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Sous-section I. Une procédure fonctionnelle

C. Des réformes récentes perfectibles

Ces réformes concernent le régime de l’agrément applicable au transfert de parts sociales de SARL, ainsi que celui des actions et des valeurs mobilières. Elles sont cependant perfectibles en ce sens qu’elles ajoutent des questionnements à ceux existants avant leur adoption.

42. Les modifications réalisées parl’ordonnance n° 2004-274 du 25 mars 2004 portant

simplification du droit et des formalités pour les entreprises180. Tant les modifications apportées en cas de cession qu’en cas de transmission de parts de SARL suscitent des interrogations, à tel point d’ailleurs que certains auteurs se sont demandés si elles n’avaient pas davantage compliqué ce régime, et cela, contrairement à l’objectif initial de simplification du droit181. Par exemple, l’agrément en cas de cession est dorénavant valablement accordé à la double majorité de la moitié des associés, représentant la moitié des parts sociales, sauf si les statuts prévoient une majorité plus forte182. Or, cette dernière possibilité concerne-t-elle le nombre de parts sociales ? Celui des associés ? Ou les deux183 ? Est-il possible de requérir l’unanimité184? L’ordonnance consacre également le droit du cédant de renoncer à la cession initiale en cas de refus d’agrément, mais sans toutefois préciser à quel moment cette renonciation pouvait être exercée185. De même, en cas de transmission pour cause de mort, si de nombreux auteurs ont salué le fait que l’ordonnance avait comblé le «trou législatif »186 laissé par la loi du 180 Parmi les nombreux commentaires de l’ordonnance du 25 mars 2004, v. notamment : CONSTANTIN (A.), « Commentaires

des dispositions de l’ordonnance du 25 mars 2004 relatives au droit des sociétés », Rev. Lamy Droit des affaires 2004, n° 73 ; LECOURT (A.), « Le nouveau régime de la transmission des parts sociales de la SARL suite au décès d’un associé », Dr. sociétés

2005, p. 7 ; LÉCUYER (H.), « Commentaire de l’ordonnance du 25 mars 2004 dans ses dispositions relatives aux SARL »,

LPA 16 avril 2004, n° 77, p. 4 ; MONNET (J.), « SARL et l’ordonnance du 25 mars 2004 : une véritable réforme », Dr. sociétés

2004, étude 9 ; SAINTOURENS (B.), « L’attractivité renforcée de la SARL après l’ordonnance n° 2004-274 du 25 mars 2004 »,

Rev. sociétés 2004, p. 207.

181 En ce sens, v. CONSTANTIN (A.), art. préc. : « […] la méthode dénoncée précédemment, qui n’a pour elle que la commodité, pourrait faire douter que cette volonté de simplification des règles juridiques ne soit pas autre chose qu’un effet

d’annonce ».

V. également : LÉCUYER (H.), art. préc. : « […] le bilan de la présente réforme sera ainsi aisée à établir. Après elle, le droit

applicable aux entreprises est quantitativement plus important et substantiellement plus compliqué qu’avant ».

182 C. com., art. L. 223-13. Auparavant, la loi exigeait une double majorité de trois-quarts des parts sociales et de la moitié des associés.

183 V. pour plus de précisions et de questionnements à ce propos infra n° 368.

184 V. sur ce point : SAINTOURENS (B.), « L’attractivité renforcée de la SARL après l’ordonnance n° 2004-274 du 25 mars 2004 », Rev. sociétés 2004, p. 207, spéc. n° 26 : « Si l’on admettait cette possibilité, de par la volonté des associés, la SARL rejoindrait alors clairement le camp des sociétés de personnes puisque les parts d’une société en nom collectif ne peuvent être

cédées qu’avec le consentement de tous les associés. Pour notre part, s’agissant d’une question relevant du fonctionnement interne de la société, nous serions favorables à une stipulation statutaire imposant l’unanimité des associés. L’abus de minorité est susceptible d’apporter, le cas échéant, une issue utile à toute situation de blocage qui résulterait de l’attitude abusive de l’un des

associés ».

185 C. com., art. L. 223-14 : « […] sauf si le cédant renonce à la cession des parts. Les frais d’expertise sont à la charge de la

société ». Pour des analyses plus approfondies, v. infra n° 509.

186 Se référant à DERRUPPÉ (J.), « Un trou législatif : le choix du successeur d’un associé décédé », in Mélanges en hommage à André Breton et Fernand Derrida, Dalloz, 1991, p. 73.

