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La société : ni institution, ni totalement entreprise

Section II. Un principe issu de l’essence des sociétés

A. La société : ni institution, ni totalement entreprise

158. Les raisons de ce rejet. La doctrine discute depuis longtemps de la nature juridique de la société sans qu’un net consensus ne se dégage. Aujourd’hui, le débat semble dépassé, ou plutôt, abandonné. Les auteurs s’accordent sans trop de conviction sur sa nature mixte, mi-contractuelle, mi-institutionnelle555. Pour certains même, ce débat serait inutile556. Or cette détermination est 552 V. à ce propos, supra n° 21.

553 CARBONNIER (J.), Variations sur les petits contrats, Flexible droit. Pour une sociologie du droit sans rigueur, LGDJ, 9ème éd., 1998, p. 303.

554 V. notamment en ce sens : SCHILLER (S.), Les limites de la liberté contractuelle en droit des sociétés. Les connexions radicales, préf. F. Terré, L.G.D.J., coll. Bibliothèque de droit privé, t. 378, 2002, p. 73, n° 140 : « […]jusqu’à la fin du XIXème siècle, la

société était considérée comme une copropriété et les associés jouissaient des droits de tous les copropriétaires ».

555 « Il n’y a pas un mais plusieurs modèles de société; selon les cas c’est l’aspect contractuel ou institutionnel qui l’emporte, sans

toutefois être exclusif ; autrement dit il est vain d’espérer une vue moniste de la société » (COZIAN (M.), VIANDIER (A.), DEBOISSY (Fl.), Droit des sociétés, Litec, coll. Manuel, 12ème éd., 1999, p. 4, n° 10. Mais il faut remarquer que les nouvelles éditions ne mentionnent plus cette opinion : comp. COZIAN (M.), VIANDIER (A.), DEBOISSY (Fl.), Droit des sociétés, Litec, coll. Manuel, 29ème éd., 2016, p. 4, n° 9) ; DIDIER (P.), SAINT-ALARY (B.), « Société », in Rép. Soc. Dalloz, 1985, spéc. n° 6 : « La société est devenue peut-être une institution par ses effets. Mais elle demeure un contrat par son acte de naissance » ; BERTREL (J.-P.), « Le débat sur la nature de la société », in Droit et vie des affaires, Études à la mémoire d’Alain Sayag, Litec, 1997, p. 137, n° 10 : « Mais tout autant que la précédente [thèse institutionnelle], cette thèse contractuelle a pour principale faiblesse de ne pas avoir voulu

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pourtant nécessaire tant en théorie qu’en pratique, puisqu’elle permet d’orienter la résolution des questions d’interprétation suscitées par les textes, ou même d’en combler les lacunes557. Or la législation de l’agrément pose de nombreux problèmes de cet ordre558. Prendre position sur la nature de la société est le premier pas franchi vers cette résolution559. Dans cette recherche, la confrontation de la société protégée par un agrément aux principales de ces théories permet d’obtenir certaines réponses560.

159. Le rejet de la thèse de l’institution. D’origine publiciste561, cette thèse fut reprise par les privatistes à la fin du XIXème siècle pour dénoncer l’inadaptation d’une conception contractuelle de la société à son évolution562. En effet, le développement des sociétés par actions lui donna une nouvelle physionomie, plus autonome vis-à-vis de la personnalité de ses membres. Plusieurs facteurs d’indépendance expliquent ce phénomène: l’attribution de la personnalité morale qui individualise le groupement et lui confère des règles propres, la distinction consécutive

intégrer l’argumentation adverse. Ce constat, que chacun est aujourd’hui en quelque sorte prisonnier de son propre camp,

démontre qu’une synthèse est devenue nécessaire, et nous conduira à proposer une analyse mixte de la nature de la société ». 556 « […] il devient sans doute inutile de rechercher quelle peut être d’une façon générale la nature de la société. Autant vaudrait rechercher la nature commune des différentes machines employées dans l’industrie. » (GERMAIN (M.), avec le concours de MAGNIER (V.), Traité de droit commercial de G. Ripert et R. Roblot, Les sociétés commerciales, t. 1, vol. 2, L.G.D.J., 21ème éd., 2014, p. 22, n° 1520).

