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La cour régulatrice considère que les actes d´administration judiciaire sont prononcés discrétionnairement Le pouvoir discrétionnaire du juge se distingue de son

L A DEFINITION DE L ’ ACTE D ’ ADMINISTRATION JUDICIAIRE EN DROIT JUDICIAIRE PRIVE FRANÇAIS

93. La cour régulatrice considère que les actes d´administration judiciaire sont prononcés discrétionnairement Le pouvoir discrétionnaire du juge se distingue de son

pouvoir souverain. Nous étudierons, d´abord, la différence entre ce deux types de pouvoirs du juge (A) pour analyser, subséquemment, la jurisprudence de la Cour de cassation qui insère les actes d´administration judiciaire dans le domaine discrétionnaire du juge, vérifiant les conséquences pratiques d´une telle qualification (B).

A. - La différence entre le pouvoir souverain et le pouvoir discrétionnaire du juge : la dispense de motivation des décisions discrétionnaires

94. Le terme « souverain » provient de l´adjectif « superus, a, um » qui signifie « qui

est au-dessus », « qui est en haut, supérieur ». L´exercice du pouvoir souverain implique

        364

Frédérique EUDIER, Vº Jugement, in Répertoire de procédure civile, préc., nº 262. 365

Cass. 2e civ., 3 juin 2004 : JCP 2004, IV, 2537. – Ainsi, l'appréciation, tant des qualités professionnelles du candidat à l'inscription sur la liste des experts judiciaires, que de l'opportunité d'inscrire un technicien sur cette liste eu égard aux besoins des juridictions du ressort de la cour d’appel, échappe au contrôle de la Cour de cassation, dans la mesure où elle constitue un acte d’administration judiciaire.

366

PERDRIAU André, « Les mesures d´administration judiciaire au regard du juge de cassation », préc., pp. 3-4.

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alors que celui qui en est investi n´ait aucune autorité au-dessus de lui pour le diriger ou le contrôler, comme l’explique Tanguy Barthouil, in verbis :

« Lorsque la Cour suprême investi les juges du fond d´un pouvoir souverain dans la constatation et l´appréciation des faits et des éléments de preuve, elle leur donne une liberté importante puisqu´elle n´exerce aucun contrôle de l´interprétation qu´ils ont faite. Il s´agit pour ces derniers d´approcher le plus possible de la réalité puisque théoriquement une seule interprétation est juste. Pour ce faire la Cour s´en remet à leur décision mais exige tout de même d´eux qu´ils indiquent les motifs de leur décision, c´est-à-dire qu´ils la justifient. (...) Cette exigence s´explique par l´obligation de motiver les jugements que pose l´art. 455 N.C.P.C et parce que, sans eux, la Cour suprême ne pourrait exercer son contrôle de la qualification légale »368.

Ainsi, l´exercice du pouvoir souverain relève du jugement des juridictions du fait, mais il n´est pas inconditionné, car il doit répondre à un certain nombre de règles. Le juge qui exerce son pouvoir souverain doit justifier sa décision, motiver sa position. La motivation constitue alors une obligation générale applicable, en principe, à tous les jugements rendus en matière civile, conformément à l’article 455 du Code de procédure civile français369. Il est en effet constant, en jurisprudence, que le pouvoir souverain, dont dispose par exemple le juge du fond pour apprécier les éléments de preuve qui lui sont soumis, ne le dispense pas de donner les motifs propres à justifier sa décision370, tout défaut de motifs devant entraîner l’annulation de la décision qui en est entachée371.

        368

BARTHOUIL Tanguy, « Essai sur la notion de pouvoir discrétionnaire des juges du fond en droit privé », Revue de la recherche juridique 1992 nº 1, Presses universitaires d´Aix-Marseille, p. 374.

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Selon l’article 455 du Code de procédure civile français, « Le jugement doit exposer succinctement les

prétentions respectives des parties et leurs moyens. Cet exposé peut revêtir la forme d'un visa des conclusions des parties avec l'indication de leur date. Le jugement doit être motivé. Il énonce la décision sous forme de dispositif ».

