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Même si l´acte juridictionnel constitue le but final du procès – par lequel le juge dit le droit (jurisdictio), pour dissiper l’incertitude juridique 86 et promouvoir ainsi la pa

LES ACTES D´ADMINISTRATION JUDICIAIRE : DES ACTES DE GESTION NON DETACHABLES DE LA FONCTION DE JUGER

20. Même si l´acte juridictionnel constitue le but final du procès – par lequel le juge dit le droit (jurisdictio), pour dissiper l’incertitude juridique 86 et promouvoir ainsi la pa

sociale87 –, son accomplissement, à la fin de la procédure, est nécessairement précédé et dépendant de plusieurs actes d´administration judiciaire. Assurant le bon fonctionnement du service dans une juridiction et le bon déroulement de l´instance, ces actes judiciaires administratifs ne se rattachent pas directement, ni à la juridiction contentieuse, ni à la juridiction gracieuse88. Pour autant, la doctrine et la jurisprudence – françaises et brésiliennes – divergent sur la qualification juridique de certains actes pris par les juges. L’exacte identification de la nature juridique d’un acte est néanmoins la condition nécessaire pour l’application du régime juridique idoine.

En présentant une définition a contrario, la Cour de cassation française a établi que les actes du juge, qui causent des griefs aux parties, ne constituent pas des actes d’administration judiciaire 89. La Cour supérieure de justice brésilienne90 affirme aussi

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CADIET Loïc, NORMAND Jacques et AMRANI-MEKKI Soraya, Théorie générale du procès, 2e éd., PUF, 2013, pp. 313, 315-316.

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Selon Jean Carbonnier, la fin suprême du droit consiste à « faire régner la paix entre les hommes », mission éthique de la justice : CARBONNIER Jean, Droit civil, vol. 1 : Introduction, PUF, coll. « Quadrige », 2004, n° 188, p. 362, apud : CADIET Loïc, « La théorie du procès et le nouveau management de la justice : processus et procédure », préc., p. 123. – V. aussi : CADIET Loïc, NORMAND Jacques et AMRANI-MEKKI Soraya, Théorie générale du procès, préc., pp. 39, 108 et 320, in verbis :

« Dans une première vue, le procès peut être défini comme le mécanisme destiné à assurer la paix sociale à l’issue d’une procédure réglée permettant, en principe, à un tiers impartial de dire le droit entre des intérêts potentiellement ou réellement divergents ». Les auteurs continuent, in verbis : « La fonction de juger est une mission assurée ou contrôlée par la puissance publique car elle est destinée à satisfaire, au- delà des intérêts des particuliers, un besoin d’intérêt général : la paix civile dans le respect des lois. (...) le jugement doit avoir pour objectif, comme l’a si bien montré Paul Ricœur, au-delà du départage des intérêts juridiques en présence (suum cuique tribuere, c’est la finalité courte du jugement), de contribuer à la paix sociale (c’est la finalité longue) en faisant reconnaître par chacun la part que l’autre prend à la même société que lui, en vertu de quoi le gagnant et le perdant du procès sont réputés avoir chacun leur juste part à ce schème de coopération qu’est la société ». – Sur la différence entre les finalités longue et courte

du procès : V. CADIET Loïc, « La qualité de la norme juridictionnelle », in STEFANINI Marthe Fathin- Rouge, GAY Laurence et PINI Joseph (dir.), Autour de la qualité des normes : actes du colloque d’Aix-en-

Provence des 24 et 25 octobre 2008, Bruyant, 2010, pp. 241-242. – Sur le thème concernant le but de

pacification social du procès : V. DINAMARCO Cândido Rangel, Instituições de direito processual civil, v. 1, préc., pp. 220-221.

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CADIET Loïc et JEULAND Emmanuel, Droit judiciaire privé, préc., pp. 97-98. 89

Cass. soc., 24 mai 1995 : RTD civ. 1995, obs. R. Perrot, p. 958 ; Bull. civ. V, nº 168, p. 122. 90

La Cour supérieure de justice (« Superior Tribunal de Justiça ») a été créée par la Constitution de la République brésilienne de 1988. Sa compétence est prévue à l’article 105 de la Constitution brésilienne qui établit les affaires qui commencent à la Cour supérieure de justice (affaire de compétence originaire) et celles où la Cour agit comme organisme réviseur. C’est la juridiction responsable pour uniformiser l’interprétation de la législation fédérale du Brésil, c’est-à-dire, la dernière instance de la Justice brésilienne

que les « despachos », actes qui ont pour seul but le déroulement de l’instance, n’ont pas de contenu décisionnel et ne provoquent pas des griefs aux parties, d’où l’impossibilité de recours pour les contester91. Les deux juridictions supérieures proposent alors un critère de distinction entre les actes du juge fondés sur leurs effets juridiques, affirmation problématique et sujette à critiques.

