• Aucun résultat trouvé

Une participation inégale à la vie de la société et aux décisions publiques

Dans le document JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE (Page 123-127)

Les inégalités sociales ne s’expriment pas seulement au travers de critères explicitement ou implicitement économiques. Elles se manifestent aussi au travers de la représentation politique et de la participation à la vie de la cité.

ٰLe biais de la représentation politique

Au niveau national comme au niveau local, bien que dans une moindre mesure, les classes populaires demeurent très peu présentes dans les instances dirigeantes et les rouages de la démocratie représentative française.

Ainsi, les employés et les ouvriers, qui constituent la moitié de la population active du pays, ne représentent que 2  % des députés élus en 2012 (données Cevipof, reprises par l’Observatoire des inégalités). À l’inverse, les cadres et professions intellectuelles supérieures, qui comptent pour 16,7 % de la population active occupée, composent 81,5 % de l’Assemblée nationale. Il est même remarquable de constater que depuis les premières élections d’après-guerre, la représentation des classes populaires n’a cessé de régresser, sans presque jamais marquer de pause. Elle est actuellement l’une des plus faibles jamais enregistrée depuis 1945.

Plusieurs éléments sont généralement avancés pour expliquer cette sous-représentation : disparition des partis de masse87, composition des instances dirigeantes des formations politiques, dont les postes sont occupés par des diplômés, maîtrise nécessaire des codes de l’expression orale, importance du réseau relationnel, possibilité de se détacher de l’activité professionnelle... Quoi qu’il en soit, le constat s’impose : les origines sociales de la représentation nationale ne correspondent en aucune façon à celles de la société qu’elle est appelée à représenter.

Cette distorsion se retrouve sous une forme à la fois atténuée et beaucoup plus diverse parmi les élus locaux. Il reste qu’au niveau des conseils généraux et régionaux, les cadres et professions intellectuelles supérieures sont fortement majoritaires (environ un tiers), devant les professions intermédiaires (15  % à 26  %) et que les ouvriers sont quasiment absents. La composition des conseils municipaux, en revanche, s’avère beaucoup plus en phase avec la réalité sociale. Dans ces instances, ce sont plutôt les exploitants agricoles qui sont surreprésentés, en raison de l’importance des communes rurales. Les ouvriers, bien que davantage présents qu’ailleurs, y sont encore largement sous-représentés (4,8 %). Les professions intermédiaires sont quant à elles représentées à hauteur de leur proportion dans la population.

En définitive, quel que soit l’échelon territorial auquel on se place, il apparaît que les inégalités sociales se retrouvent plus ou moins exacerbées dans les instances délibérantes et les exécutifs politiques. La représentation des préoccupations et des aspirations de ces catégories socioprofessionnelles dans les différentes instances politiques de la République n’est donc que très peu assurée par des élus qui en sont issus.

ٰUne pratique associative socialement caractérisée

En 2008, 15,8 millions de personnes étaient membres d’une association (données INSEE). Ce chiffre impressionnant ne doit pas masquer le fait que la participation à l’action associative est elle aussi fortement corrélée à l’appartenance sociale : 46,9 % des cadres supérieurs contre 26,4 % des ouvriers adhèrent à au moins une association. Cette structuration se retrouve quel que soit son objet social (syndical, sportif, culturel...). Les cadres supérieurs et les professions intermédiaires fournissent par exemple les plus gros bataillons des associations sportives, avec respectivement 19,7 % et 19,3 %.

L’engagement associatif semble également déterminé par les niveaux de vie et de diplômes. Les personnes appartenant au premier quintile de niveau de vie adhèrent moins que les autres à une association. Le différentiel est encore plus frappant si l’on se réfère au niveau de diplôme  : les personnes qui n’en possèdent aucun sont beaucoup moins nombreuses à rejoindre une association que celles détenant un diplôme, quel qu’il soit. Il est de surcroît à noter que l’investissement associatif est d’autant plus pratiqué que l’on détient un diplôme supérieur au baccalauréat.

Dans un article consacré à ce sujet, les rédacteurs de l’Observatoire des inégalités soulignent que « le monde associatif est très structuré en fonction des positions sociales. Plus on monte dans la hiérarchie sociale, plus on a d’activités extérieures dans un cadre structuré, dont la vie associative faite partie. Elle permet notamment d’entretenir un réseau social. »

87 Distinction établie par le constitutionnaliste et politologue Maurice Duverger. Les partis de masse ont, entre autres caractéristiques, de compter un grand nombre d’adhérents, ce qui leur assure une autonomie financière. Ils se distinguent des « partis de cadres », constitués de notables issus de la bourgeoisie, soutenus, à leur origine, par des comités locaux.

« C’est le cas pour l’adhésion mais encore plus pour la participation aux instances dirigeantes »88, où la capacité à faire valoir son point de vue en matière de fonctionnement, d’organisation et d’élaboration de projets est de toute première importance.

