisir de me donner le libre usage de ma langue : 1° demander avec instances à mes supérieurs la mission du Canada »4 et cette pensée ne le quittera plus. En effet le 10, il est hanté par les missions canadiennes car après ses actes de prières, il a « senti un ardent désir de travailler à la

conversion des Canadiens et de verser [son] sang dans ce pays pour l'amour de Notre Seigneur »5, proposant même une requête au gouvernement britannique6. Puis le 13 il note « dans l'oraison, à la messe et à d'autres moments de la journée, grand désir de la mission du

Canada »7, le 18 il écrit « après une heure d'oraison, où j'eus beaucoup de distractions, j'étais

sur le point de me retirer, quand je me trouvai profondément recueilli en Dieu et rempli du sentiment de sa présence. J'eus alors un extrême désir d'aller au Canada, et d'y verser mon sang pour le nom de Jésus-Christ »8. Ces réflexions l’amènent continuellement à se

questionner sur sa réelle vocation et sur son utilité auprès des Gentils et cela de manière

1 MAYEUR Jean-Marie, PIETRI Charles, PIETRI Luce, VAUCHEZ André, VENARD Marc (dir.), Histoire du

Christianisme… op. cit. Vol. 8, pp. 1000-1004.

2 Tiré de ces notes intimes. Cité dans TERRIEN Jacques, Histoire du R.P. de Clorivière, de la Compagnie de

Jésus, Paris, Ch. Poussielgue, 1892, pp. 84-88.

3 Pour s’en faire une idée, on pourra consulter MONIER-VINARD (éd.), Pierre de Clorivière de la Compagnie

de Jésus (1735-1820) d’après ses notes intimes de 1763 à 1773, Volume 1, Paris, Spes, 1935, pp. 46, 111-150,

164, 186, 271. Dans son journal spirituel, tenu entre la fin de l’année 1765 et 1766, il évoque 17 fois les missions du Canada.

4 Tiré de ces notes intimes. Cité dans TERRIEN Jacques, Histoire du R.P. de Clorivière… op. cit. p. 84.

5 Tiré de ces notes intimes. Cité dans REYNIER Chantal, Pierre-Joseph de Clorivière, jésuite, 1735-1820 : un

maître spirituel pour aujourd'hui, Paris, Parole et silence, 2001, p. 27.

6 RAYEZ André, « Le sens ecclésial à la fin du XVIIIe s. : Pierre-Joseph de Clorivière », Revue d’ascétique et

de mystique, Vol. 38, septembre-décembre 1962, pp. 461-482.

7

Tiré de ces notes intimes. Cité dans TERRIEN Jacques, Histoire du R.P. de Clorivière… op. cit. p. 86.

184

violente jusqu’au 25 décembre au moins1. Malgré le refus de ses supérieurs, nul doute qu’il y

pense de temps à autre. L’oraison amène doucement le religieux à penser à sa carrière et à envisager les différents moyens pour atteindre cette perfection spirituelle. Couplée aux paroles entendues par les supérieurs et les confrères, aux lectures et aux rencontres, la mission resurgit et devient envisageable. Il en est allé ainsi de Picot de Clorivière qui, en 1790, entendit parler de la nomination à l’évêché de Baltimore de John Caroll, son ancien professeur de philosophie à Liège et son ami2. Il confia son désir de le rejoindre alors qu’il subissait les contrecoups de la Révolution. Bien qu’il décide de ne pas partir en 17913, le cheminement spirituel de Picot de Clorivière n’en reste pas moins intéressant puisqu’il met en avant le lien très fort qui unit l’oraison mentale, accoucheuse du désir de mission, ainsi que la force des éléments extérieurs qui nourrissent ce rêve et le rendent envisageable.