370

Cass. 2e civ., 3 juin 1999, nº 97-14.889, Bull. civ. II, nº 110. 371

BORÉ Jacques et BORÉ Louis, Vº Pourvoi en cassation, in Répertoire de procédure civile, préc., nº 359. – Xavier Bachellier analyse les différentes hypothèses d’appréciation souveraine par le juge du fond, in

verbis : « Le juge apprécie souverainement la valeur probante des éléments de preuve versés aux débats (attestations, procès-verbaux, rapports d’expertise...). Il peut en interpréter la portée, les retenir ou les écarter comme non probants. Il n’existe – hors la dénaturation, très rarement retenue en ce domaine – aucune possibilité de discussion devant la Cour de cassation. (...) Les expressions de volonté, comme, par exemple, l’interprétation des contrats relève du pouvoir souverain des juges du fond (sauf dénaturation). Il y a là encore une frustration, car le contrat est la loi des parties et son interprétation peut poser des questions d’ordre juridique. L’appréciation des expressions de volonté unilatérale relève également du pouvoir souverain. Il en va ainsi par exemple de : – la bonne foi ou la mauvaise foi, dans toutes les situations où elles sont créatrices ou privatrices de droits (possession, action paulienne, surendettement, déclaration des risques par un assuré...) ; – l’insanité d’esprit, cause par exemple de nullité d’un testament ; – connaissance d’un vice affectant la chose vendue. (...) Les appréciations d’ordre quantitatif. Il en va

L´action des juridictions est strictement encadrée, de sorte que la motivation des décisions juridictionnelles doit être consistante, logique, cohérente et adaptée à l´espèce, ce qui interdit l´emploi de motifs d´ordre général comme ceux qui sont empreints d´incertitude, d´ambiguïté ou de contradiction372. La motivation a pour fonction première d´assurer que le juge n´abuse pas du pouvoir qui lui a été confié, qu´il respecte les limites que la loi lui a imposées, de permettre un contrôle de légalité de la décision prise373. Elle est, dans un régime démocratique, une garantie contre l´arbitraire du juge, en le mettant, en outre, à l´abri du soupçon d´arbitraire, dans le sens où « il ne suffit pas que les juges

soient justes, il faut encore qu´ils en donnent la preuve »374.

Jusqu’à la preuve du contraire, l’article 455 du Code de procédure civile français a force obligatoire et la Cour de cassation doit veiller à son respect, comme à celui de toutes les normes impératives. Si les décisions des juges du fond n’étaient pas motivées, la cour régulatrice ne pourrait pas vérifier leur conformité aux règles légales. Le contrôle de la motivation est donc la condition sine qua non du contrôle normatif. Si, toutefois, la motivation se présente comme un instrument de contrôle des juges, elle constitue aussi un instrument de leur liberté et de leur pouvoir, leur permettant de leur soustraire à une cassation et de mieux asseoir l’autorité de la décision, comme l’a remarqué Geneviève Giudicelli-Delage375.

       

ainsi par exemple de : – l’évaluation d’un préjudice. En ce domaine, non seulement les juges du fond sont souverains, mais encore, la motivation de leur décision peut se réduire à l’énoncé de cette évaluation ; – l’appréciation du bref délai pour agir en rescision de la vente pour vices cachés ; – le grief causé par l’irrégularité d’un acte de procédure (article 114 du Code de procédure civile) ; – le caractère anormal d’un trouble de voisinage. (...) Toutes ces opérations relèvent de la qualification : or, dans certains cas, la Cour de cassation va exercer son contrôle alors que, dans d’autres, elle ne le fera pas, alors pourtant que la qualification devrait être toujours contrôlée, car il s’agit d’une appréciation d’ordre juridique » :

BACHELLIER Xavier, « Le pouvoir souverain des juges du fond », BICC 15 mai 2009, nº 702, p. 19 s. 372

PERDRIAU André, « Le pouvoir discrétionnaire des juges du fond », préc., p. 8. 373

BARTHOUIL Tanguy, « Essai sur la notion de pouvoir discrétionnaire des juges du fond en droit privé », préc., p. 349.

374

JURET P.-M., « Observations sur la motivation des décisions juridictionnelles internationales »,

RGDIP., 1960, P. 520, apud : BARTHOUIL Tanguy, « Essai sur la notion de pouvoir discrétionnaire des

juges du fond en droit privé », préc., p. 381. 375

V. GIUDICELLI-DELAGE Geneviève, La motivation des décisions de Justice, thèse, 1979, Poitiers, dactyl., p. 657, apud : BARTHOUIL Tanguy, « Essai sur la notion de pouvoir discrétionnaire des juges du fond en droit privé », préc., p. 350, in verbis : « Curieux instrument, en effet, que cette motivation qui est

tout à la fois instrument de contrôle des juges – donc d´une certaine soumission – mais aussi instrument de leur liberté et de leur pouvoir. La justification des tribunaux inférieurs n´est pas illusoire puisqu´elle

95. Différemment, il y a des situations spéciales où la loi laisse au juge le pouvoir

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