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La région Nord-Pas de Calais

Dans le document JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE (Page 178-181)

La confrontation des réalités sociales aux conditions environnementales n’est pas une nouveauté en région Nord-Pas de Calais. Mme Lydie Laigle l’a souligné, lors de son audition, à propos de l’urbanisme : « On s’est rendu compte que les enfants de Lille sud qui vivaient dans un habitat social encerclé par trois rocades autoroutières avaient une probabilité de 17 % d’être asthmatiques, contre 10 % dans les autres quartiers de Lille. De la même façon à Fives, quartier d’anciens habitats ouvriers, avec cinq ruisseaux qui ont été comblés et dont on se servait comme réseau d’assainissement pour l’industrie chimique, 12 % des enfants avaient une probabilité de contracter des bronchiolites du fait de l’humidité et des champignons, contre 8 % dans les autres quartiers ».

La région Nord-Pas-de-Calais s’est engagée depuis 2010 dans une démarche novatrice qui souligne l’actualité des problématiques abordées dans le présent rapport. Cette démarche, appelée Transformation écologique et sociale de la région (TESR) poursuit deux objectifs :

– promouvoir un nouveau modèle de développement régional capable de répondre simultanément aux défis économiques, environnementaux, culturels et sociaux.

Ce modèle devra être plus durable, plus responsable à l’égard de l’environnement et plus solidaire ;

– expérimenter un nouveau mode de conception et de conduite des politiques publiques régionales, capable de s’affranchir des champs de compétences traditionnels, de mobiliser les parties prenantes en fédérant la société régionale autour des enjeux. Il s’agit de passer d’une logique de blocage/compétition à une logique de coopération/coproduction des solutions.

Des assises de la TESR ont été organisées chaque année depuis 2011.

175 La prévention des risques naturels et technologiques : enjeu de société ; ibid.

La TESR, concrètement, est expérimentée par la région au travers de la mise en œuvre de projets appelés des « opérations de développement ». Ces opérations de développement sont au nombre de neuf. Leur but est à la fois simple et ambitieux : à partir des enjeux propres à chaque opération, il s’agit d’en assurer le succès avec comme contrainte imposée qu’elle contribue à instaurer un nouveau modèle de développement. La méthode suivie pour ces opérations, identique, mérite d’être décrite. Chaque opération doit en effet respecter quatre

« jalons » :

– partir d’un enjeu majeur pour la région correspondant à une opportunité ou une menace (par exemple, l’impact du changement climatique) ;

– produire un énoncé des « biens communs » au cœur des enjeux nécessaires aux activités humaines et à la qualité de vie. La région Nord-Pas-de-Calais a en effet choisi de s’appuyer sur la notion de «  bien commun  » dans l’acception élargie évoquée plus haut en tant que « façon de décliner concrètement les enjeux du développement durable »176 ;

– construire des réponses collectives entre tous les acteurs concernés par l’opération de développement - directement ou indirectement - que l’impact pour ces acteurs soit positif ou non (par exemple, un risque de submersion) ;

– coordonner les acteurs, clarifier leurs engagements, repérer les complémentarités stratégiques afin de faire émerger les solutions durables à la hauteur des enjeux.

Chacun des neuf projets donne lieu à l’établissement de listes énumérant les enjeux, les ambitions, les biens communs associés, les leviers d’actions, et enfin les conditions de réussite.

La première de ces opérations de développement est le projet « Euralens et les cités du Louvre ». Euralens est une association regroupant des acteurs principalement publics, mais aussi privés, du territoire, au profit d’un objectif de redynamisation qui a pris comme point d’appui l’accueil du Louvre-Lens, construit sur un ancien carreau de mine, la

« fosse  n°  9 ». Euralens est conçu comme un forum permettant à ces acteurs engagés dans la redynamisation du bassin minier de débattre et d’impulser de grands projets, et de soutenir le développement de « clusters durables » regroupant acteurs économiques et institutions.

Les trois enjeux identifiés sont la transformation durable du territoire, l’amélioration du cadre de vie et du bien-être de la population locale, le changement d’image du bassin minier. Parmi les « cinq » ambitions, on relève celle de « contribuer à donner à la population du bassin le niveau de vie moyen des habitants de la région Nord-Pas-de-Calais. »

Parmi les « six » biens communs associés, on soulignera « le lien social en restaurant les liaisons intergénérationnelles et facilitant les relations interculturelles », « l’emploi pérenne dans un bassin très touché par la déprise industrielle et le chômage », mais aussi « l’environnement urbain et la biodiversité ordinaire, éléments nécessaires à la qualité de la vie  », «  la sobriété carbone par l’instauration des modes de transport doux, la rénovation des cités minières à l’instar des éco-cités du Louvre ».

La gouvernance s’articule à trois niveaux. Un niveau décisionnel global, représenté par l’association. Ses outils sont la labellisation de projets et la communication. Un niveau intermédiaire, autour de quatre grands domaines d’action régionale  : l’économie de la connaissance, l’économie résidentielle, l’aménagement durable et la mobilité, l’écocitoyenneté et la culture. Le troisième niveau est opérationnel, c’est celui des projets 176 Deuxième édition des Assises de la transformation écologique et sociale, l’essentiel des Assises, octobre 2012.

ou des sous-ensembles de projets autour desquels se retrouvent les parties prenantes.