L’oraison mentale, personnelle par définition, est souvent accompagnée par une direction spirituelle qui a la double fonction de développer la vocation et d’opérer une sélection parmi les religieux. Cette étape est particulièrement importante car le directeur spirituel des religieux est considéré comme un oracle puisqu’il est le truchement entre l’homme et Dieu, seul capable de déceler la volonté divine dans les paroles de ses élèves4. Les Directeurs des MEP lui accordent une importance égale aux Jésuites. Ainsi ils recommandent que « les

Ecclesiastiques qui auront attrait de Dieu pour ces Missions doivent durant quelque temps exposer leurs pensées à un sage Directeur & sur tout examiner les motifs qui les y portent »5. Un de ses membres, Pierre Brindeau s’y conforme. Après avoir pris une décision au sujet de sa vocation et exprimant sa joie avec M. Laneau,

« Leur directeur leur en demanda la cause, on ne lui dissimula rien, on lui rapporta fidèlement le sujet de la conversation qu'ils venoient d'avoir ensemble. Ils allèrent plus en avant, ils lui découvrirent ce qui se passoit au fond de leurs âmes, ne lui cachant pas qu'ils se sentoient déjà portés à cette vocation extraordinaire. Le saint prêtre en fut touché et Dieu lui fit connoître intérieurement que dans cette affaire il agissoit en maître. Pour seconder leurs généreuses intentions, il voulu lui-même les présenter à M. l'évêque d'Héliopolis qui étoit à paris »6

1 Ibid. pp. 86-87. 2 Ibid. pp. 74, 247-249.

3 Il avait déjà refusé de partir en 1788 à cause de ses charges de vicaire général et de supérieur du séminaire. 4

VANTARD Amélie, Les vocations… op. cit. p. 227.

5 Relation des Evesques françois aux royaumes de Siam et de la Cochinchine, de Camboye & du Tonkin, &c.,

divisé en quatre parties, Paris, Pierre Le Petit, Edme Couterot, Charles Angot, 1674, « Préface » cité dans Ibid.

p. 226.

185

Chez les Jésuites l’Indipeta relève de cette même confession orale à un directeur, mais de manière écrite, ce qui en fait de précieux documents. Julien Maunoir évoqua sa vocation apostolique à un de ses directeurs qui répondit de la manière suivante :

« Le Père fut fort aise que ce jeune homme parust sensible à la perte des Idolâtres : il loüa sa ferveur ; mais soit qu'il voulust pour lors éprouver cette vocation naissante, & qu'après de sérieuses réflexions, il n'eust pas jugé que Maunoir dust estre Jésuite, soit qu'il eust d'autres raisons qui ne sont pas venuës à nostre connoissance, il laissa tomber en ce temps là la proposition que celuy-cy luy ait fait dans la suite, il ne voulut jamais l'écouter là-dessus »1

Le directeur du Père Maunoir avait été moins réceptif que celui de Pierre Brindeau. Cependant le premier s’en tint à ces conseils quant à sa vocation jésuite et missionnaire, sans pour autant se départir de sa vocation missionnaire. Quant aux femmes, leur direction spirituelle est systématiquement réalisée par un homme, à qui elles révèlent leur vocation, ce qui fut le cas de Marie de l’Incarnation, entre autre2

. La mission apparaît donc comme un choix divin et humain, réduit à un petit cercle d’initiés.

Les Jésuites se sont fait un art d’orienter vers les missions dans leurs collèges par la création des congrégations mariales, qui réunissaient les meilleurs élèves d’un collège, et les Aa (Associations d’amis), qui rassemblaient l’élite des congrégations mariales de France3

. Parmi les Jésuites bretons et les membres du Séminaire des Missions étrangères, on ne manque pas de trouver des religieux qui, reconnus pour leurs qualités intellectuelles et leurs vertus, se sont tournés vers les missions, en particulier extérieures : Vincent de Meur et Louis Chevreuil4, plus tard Claude-François Poullart des Places5. Le rôle des congrégations mariales et des Aas dans le recrutement missionnaire est fondamental car elles entretiennent un climat de ferveur parmi le petit nombre d’initiés intégrés dans ses rangs et mettent en contact