Également en ce sens, v. LIBCHABER (R.), « La société, contrat spécial », in Dialogues avec Michel Jeantin, Prospectives du droit économique, Dalloz, 1999, p. 281 : « Dans sa présentation, Michel Jeantin avait donc raison de se passer d’une institution que son

inutilité rend encombrante. Dessinant son absence par un mouvement d’esquisse, il prenait sobrement parti pour l’essentiel ». 557 En ce sens : « […] il peut être indispensable pour réduire certaines difficultés d’interprétation ou encore pour combler quelques lacunes des textes, de recourir à une notion juridique fondamentale dont on puisse tirer, par raisonnement déductif des éléments de solutions » (MAY (J.-Cl.), « La société : contrat ou institution ? », in Contrat ou institution : un enjeu de société, ouvrage coordonné par Brigitte Basdevant-Gaudemet, L.G.D.J., coll. Systèmes, 2004, p. 123).

558 V. infra n° 244 et s. (domaine), n°553(procédure).

559 Une telle démarche a déjà été préconisée à propos des résolutions d’associés (dont l’agrément fait d’ailleurs partie). V. en ce sens : MOUSSERON (J.-M.), « À propos des résolutions d’associés », in Mélanges offerts à Ch. Mouly, t. 2, Litec, 1998, p. 223,

spéc. p. 224, n° 5 : « toute tentative de qualification des résolutions peut paraître vaine tant que persistent les interrogations quant à la nature contractuelle ou institutionnelle des sociétés au sein desquelles elles sont prises » (nous

le soulignons). L’auteur prend parti pour une qualification mixte de la société : « Le débat engagé à ce propos mérite de proposer des solutions homogènes avant de suggérer une qualification hybride de la société. Cette démarche se prête bien aux résolutions qui sont le fruit de ce métissage ».

Pour une critique des conclusions de l’auteur précité, v. PASTRE-BOYER (A.-L.), L’acte juridique collectif en droit français,

(Contribution à la classification des actes juridiques), préf. R. Cabrillac, P.U.A.M., 2006, p. 76, n° 82 et p. 80, n° 84.

560 Pour l’ensemble des théories, v. COZIAN (M.), VIANDIER (A.), DEBOISSY (Fl.), Droit des sociétés, Litec, coll. Manuel, 29ème éd., 2016, p. 4, n° 9.

561 La paternité de cette théorie est attribuée au juriste toulousain Maurice Hauriou (HAURIOU (M.), « L’institution et le droit

statutaire », Recueil de la législation de Toulouse, 2ème série, t. 11, 1906, p. 134 ; - , Principes de droit public, Sirey, 1ère éd., 1910). Cette

théorie est née de ses recherches sur le concept juridique de l’État et de la personnalité morale dont il s’était persuadé de trouver une explication non pas simplement historique ou sociologique, mais aussi juridique. Cette explication, il la trouva dans la théorie

de l’institution dont il perfectionna la conceptualisation par plusieurs essais (v. les références chronologiques citées par MILLARD (E.), « Les théories italiennes de l’institutionnalisation », in Contrat ou institution : un enjeu de société, ouvrage coordonné par Brigitte Basdevant-Gaudemet, L.G.D.J., coll. Systèmes, 2004, p. 31). Cette théorie a toutefois toujours été critiquée pour son manque de précision et son absence de régime juridique.

Adde RENARD (G.), La Théorie de l’Institution, Sirey, 1930.

562 GAILLARD (E.), La société anonyme de demain : la théorie institutionnelle et le fonctionnement de la société anonyme, Sirey, 1934 ; De SOLA CANIZARES (P.), « Le caractère institutionnel de la société de capitaux », RIDC 1953, p. 416.