Enfin, une « coordination région » qui veille à la cohérence de l’ensemble, joue le rôle de facilitatrice et de lien avec ces services et parties prenantes hors région177.

Le projet « Eau dans l’Audomarois » identifie quatre biens communs : la ressource en eau préservée en quantité et en qualité, des paysages et la biodiversité protégés, l’emploi dans les métiers liés à l’eau et enfin l’adaptation au changement climatique, notamment par l’anticipation et la maîtrise des risques de submersion. Les auditions réalisées dans le cadre de la saisine sur L’adaptation de la France au changement climatique mondial ont d’ailleurs permis à la section de mesurer l’importance de cette question de la gestion de l’eau dans le delta de l’Aa, dont la vallée marque les paysages de l’Audomarois.

Le delta de l’Aa, qui s’étend sur soixante kilomètres de littoral de façade maritime au Nord de la France, au bord de la mer du Nord et à la frontière belge, constitue un polder. Il est géré par les wateringues, sortes de syndicats de copropriétaires terriens chargés, chacun sur son territoire, d’entretenir le réseau de watergangs, les canaux de drainage. Le financement de l’entretien de ce bien commun est assuré par une taxe prélevée sur la surface de terrain bâti et non bâti. Dans la perspective du réchauffement climatique et d’un accroissement du risque de submersion, l’avenir de ce réseau est une question vitale. L’auditionné, M. Boughedada, a fait part des nombreuses difficultés auxquelles se heurte sa gestion, pour partie liées aux divergences d’intérêts des acteurs en présence.

Le Plan « 100 000 logements » ou « plan de réhabilitation énergétique et environnementale du parc de logements du Nord-Pas-de-Calais » met l’accent sur les enjeux environnementaux et sociaux - ce parc représente 25  % des consommations énergétiques régionales avec une moyenne de 300 kWh/m2/an, et génère environ 20 % des émissions de Gaz à effet de serre (GES) régionales - tout comme d’ailleurs la « stratégie énergétique du territoire ». L’une des conditions de réussite178 listées par cette stratégie est très significative  : « sortir de la perception d’une fatalité inéluctable, le territoire régional ayant été fortement meurtri par la fermeture des mines et des industries associées, puis par la réduction des activités de Total à Dunkerque, et faire passer l’idée que la transition énergétique peut être aussi une opportunité pour le Nord-Pas de Calais et pour ses acteurs économiques ».

Concernant l’orientation et la fixation des objectifs des politiques régionales, le Schéma régional d’aménagement et de développement durable du territoire (SRADDT) « Objectif 2030 », qui a fait l’objet d’une actualisation adoptée en septembre 2013, nécessite un bref développement. Si les inégalités traitées sont essentiellement les inégalités sociales ou celles relatives au développement humain, une place significative est réservée à la TESR.

Le SRADDT souligne l’importance « de la résilience territoriale, qui met l’accent sur la capacité d’un territoire et de ses habitants à rebondir et à s’adapter après un choc, à tirer parti de leurs potentialités pour appréhender les transformations à venir de manière positive  ». La notion d’inégalités environnementales est sous-jacente au sein des orientations adoptées par le SRADDT en réponse aux grands enjeux  : par exemple, la lutte contre l’artificialisation des sols et l’étalement urbain, objectif déterminé par le SRADDT, permet de lutter contre l’augmentation des GES, d’augmenter le stockage de carbone dans les sols, mais aussi d’alléger la facture énergétique des ménages. «  Un environnement dans lequel la nature

177 Les informations sur ce projet sont extraites de la fiche établie par M. Gilles Pette, chef de projet Euralens, pour les Assises de la TESR 2012.

178 Fiche établie par M. François Leveau, chef de projet « Stratégie énergétique du territoire », pour les Assises de la TESR 2012.

retrouve une place importante a des répercussions significatives sur le bien-être physique et moral des habitants. La nature pour tous est aujourd’hui un enjeu du développement pour les collectivités territoriales et d’amélioration du cadre de vie ».

Plus généralement et au-delà de telle ou telle initiative prise dans un territoire, il faut insister, avec Mme Laigle, sur la mise en mouvement réelle de la société française, les initiatives concrètes portées notamment par le milieu associatif et les efforts de solidarité territoriale déjà accomplis. En créant ou recréant du lien social, du lien entre acteurs du territoire écologique, ils facilitent la prise de conscience et l’action en faveur de la réduction des inégalités environnementales et sociales. S’ouvre de la sorte une période où il devient possible de repenser la façon de traiter les inégalités « dans la transition écologique que nous attendons, et d’avoir une autre action publique, une action publique en soutien des initiatives du territoire, en écoute des initiatives prises par le milieu associatif et citoyen, en dialogue pour la recherche du compromis ».

L’articulation des inégalités environnementales

Dans le document JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE (Page 178-181)