ٰDes pratiques culturelles et de loisirs qui dépendent de l’appartenance sociale

Les inégalités sociales se manifestent dans les pratiques de loisirs. Les trois filtres classiques et souvent liés entre eux que sont la catégorie sociale, les revenus et le niveau de diplôme demeurent opérants.

L’étude des distinctions sociales en matière de pratiques culturelles a, de longue date, donné lieu à de multiples publications. Les données publiées par l’INSEE et le Credoc apportent la preuve qu’en dépit des progrès de la scolarisation, de l’élévation du niveau de diplôme, des niveaux de vie et la structuration d’une offre culturelle plus riche, mieux connue et plus accessible, les écarts entre catégories sociales n’ont pas disparu. Quel que soit le critère retenu (visites de sites ou de musées, spectacle vivant, cinéma, lecture...), l’écart de pratiques entre ouvriers et cadres supérieurs est, suivant les cas, d’un facteur de deux ou trois : les premiers sont 44 % à avoir visité au moins une exposition, un musée ou un site de patrimoine dans les douze mois précédant leur questionnement, les seconds 86 % (Credoc).

81 % des cadres déclarent avoir lu au moins un livre dans le même laps de temps, contre 28 % des ouvriers, etc.

Des écarts du même ordre sont constatés en prenant pour critère le niveau de revenu. Il apparaît alors que le prix reste un frein à l’accès à la culture pour un quart de la population, mais pour 57 % des employés et des ouvriers contre 28 % des cadres supérieurs.

De façon plus surprenante, les études sur les conditions de vie révèlent que la pratique sportive des jeunes dépend aussi du milieu socioculturel auquel ils appartiennent. Ainsi, le taux de pratique sportive des enfants dont aucun parent n’est diplômé est de 52 %, alors qu’il est de 83 % pour les enfants dont un des parents est diplômé de l’enseignement supérieur.

Cette différence est plus sensible encore chez les filles que chez les garçons. Au regard de la pratique sportive, le niveau de revenu semble un peu moins déterminant, même si la pratique d’un sport par les enfants passe de 60 % dans les milieux modestes à 80 % dans les milieux favorisés.

Enfin, les inégalités face aux vacances, qui n’ont jamais disparu, se sont à nouveau creusées depuis la fin des années quatre-vingt-dix et plus encore à partir de 2008, en particulier pour les plus pauvres. Il est vrai que les frais financiers expliquent les deux tiers des non-départs des personnes en bas de l’échelle des revenus contre 15 % pour les plus fortunés. Selon Sandra Hoibian, « les catégories défavorisées sont de plus en plus sur le bord de la route des vacances »89. A contrario, plus on monte dans l’échelle sociale, plus on a de chances de partir durant les périodes de congé. C’est le cas pour 71 % des cadres supérieurs contre 41 % des ouvriers (2010). Cette appréciation est confirmée par le Centre d’analyse stratégique (CAS), qui relève que « le fait de gagner moins de 1 500 € par mois diminue par 2,2 fois la probabilité de partir comparativement aux revenus supérieurs à 3 000 € (35 % contre 78  %)  »90. Il reste que les véritables privilégiés sont ceux qui ont la possibilité de partir

88 La pratique associative selon la catégorie sociale, le revenu et le diplôme.

89 Sandra Hoibian, Vacances 2010  : les contraintes financières favorisent de nouveaux arbitrages, Credoc, juillet 2010.

90 CAS ; Les vacances des Français : favoriser le départ du plus grand nombre ; La note d’analyse n° 234, juillet 2011.

plusieurs fois au cours de l’année, soit 22 % de la population. Les cadres sont 44 % à être dans ce cas, mais les ouvriers quatre fois moins nombreux.

Outre les moyens financiers qui permettent à la plupart des cadres et dans une moindre mesure aux professions intermédiaires de partir en vacances, il est à noter que ces catégories totalisent 41 jours ouvrables de congé en 2010, contre 35 jours pour les employés et 32 jours pour les ouvriers, grâce à des dispositions d’aménagement du temps de travail mises en place depuis la loi sur les 35 heures...

À ces inégalités liées à l’appartenance sociale, peuvent s’ajouter des inégalités territoriales liées à l’accès aux services.

Toutes les inégalités sociales qui viennent d’être rappelés concourent directement (logement, conditions de vie et de travail…) ou indirectement (revenus, participation à la vie associative…) aux inégalités environnementales dans la mesure où elles participent du différentiel d’accès aux ressources (aménités environnementales) et d’expositions (risques et nuisances). Ce lien avec les risques environnementaux semble de mieux en mieux perçu mais reste encore tributaire de mesures et d’études de long terme.

Actualité de la problématique :

Dans le document JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE (Page 123-127)