Pour l’évolution des sociétés de capitaux, v. LEFEBVRE-TEILLARD (A.), La société anonyme au XIXème : du Code de commerce à

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de l’intérêt de la société de celui des associés563, le nombre de ces derniers lesquels peuvent se compter par milliers, le phénomène majoritaire, l’accroissement des règles impératives, la qualité des dirigeants qui ne sont non plus de simples mandataires, mais des organes sociaux chargés de mettre en œuvre la volonté commune, etc.564. La société serait devenue, par conséquent, une institution565. À l’appui d’une telle affirmation, les dispositions de la loi du 24 juillet 1966 renforceraient ce caractère institutionnel par l’énoncé de nombreuses règles impératives, s’immisçant ainsi largement dans l’organisation de la société.

Toutefois, cette qualification peine à convaincre. Favorable à une conception contractuelle de la société, le professeur Deboissy a exposé de nombreux arguments en ce sens dans un article intitulé sobrement : « Le contrat de société »566, dont les deux principaux sont les suivants.

- En premier lieu, l’auteur insiste sur le fait qu’il ne faut pas confondre : « […] la technique

juridique – à savoir l’analyse de la nature juridique de la société – et la politique juridique – dirigisme

contre libéralisme […]. Loin de s’opposer, contrat et ordre public peuvent bien évidemment coexister, le

jeu de l’ordre public ayant été depuis longtemps systématisé dans la théorie générale du contrat »567.

- En second lieu, la personnalité morale n’est autre chose que «la traduction de l’opposabilité de la société aux tiers »568. Cette dissociation oblige donc à distinguer : « […] en permanence deux ordres de réalité, l’ordre interne, qui intéresse les rapports entre associés ou entre chacun des associés et la société – autrement dit le domaine de l’effet relatif de l’acte juridique –et l’ordre externe qui intéresse les rapports

de la société avec les tiers –autrement dit le domaine de l’opposabilité de l’acte juridique »569.

563 V. également en ce sens : GAILLARD (E.), Le pouvoir en droit privé, préf. G. Cornu, Économica, coll. Droit civil, 1985, p. 230, n° 344 : « Par nature, la personnification tend, on le voit, à réaliser la synthèse la plus compréhensive des intérêts susceptibles de lui servir de support ».

564 Pour d’autres facteurs, v. MAY (J.-Cl.), « La société : contrat ou institution ? », in Contrat ou institution : un enjeu de société, ouvrage coordonné par Brigitte Basdevant-Gaudemet, L.G.D.J., coll. Systèmes, 2004, p. 123, spéc. p. 133 ; DEBOISSY (Fl.), « Le contrat de société », in Rapport français pour les journées brésiliennes organisées par l’association Henri Capitant sur le thème du contrat, 2005, éd. Société de législation comparée, 2008, p. 119, spéc. p. 122, n° 6 ; GERMAIN (M.), « Le contrat de société », in Rapport général, ibid., p. 25 ; (citant l’affectio societatis ; l’apparition de la société unipersonnelle ; la personnalité morale ; le phénomène des groupes).

Adde MERLE (Ph.), avec la collaboration de FAUCHON (A.), Droit commercial, Sociétés commerciales, Dalloz, coll. Précis, 20ème éd., 2017, p. 29, n° 22.

565 Ripert écrivait ainsi à propos des sociétés par actions que « l’étude des sociétés ne trouve aucun appui dans le Code civil » (RIPERT (G.), Traité élémentaire de droit commercial, L.G.D.J., 1ère éd. 1947, préf. p. VI).

566 DEBOISSY (Fl.), « Le contrat de société », in Rapport français pour les journées brésiliennes organisées par l’association Henri Capitant sur le thème du contrat,op. cit.

V. également en ce sens : THOMASSIN (N.), « Si la société m’était “comptée“ », in Mélanges en l’honneur du Professeur

Didier R. Martin, Liber Amicorum, Lextenso, 2015, p. 613. 567 DEBOISSY (Fl.), op. cit., spéc. p. 122, n° 5.