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4 janvier 1978, la rédaction de cet apport est sévèrement critiquée comme étant « trop servile »187

par rapport au texte de la SNC et, par conséquent, dénuée de sens188. Cette nouvelle disposition suscite, par ailleurs, de nombreuses questions relatives à l’articulation du droit des sociétés et celui des successions189. Une constatation similaire peut être faite à l’égard des modifications apportées au régime de l’agrément du transfert de valeurs mobilières et d’actions.

43. Les modifications réalisées par l’ordonnance n° 2004-604 du 24 juin 2004. Le principe de la libre négociabilité étant toujours un principe fondamental190, il ne saurait subir que des exceptions spécialement autorisées par le législateur. Cette parcelle de liberté laisse aux sociétés par actions la possibilité de se prémunir contre les transferts de titres susceptibles de porter atteinte à leurs intérêts, dans la limite des autorisations et interdictions nouvellement édictées quant au domaine des clauses d’agrément 191.

- S’agissant de ses autorisations, l’ordonnance a innové à deux égards. En premier lieu, la clause d’agrément peut dorénavant viser les cessions entre actionnaires. Cette réforme est bienvenue car elle permet aux sociétés par actions de rivaliser avec les SARL dans l’organisation du contrôle des mouvements internes du capital social192. Ce nouveau visage d’une société plus fermée n’est cependant que partiel car son domaine comporte encore des interdictions193. En revanche, l’extension du domaine de l’agrément à l’ensemble des titres émis semble maximale depuis qu’il peut viser «la cession d’actions ou de valeurs mobilières donnant accès au capital, à quelque

titre que ce soit »194. Cette dernière expression est importante car elle permet d’étendre le champ d’application de la clause à un maximum de titres donnant accès au capital comme, par exemple, des obligations remboursables en actions195, à l’exception, toutefois, de ceux visés par une interdiction de l’agrément.

187 LÉCUYER (H.), art. préc.

188 Ibid : « […] car le contexte dans lequel elle s’insère n’a rien à voir dans l’un et l’autre cas. »

Adde LECOURT (A.), art. préc., spéc. n° 11 : «[…] cet “emprunt“ est très maladroit et dénote du manque de recul du législateur,

notamment sur le contexte sociétaire français ».

189 V. spécialement sur ce point : LÉCUYER (H.), art. préc., s’interrogeant sur la définition qu’il convient d’accorder au mot

« héritier », ainsi que le sens du « rapport à la succession » mentionnés tous deux à l’article L. 223-14 et, par ailleurs, la

combinaison qu’il convient de faire de la lecture de cet article avec celle des articles 860 et 1390 du Code civil (à ce propos, v. infra

n° 249 et s., n° 486).

190 Cass. com., 22 octobre 1969, n° 67-10.189, Bull. civ. 1969, IV, n° 307, Rev. sociétés 1970, p. 288. 191 Risque de sauts de majorité, de prise de contrôle par une entreprise concurrente, etc.

192 La doctrine a ainsi pu dire que la société anonyme offrait un nouveau visage, celui d’une société fermée, à l’intuitu personae plus fort et offrant une plus grande liberté statutaire. V. en ce sens : DONDERO (B.), « Les clauses d’agrément dans les sociétés par

actions après la réforme », LPA 22 septembre 2005, n° 189, p. 44 ; MALECKI (C.), « Le remaniement du régime des clauses

d’agrément par l’ordonnance n° 2004-604 du 24 juin 2004 », D. 2004, p. 2275 ; SAINTOURENS (B.), « Le nouveau droit des

clauses d’agrément », Rev. sociétés 2004, p. 611. 193 V. infra n° 118 et s.

194 C. com., art. L. 228-23, al. 1er.

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- S’agissant des interdictions, l’ordonnance du 24 juin 2004 en a précisé deux nouvelles. En premier lieu, une clause d’agrément ne peut viser non seulement «la liquidation de communauté de biens entre époux »196, mais plus généralement « la liquidation du régime matrimonial »197. La nécessité de cet élargissement n’était toutefois pas certaine car il est vraisemblable que la pratique interprétait déjà largement le champ de cette interdiction ; les clauses d’agrément étant interdites en cas de cession faite au conjoint198. Une seconde interdiction a une portée plus importante. Dans la lignée de celle faite par la loi de 1966 de soumettre à un agrément conventionnel les titres au porteur199, et conformément à la réglementation émise par les autorités boursières compétentes200, l’ordonnance de 2004 l’a étendu aux transferts des titres négociés sur un marché réglementé201, en dépit de la possible survivance de l’intuitu personae dans ces sociétés202. Une telle abrogation est pourtant satisfaisante car, en présence d’une contradiction entre la loi et la réglementation boursière, la sanction de la nullité planait sur les cessions prises conformément au règlement de l’Autorité des marchés financiers.