Malgré l’importance de la matière, des hésitations quant à l’exacte qualification des actes judiciaires persistent et une même décision est qualifiée, selon les circonstances, soit comme un acte d’administration judiciaire, soit comme une décision juridictionnelle92. Une telle confusion n´est pourtant pas souhaitable lorsque les actes judiciaires administratifs sont, en France et au Brésil, soumis à des régimes juridiques différents de ceux applicables aux actes juridictionnels, de telle sorte qu´ils ne sont pas, en principe, assujettis aux mêmes contraintes que les jugements93, ce qui provoque des opinions opposées94 et démontre l’insuffisance des contrôles à leur égard95.

        compétente pour trancher les affaires non liées directement à la Constitution, à l’exclusion de la compétence des organismes spécialisés : V. la présentation des attributions de la Cour donnée sur le site http://www.stj.jus.br/sites/STJ/default/pt_BR/Institucional/Atribuições, consulté le 1er novembre 2016. 91

Cour supérieure de justice, Quatrième chambre, « Recurso Especial » n° 195.848/MG, Ministre rapporteur : Sálvio de Figueiredo Teixeira, date du jugement : 20/11/2001, date de publication : 18/02/2002. – Cour supérieure de justice, Première chambre, « Recurso Especial » nº 901.774/SP, Ministre rapporteur : José Delgado, date du jugement : 28/08/2007, date de publication : 13/09/2007. – Cour supérieure de justice, Première section, « Agravo Regimental na Petição na Ação Rescisória » nº 4824/RJ, Ministre rapporteur : Mauro Campbell Marques, date du jugement: 14/05/2014, date de publication : 21/05/2014, in verbis: « (...) la différence entre la décision interlocutoire et le “despacho” est dans

l’existence, ou non, de contenu décisoire et de grief. Les “despachos” sont des “pronunciamentos meramente ordinatórios” (actes simplement ordonnateurs), qui visent au déroulement de l’instance, sans trancher le litige, alors que la décision interlocutoire, quant à elle, à la différence des “despachos”, a du contenu décisoire et provoque des griefs aux parties » (traduction libre).

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PERDRIAU André, « Les mesures d´administration judiciaire au regard du juge de cassation », préc., p. 11. – Au Brésil : V. THEODORO JÚNIOR Humberto, Curso de direito processual civil, v. I, 49ª ed., 2008, p. 234 et la jurisprudence sur la matière: Cour supérieure de justice, Première chambre, « Recurso Especial » n° 884794/RJ, Ministre rapporteur : Luiz Fux, date du jugement : 4/11/2008, date de la publication : 27/11/2008. – Cour supérieure de justice, Deuxième chambre, « Recurso Especial » n° 1204850/RS, Ministre rapporteur : Mauro Campbell Marques, date du jugement : 21/09/2010, date de la publication : 8/10/2010.

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V. l’article 537 du Code de procédure civile français et l’article 1.001 du Code de procédure civile brésilien de 2015.

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Sur le droit français : V. CADIET Loïc et JEULAND Emmanuel, Droit judiciaire privé, préc., p. 98. – Sur ce qui concerne le droit brésilien : V. PINTO Teresa Celina Arruda Alvim, « Despachos, pronunciamentos recorríveis ? », Revista de processo, ano 15, nº 58, abril-junho de 1990, pp. 52-53. 95

CHOLET Didier, « Le contrôle de l´activité non juridictionnelle des juridictions », La Gazette du Palais, 13 octobre 2007, n° 286, p. 11.

L’étude des actes administratifs judiciaires exige alors l’analyse préalable de la fonction juridictionnelle (titre 1), dans la mesure où seule l’identification correcte des actes juridictionnels est capable d’éviter qu’ils soient « déjuridictionnalisés », c’est-à- dire, « privés à tort de leurs attributs juridictionnels »96. Ensuite, à partir de l’analyse comparative et critique des définitions données par les jurisprudences et par les doctrines françaises et brésiliennes, ce travail entend proposer une définition positive des actes d’administration judiciaire en vérifiant leur nature juridique selon la fonction exercée par le juge (titre 2).

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Selon la définition du terme établie par Julien Théron : V. THÉRON Julien, « Mesure d´administration judiciaire, proposition d´un critère de qualification », Recueil Dalloz 2010, p. 2246. 

TITRE 1

L’ANALYSE DE LA NOTION D’ACTE JURIDICTIONNEL, ETAPE

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