568 DEBOISSY (Fl.), op. cit., spéc. p. 126, n° 12, citant WICKER (G.), v. « Personne morale », in Rép. Civ. Dalloz, 1998, spéc. n° 20. 569 Ibid., se référant également pour cette distinction entre l’existence interne et l’existence externe de la société à THALLER (E.), par PERCEROU (J.), Traité élémentaire de droit commercial, Rousseau éditeur, 8ème éd., 1938, n° 248.

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La mise en œuvre de l’agrément confirme l’existence de ces deux ordres. Même après la formation de la société, qui est pourtant supposée être son unique stade contractuel selon la thèse institutionnelle570, la personnalité des associés ressurgit dans l’hypothèse d’un transfert des droits sociaux. La décision d’agréer ou non le candidat-postulant ne sera pas décidée au regard d’un intérêt social abstraitement défini571, mais conformément aux critères d’appréciation personnels formulés par les associés lors de la formation de la société. Par conséquent, une fois immatriculée, la société ne devient pas pour autant un être désincarné ; la personnalité des associés reste sous-jacente en présence d’un agrément, lequel est d’ailleurs susceptible d’exister pour toutes les formes sociales, y compris la société anonyme572. Une critique similaire peut être adressée à la thèse formulée par la doctrine de l’entreprise.

160. Le rejet partiel de la thèse de la doctrine de l’entreprise. La conception de la société

soutenue par cette doctrine peut être résumée de la façon suivante : la société est une entité indépendante de ses associés qui a pour fonction de fournir une structure d’accueil à l’entreprise qui, par suite, se trouve en charge de la protection de l’ensemble des intérêts catégoriels qui s’expriment au sein de celle-ci573.

En apparence, cette pensée dominante du droit contemporain a pu laisser croire que le débat sur la nature de la société devait être abandonné en raison du compromis qu’elle réalisait574. Cependant, bien que les apports de cette doctrine au droit des sociétés, et plus généralement au droit des affaires, soient indéniables575, la solution proposée aux questionnements relatifs à la nature de la société est plus discutable.

570 L’article 1846, alinéa 2 du Code civil semble confirmer cette interprétation.

Adde SCHILLER (S.), Les limites de la liberté contractuelle en droit des sociétés. Les connexions radicales, préf. F. Terré, L.G.D.J., coll. Bibliothèque de droit privé, t. 378, 2002, p. 68, n° 127, « [que] la société soit vue comme un contrat ou comme une institution, la doctrine unanime reconnaît que lors de la création d’une structure sociale, une convention a été conclue ».

V. en ce sens, notamment, mais ne précisant pas pour autant quelle est la nature de la société : AYNÈS (L.), La cession de contrat et les opérations juridiques à trois personnes, préf. Ph. Malaurie, Économica, 1984, p. 206, n° 290 : « Ainsi, la particularité des contrats

créateurs d’un groupement réside-t-elle dans le caractère instantané de la réalisation de leur objet. À de rares exceptions près, la force obligatoire du contrat s’épuise dans l’obligation d’apporter, qui est aussi la condition de réalisation de l’objet du contrat, l’organisation d’un groupement […]. Il est dès lors douteux que la transmission de la qualité d’associé puisse s’analyser en une

cession de contrat ».

571 L’intérêt social peut être défini comme : « Une norme de comportement, c’est-à-dire une règle qui marque la direction à donner à une conduite pour sa légitimité juridique » (CONSTANTIN (A.), « L’intérêt social : quel intérêt ? », in Etudes offertes à Barthélémy Mercadal, éd. Francis Lefebvre, 2002, p. 315, n° 13).

Toutefois, quelle que soit le contenu conféré à cette définition, la sanction de l’abus de droit pour contrariété à l’intérêt social

menace toujours la délibération sociale adoptée. V. infra n° 623.