Cette réforme n’en demeure pas moins incomplète. Nombreux sont les commentateurs à avoir regretté que le législateur n’ait pas cueilli cette occasion pour préciser l’articulation entre le droit commun des sociétés par actions et celui propre à la SAS ou à la société européenne, pour lesquelles un doute plane sur l’application même de la procédure d’agrément203.

196 C. com., art. L. 228-23, al. 2.

197 V. plus généralement à ce sujet, infra n° 151 et s., n° 245 et s.

198 Sur la question de l’assimilation de la liquidation du régime matrimonial à une cession : v. infra n° 222.

199 Une société anonyme peut émettre à la fois des titres au porteur et des titres nominatifs, mais seuls ces derniers pourront être

soumis au contrôle de l’agrément (Rép. Min., JO Sénat, 3 décembre 1969, p. 1169 ; Rev. sociétés 1970, p. 170). Cette interdiction est

tout à fait logique puisque l’identité de l’actionnaire porteur est inconnue.

Comp. toutefois la possibilité de créer des titres au porteur identifiable, v. LE CANNU (P.), DONDERO (B.), Droit des sociétés, Montchrestien, 6ème éd., 2015, p. 719, n° 1122.

200 Anc. Bull. COB, décembre 1971, n° 33, p. 14 ; JCP 1972, III, 38769 ; Régl. Gén. AMF, art. 231-6. 201 C. com., art. L. 228-23, al. 1er. Pour le débat parlementaire ayant eu lieu à ce sujet en 1966, v. supra n° 41.

Le droit français s’harmonise ainsi avec celui de nombreux pays : v. par exemple, pour la Suisse : ROUILLER (N.), « La prise du pouvoir dans les sociétés commerciales en Suisse », in Travaux de l’Association Henri Capitant des amis de la culture juridique française : Le pouvoir dans les sociétés, Journées chiliennes, tome LXII, Bruylant et LB2V, 2012, p. 201. Pour le droit espagnol et britannique, v. CONVERT (L.), L’impératif et le supplétif en droit des sociétés – Étude de droit comparé Angleterre, Espagne, France, préf. B. Saintourens, L.G.D.J, coll. Bibliothèque de droit privé, t. 374, 2003, p. 590, n° 547.

Contra en droit belge, C. des sociétés, art. 511 et 512 applicables en cas d’offre publique d’acquisition. V. à ce propos : CAPRASSE (O.), Le statut des actionnaires (SA, SPRL, SC) – Questions speciales, Larcier, 2006, p. 41, n° 59.

202 MORIN (A.), « Intuitus personae et sociétés cotées », RTD com. 2000, p. 299.

203 DONDERO (B.), « Les clauses d’agrément dans les sociétés par actions après la réforme », LPA 2005, n° 189, p. 44,

spéc. n° 26 ; MALECKI (C.), « Le remaniement du régime des clauses d’agrément par l’ordonnance n° 2004 – 604 du 24 juin 2004 », D. 2004, p. 2775, spéc. n° 21 ; SAINTOURENS (B.), « Le nouveau droit des clauses d’agrément », Rev. sociétés 2004, p. 611.

Récemment, l’ordonnance 2017-747 du 4 mai 2017 prise en application de la loi dite « Sapin II » a modifié le régime de la

clause d’agrément de la SAS. Celle-ci peut dorénavant être adoptée sans réunir l’unanimité des associés (C. com., art. L. 227-19, v. infra n° 223). Cependant, comme l’a remarqué Monsieur le Professeur Dondero, faute de précision de la loi, cette réforme soulève une délicate question d’application de la loi nouvelle dans le temps. Pour le professeur, quatre situations se distinguent en

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II. Le fonctionnement de la procédure d’agrément.

44. Plan.Ce fonctionnement nécessite d’être décrit d’une façon générale, sans s’attarder sur ses détails (A), avant de constater qu’il constitue une spécificité française (B).

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