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L´autorité de chose jugée traduit l’effet extinctif et la force obligatoire du jugement à l´égard des parties 182 Il est prévu à l´article 480 du Code de procédure civile

Section 2 : Le régime juridique des actes juridictionnels en France

38. L´autorité de chose jugée traduit l’effet extinctif et la force obligatoire du jugement à l´égard des parties 182 Il est prévu à l´article 480 du Code de procédure civile

français, in verbis :

« Le jugement qui tranche dans son dispositif tout ou partie du principal, ou celui qui statue sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident a, dès son prononcé, l'autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu'il tranche. Le principal s'entend de l'objet du litige tel qu'il est déterminé par l'article 4 ».

L´autorité de chose jugée est une notion ancienne, classiquement présentée comme une présomption irréfragable de vérité légale : res iudicata pro veritate accipitur, la chose jugée est tenue pour vraie. Sa fonction principale est d’éviter des procès identiques et d’assurer le désencombrement des juridictions183. Elle est immutable, ne peut être remise en cause que par les voies de recours légalement ouvertes à cet effet184. Pourtant, elle ne signifie pas une vérité absolue, mais, au contraire, une simple vérité légale prévue par le législateur, comme l’explique le doyen Carbonnier, in verbis :

« (...) ce qui donne au jugement sa pleine valeur (...) ce n´est pas d´être conforme à la vérité absolue (où est la vérité ?), c´est d´être revêtu par l´État d´une force particulière qui interdit de le remettre en question, parce qu´il faut une fin aux litiges. Le litige (dès lors que les voies de recours sont épuisées) est vidé, tranché

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Les articles 461 à 464 du Code de procédure civile français traitent de la demande en interprétation, des décisions rectificatives en cas d’erreurs et d’omissions matérielles qui affectent un jugement, des omissions sur un chef de demande ou si le juge s’est prononcé sur des choses non demandées ou s’il a été accordé plus qu’il n’a été demandé.

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CADIET Loïc et JEULAND Emmanuel, Droit judiciaire privé, préc., p. 609. 183

CADIET Loïc, NORMAND Jacques et AMRANI-MEKKI Soraya, Théorie générale du procès, préc., p. 893.

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une fois par toutes, ce qui garantit stabilité, sécurité et paix entre les hommes »185.

L´autorité de chose jugée empêche alors que les parties saisissent à nouveau le juge de la contestation qu´il a tranchée. Toute nouvelle demande identique à une autre déjà tranchée se heurte, par conséquent, à une fin de non-recevoir qui peut être soulevée par les parties (dite, à tort, exception de chose jugée) et même d´office par le juge, selon l´article 125, alinéa 2e, du Code de procédure civile français186.

Conformément à l’article 1351 du Code civil français, « l'autorité de la chose

jugée n'a lieu qu’à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité ».

Cette règle, connue comme « la règle de la triple identité » permet de vérifier si une nouvelle demande est identique à la chose déjà jugée. Elle indique aussi la relativité de la chose jugée, dans la mesure où elle est limitée aux seules parties à l´instance ayant donné lieu au jugement, ne pouvant pas, en principe, nuire ni profiter aux tiers, le jugement devant rester res inter alios acta à leur égard187. Cependant, si un jugement porte atteinte aux intérêts d´un tiers, celui-ci peut faire rétracter ce qui a été jugé à son égard au moyen d’une tierce opposition188.

Si l´autorité de chose jugée est normalement connue par son effet négatif, qui consiste à interdire de recommencer le procès, elle présente aussi un effet positif, classiquement entendu comme la possibilité, pour une partie, d’invoquer la chose jugée dans un autre procès, sans pour autant qu’il y ait respect de la règle de la triple identité car il ne s´agit pas du même procès189.

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CARBONNIER J., Droit civil, Vol. 1, PUF, collection Quadrige, 2004, nº 46, apud : CADIET Loïc, NORMAND Jacques et AMRANI-MEKKI Soraya, Théorie générale du procès, préc., pp. 893-894. 186

CADIET Loïc et JEULAND Emmanuel, Droit judiciaire privé, préc., pp. 612-613. – Sur la discussion concernant l’autorité de chose jugée des jugements gracieux : V. supra, note n° 139.