572 V. infra n° 98, n° 118.

573 V. en ce sens : PAILLUSSEAU (J.), La société anonyme, Technique d’organisation juridique de l’entreprise, Sirey, coll. Bibliothèque de droit commercial, 1967. V. également : CHAMPAUD (Cl.), Le pouvoir de concentration de la société par actions, préf. Y. Loussouarn, Sirey, coll. Bibliothèque de droit commercial, 1969.

574 V. en ce sens, JEANTIN (M.), op. cit., p. 12, n° 22 ; BERTREL (J.-P.), « Le débat sur la nature de la société », in Droit et vie des affaires, Études à la mémoire d’Alain Sayag, Litec, 1997, p. 131, spéc. p. 137.

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Si la société est incontestablement une technique d’organisation, elle ne l’est toutefois pas uniquement de l’entreprise : elle peut aussi l’être pour un patrimoine ou un partenariat576. L’agrément illustre cette dernière finalité puisqu’il constitue un mécanisme préservant utilement le partenariat conclu. De plus, si la doctrine de l’entreprise a contribué à promouvoir une analyse finaliste, fonctionnelle de la société, l’École dite de Rennes577s’inscrit plutôt dans la continuité de la théorie de l’institution578, attribuant à l’intérêt social une vocation générale à protéger, au-delà du seul intérêt de ses membres, l’ensemble des parties prenantes de la société (associés, salariés, créanciers, etc.)579. Or, si cet intérêt est analysé à l’aune de l’agrément, il résulte que la décision prise par les associés le sera en vertu de leur intérêt commun (ou tout au moins, celui des majoritaires580), c’est-à-dire, selon leur convenance vis-à-vis de la personne (physique ou morale) Pour un exposé de cette doctrine, v. CHAMPAUD (Cl.), et alii, Manifeste pour la doctrine de l’entreprise. Sortir de la crise du

financialisme, préf. de H. Bouthinon-Dumas et A. Masson, Bruxelles, éd. Larcier, coll. Droit, Management et Stratégies, 2011. Les

auteurs précisent le choix du mot manifeste dans le titre, lequel renvoie à l’idée d’«[…] une œuvre qui défend vivement des idées et des analyses qui s’opposent à d’autres idées antagonistes » (op. cit, p. 19).

576 COZIAN (M.), VIANDIER (A.), DEBOISSY (Fl.), op. cit., p. 10, n° 15 ; DEBOISSY (Fl.), « Le contrat de société », in

Rapport français pour les journées brésiliennes organisées par l’association Henri Capitant sur le thème du contrat, 2005, éd. Société de législation comparée, 2008, p. 119, spéc. p. 127, n° 14, citant Pothier : « il y a des [sociétés] qui se contractent pour avoir en commun certaines choses particulières et en partager les fruits. Il y en a qui se contractent pour exercer en commun quelque art ou quelque profession. Enfin il y a des sociétés de commerce ».

Adde JEANTIN (M.), Droit des sociétés, Montchrestien, 3ème éd., 1994, p. 12, n° 22, soulignant que la création de certaines

sociétés peut davantage répondre à un besoin de financement qu’à celui d’organiser une structure juridique d’entreprise.

577 La Faculté de droit de Rennes a tenu une place importante dans l’élaboration de cette doctrine au point que l’on assimile souvent l’École de Rennes et la doctrine de l’entreprise. Or des enseignants-chercheurs d’autres Facultés de droit ont aussi

contribué à son élaboration : René Savatier et Jean-Marie Leloup (Poitiers) ; Michel Despax (Toulouse) ; Jean-Marc Mousseron (Montpellier) ; Paul Durand (Nancy) ; Gérard Cas (Aix-en-Provence) ; Maurice Cozian (Dijon). Pour plus de précisions, v. CHAMPAUD (Cl.), op. cit., spéc. p. 321.

578 Dans un article intitulé « le contrat de société existe-t-il encore ? », le professeur Champaud s’est employé à démontrer « le crépuscule de la société-contrat », selon sa propre formule, car la thèse de la doctrine de l’entreprise a eu des « conséquences juridiques et conceptuelles dont il ne fait pas de doute qu’elles transportent radicalement la société hors du droit des contrats, si ce n’est hors du droit privé […]» (CHAMPAUD (Cl.), « Le contrat de société existe-t-il encore ? », in Le droit contemporain des contrats, Travaux de la Faculté des Sciences juridiques de Rennes, Économica, 1987, p. 125, spéc. p. 132).

579 V. en ce sens l’analyse défendue par Monsieur le Professeur Schmidt : - , « De l’intérêt commun des associés », JCP E 1994, chron. p. 404 ; - , « De l’intérêt social », Rev. droit bancaire et bourse 1995, p. 136.

En faveur de cette opinion, v. HAMELIN (J.-F.), Le contrat-alliance, préf. N. Molfessis, Économica, coll. Recherches juridiques, t. 30, 2012, p. 116, n° 164 : « Il ressort de ce qui précède que l’intérêt social ne peut s’entendre ni de l’intérêt de l’entreprise, ni de l’intérêt de la personne morale si celui-ci s’entend d’un intérêt distinct de celui des associés. Par conséquent, l’intérêt social ne peut guère correspondre qu’à l’intérêt commun des associés, ce qui évite une distinction artificielle entre le premier et le second. Voir

dans l’intérêt social l’intérêt commun des associés fait sens en l’état du droit positif. Cette définition de l’intérêt social n’est donc pas qu’un choix par défaut, bien au contraire. Elle permet de donner à l’article 1833 du Code civil sa pleine mesure en y voyant la consécration du caractère essentiel de la notion d’intérêt social […] » ; DEBOISSY (Fl.), op. cit., p. 126, n° 12): « […] identifier l’intérêt social à l’intérêt de la personne morale relève de la pure tautologie puisque la personnification de la société permet

simplement d’opposer aux tiers l’intérêt identifié dans les statuts ». Également en ce sens : GOFFAUX-CAILLEBAUT (G.), « La

définition de l’intérêt social », RTD com. 2004, p. 35.

Comp. notamment : CONSTANTIN (A.), « L’intérêt social : quel intérêt ? », in Études offertes à Barthélémy Mercadal, éd. Francis Lefebvre, 2002, p. 315.

580 Cet intérêt commun prendra une coloration encore plus particulière en présence d’une entreprise familiale, v. en ce sens : PRIEUR (J.), « Introduction », in La gouvernance des entreprises familiales, Actes du colloque du 17 juin 2010 à l’Université Paris-Dauphine, Litec, coll. Colloques et débats, 2010, p. 1, spéc. p. 2.

V. également en ce sens : LE CANNU (P.), DONDERO (B.), Droit des sociétés, Montchrestien, 6ème éd., 2015, p. 197, n° 285 : « Il n’en reste pas moins, dans le droit actuel, que les associés, principalement ceux qui détiennent la majorité dans les structures

où cette règle s’applique, sont en principe seuls qualifiés pour établir la volonté sociale. Ce n’est que par exception que leur

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qui postule à l’obtention de l’agrément. L’intérêt social est certes un garde-fou contre l’abus de droit. Mais il est impuissant à contrer le vote régulier de l’agrément d’une cession emportant le contrôle de la société, cela alors même que cette opération est susceptible de modifier la définition de la politique de la société et, partant, de redéfinir l’intérêt social tel que perçu par le nouveau pouvoir majoritaire581. En effet, même si les minoritaires s’opposent à l’agrément du cessionnaire, la jurisprudence fait primer l’exercice de leur droit de vote par les associés majoritaires582.

L’ensemble de ces propos démontre que le contrat de société continue d’exister au-delà du stade de sa conclusion583. Il reste alors à analyser la nature de cet acte juridique que constitue la société.

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