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V. en ce sens : Cass. 3e civ., 20 mai 1992 : JCP 1992, IV, 2036. 188

CADIET Loïc et JEULAND Emmanuel, Droit judiciaire privé, préc., pp. 616-617. 189

Comme la règle de la triple identité n’est pas observée dans cette hypothèse, certains auteurs considèrent que l’autorité de la chose jugée se réduit à son aspect négatif : V. CADIET Loïc, NORMAND Jacques et AMRANI-MEKKI Soraya, Théorie générale du procès, préc., p. 896.

Pourtant, selon l’Ecole dite de Caen, l’effet positif de l’autorité de chose jugée s’étendrait aussi aux motifs de la décision, affirmant que ce qui a autorité de chose jugée, c’est ce qui a fait l’objet de la vérification juridictionnelle, la décision étant l’effet substantiel du jugement. Cependant, la Cour de cassation s’oppose à cette thèse juridique, du moins en matière civile190 et établit que l´autorité de chose jugée se limite au dispositif du jugement191.

En outre, l´article 482 du Code de procédure civile français affirme que les jugements avant-dire droit n´ont pas, au principal, autorité de chose jugée. Le même raisonnement doit s´appliquer aux ordonnances sur requête et aux ordonnances de référé qui n´ont pas autorité de chose jugée au principal car ce sont des décisions provisoires. Toutefois, la doctrine reconnaît, respectivement, l´autorité de chose jugée avant-dire droit et l´autorité de chose jugée provisoire à ces décisions192. Étant immutable, l’autorité de chose jugée ne peut pas être remise en cause que par les voies de recours légalement ouvertes à cet effet.

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CADIET Loïc, NORMAND Jacques et AMRANI-MEKKI Soraya, Théorie générale du procès, préc., pp. 896-897.

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V. Cass. 2e civ., 17 mai 1993 : JCP 1993, II, 22162, note Rusquec. – Cass. 1re civ., 7 octobre 1998 :

Bull. civ. I, nº 284. – CADIET Loïc et JEULAND Emmanuel, Droit judiciaire privé, préc., pp. 611-612, in verbis : « En principe, l’autorité de la chose jugée se limite au dispositif du jugement. Ce principe est imposé par l’article 480, alinéa 1er (...). Cette conclusion est corroborée par l’article 455, alinéa 2 selon lequel “le jugement énonce la décision sous forme de dispositif”. En conséquence, les motifs du jugement se sauraient avoir autorité de chose jugée ; ils ne sont que les prémisses de la décision. Les motifs ne sauraient être décisoires et si, par maladresse de rédaction, une partie de la décision du juge devait se trouver dans les motifs du jugement, il ne faudrait en aucun cas lui reconnaître autorité de chose jugée. Cette solution, justifiée par la logique juridictionnelle, l’est également en opportunité : la chose jugée serait incertaine s’il fallait la déceler dans les attendus du jugement ; la force particulière qui s’y attache impose qu’elle puisse être identifié d’emblée. (...) L’étude du droit positif révèle cependant que l’autorité de la chose jugée déborde parfois du dispositif du jugement. D’abord, il a été admis de longue date que l’autorité de la chose jugée s’étend aux motifs qui sont indissociables de la décision. Il s’agit des motifs qui sont “le soutien nécessaire du dispositif” ou “l’antécédent logique nécessaire de la décision”, des “motifs décisifs” selon une expression plus récente. Il est logique que ces motifs participent de l’autorité de chose jugée et que les assertions qui s’y trouvent contenues ne puissent pas être remises en cause, soient tenues pour vrais ; au demeurant, si le jugement en était dépourvu, il manquerait de base légale. La jurisprudence, cependant, semble avoir évoluée en sens contraire, sous quelques réserves, ce qui appelle une clarification ».

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§ 3 : La remise en cause de l´acte juridictionnel193

 

39. Par le jugement, le magistrat met un terme à l´instance en cours, en se dessaisissant. Sa décision a autorité de chose jugée. Pourtant, s´il finit l´instance en cours, il ne met forcément pas un terme au procès194. Les parties peuvent, en règle, demander que la question soit encore une fois analysée, en utilisant les voies de recours expressément prévues par la loi. Si le droit à une voie de recours n´a pas de valeur constitutionnelle en France, comme l’a déjà déclaré le Conseil constitutionnel195, la Cour de cassation affirme, cependant, que le principe est celui du recours et l´exception, celui de son exclusion par un texte196.

Le Code de procédure civile français consacre un titre entier aux voies de recours contre les jugements (titre XVI). Si le législateur prévoit différentes voies de recours – l´appel, l´opposition, le contredit, le pourvoi en cassation, etc. –, il faut souligner que ces recours visent à remettre en cause les actes juridictionnels pris par les juges, dans le respect des conditions établies par le droit positif.

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La présente étude des actes juridictionnels et de leur remise en cause n’a pas pour but l’analyse de toutes les règles qui gouvernent les voies de recours ouvertes contre les actes juridictionnels, sujet assez vaste et déjà traité suffisamment par la doctrine. Cette recherche présentera seulement les lignes générales qui gouvernent les voies de recours pour comprendre la jurisprudence de la Cour de cassation française qui actuellement empêche toute contestation contre les actes d’administration judiciaire.

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Il faut distinguer les notions de l’instance et du procès. Sur cette distinction : CADIET Loïc et JEULAND Emmanuel, Droit judiciaire privé, préc., p. 397, in verbis : « Période qui va ordinairement de

la saisine du juge au jugement, l’instance se présente comme la phase judiciaire du procès au cours de laquelle les parties au litige accomplissent un certain nombre d’actes de procédure afin que l’affaire soit jugée sur le fond de la demande. L’instance n’est donc qu’une phase du procès, pouvant comporter plusieurs instances qui, tantôt, se succèdent dans le temps à la suite, par exemple, d’une voie de recours, tantôt coexistent devant la même juridiction en raison, par exemple, de la saisine incidente d’un autre juge ». – V. aussi : Cass. ass. plén., 3 avril 1962 : JCP 1962, II, 12744, note RAYNAUD. – Cass. 2e civ., 24 mars 2005 : Bull. civ. 2005, II, nº 85 ; RTD civ. 2006, 603, obs. THÉRY.

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Cons. const., 12 février 2004, nº 2004-491 DC, Loi complétant le statut d´autonomie de la Polynésie

française, JO 2 mars 2004, p. 4227. – Pourtant, il faut tenir compte que, en matière pénale, l’article 2 du

protocole additionnel n° 7 à la Convention européenne des droits de l’homme prévoit que « toute personne

déclarée coupable d’une infraction par un tribunal a le droit de faire examiner par une juridiction supérieure la déclaration de culpabilité ou de condamnation ». Par réserve d’interprétation, la France a

déclaré que l’examen par une juridiction supérieure dans cette hypothèse se limite au contrôle en droit de la décision rendue (Déclaration du 22 novembre 1984). – V. CADIET Loïc, NORMAND Jacques et AMRANI-MEKKI Soraya, Théorie générale du procès, préc., p. 703.

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Cass. crim., 13 mars 1961, Bull. Crim., nº 84. – Cependant, la Cour de cassation admet que la formule

« sans recours possible » s´applique aussi au pourvoi en cassation : Cass. 1e civ., 6 décembre 1994, JCP 1995, I, 3846, nº 23, obs. Cadiet. – V. aussi : CADIET Loïc, NORMAND Jacques et AMRANI-MEKKI Soraya, Théorie générale du procès, préc., p. 703.

Divisés en voies de recours ordinaires et extraordinaires, conformément à l’article 527 du Code de procédure civile français, la recevabilité de différents recours est soumise à certaines conditions d´ordre subjectif – concernant qui peut remettre en cause le jugement, englobant la qualité pour agir et l´intérêt pour agir – et d’ordre objectif – relatives aux délais pour interjeter le recours et la nature de la décision rendue. Il est important de remarquer qu’en principe, seules les décisions qui jugent au fond ou au principal sont susceptibles de recours immédiat197. Ainsi, il paraît généralement admis que la voie de recours est l’instrument procédural qui permet de remettre en cause un acte juridictionnel198. Par conséquent, si, en principe, le droit au recours est le moyen ouvert aux parties pour critiquer l´acte juridictionnel et obtenir que la question soit à nouveau tranchée et si les actes d’administration judiciaire ne constituent évidemment pas des jugements, il semble qu’a priori, selon le droit français positif actuel, les actes judiciaires d’administration ne soient pas susceptibles de recours, comme l’affirme l’article 537 du Code de procédure civile français.

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