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Les réformes de la PAC : intégration des principes environnementaux et de développement durable

Encadré 1 : Calendrier de la collecte des données

1. La stabilisation du développement durable comme régulation trans-industrielle trans-industrielle

1.1. De la dénonciation d’un modèle de développement agricole insoutenable à la promotion d’une agriculture durable

1.1.1. Les réformes de la PAC : intégration des principes environnementaux et de développement durable

Au niveau européen, la déclaration de Cork de 1996 propose de faire du développement durable le pilier des réflexions en matière de développement rural et dès 1992, les réformes de la PAC sont marquées par l’intégration d’une composante environnementale aux instruments traditionnels de soutien à l’agriculture33

. Alors que les acteurs sectoriels dominants intègrent progressivement une approche centrée sur la poursuite jointe d’objectifs agricoles et environnementaux (Thiébaut, 1999) dans les aides traditionnelles de la PAC, la question de la durabilité économique, sociale et territoriale de l’agriculture est plutôt prise en charge au niveau des politiques de développement rural. Elle se traduit par la création de programmes transversaux destinés à encourager les expérimentations valorisant des modèles de développement agricole alternatifs, notamment via les programmes LEADER (Liaison Entre Actions de Développement Rural), mis en œuvre dès 1991. Toutefois, les contours flous de la politique communautaire de développement rural rendent malaisée l’identification de ses objectifs, qui oscillent entre trois volets : structurel (aides à la modernisation et à l’adaptation des exploitations agricoles), environnemental (prise en compte des fonctions non-marchandes de l’agriculture) et de développement agricole et rural (Berriet-Solliec et al., 2009).

L’intégration de la dimension environnementale dans les instruments de la PAC date de sa première réforme, en 1992. En 1991, le projet de réforme Mac-Sharry34 fait de la réorientation de l’agriculture vers un modèle plus soucieux de l’environnement et du territoire un des objectifs de la nouvelle PAC. Ainsi, la réforme de 1992 introduit les premières

33 Quelques mesures environnementales existaient avant 1992, mais faute d’un cadre juridique adéquat, la politique agri-environnementale était un « sous-produit de la politique structurelle » (Bonnieux, 2009, p. 143). Par exemple, le règlement 797/85 amendant la directive 75/268 sur les zones défavorisées introduit des aides pour les investissements visant la protection et l’amélioration de l’environnement, les premières mesures agri-environnementales.

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mesures agri-environnementales qui visent à compenser la diminution des soutiens par les prix et à encourager la mise en œuvre d’actions en faveur de l’environnement par les agriculteurs. Le règlement 2078/92 devient le principal pilier de la politique agri-environnementale européenne et un régime d’aides cofinancé à hauteur de 50 % (75 % pour les régions défavorisées) est instauré pour favoriser la réduction des intrants ou la poursuite des diminutions déjà entreprises, la conversion à l’agriculture biologique (AB) ou le maintien des surfaces déjà converties, l’extensification des productions végétales ou le maintien des cultures extensives, la conversion des terres arables en prairies permanentes, la diminution de la densité des cheptels, la protection de l’environnement, des ressources naturelles ainsi que le maintien de l’espace naturel et du paysage, la formation des agriculteurs à des pratiques compatibles avec l’environnement, etc. Malgré tout, la part du budget communautaire consacrée à la politique agri-environnementale est restée modeste, ne dépassant pas 4 % du budget de la PAC entre 1993 et 1997.

En mars 1999, lors du Conseil européen de Berlin, la seconde réforme de la PAC dite « Agenda 2000 » marque l’institutionnalisation des politiques de développement rural en tant que « second pilier » de la politique communautaire, dans une logique proclamée de développement durable. La création du second pilier se fait dans le cadre d’une refonte complète de la politique structurelle régionale qui associe trois objectifs aux politiques de développement rural : le développement des régions en retard, la reconversion des zones en difficulté et le développement des ressources humaines (lutte contre le chômage…). Dans cette nouvelle approche, le développement rural fait désormais l’objet d’un règlement unique. Cependant, les fonds qui y sont alloués peuvent paraître très insuffisants au regard des fonds alloués au premier pilier, tout particulièrement en France : 10 % du budget national de la PAC, contre 17 % pour l’ensemble de l’UE35

.

La troisième réforme de la PAC, le 26 juin 2003 (réforme Fischler, du nom du Commissaire européen à l’agriculture) marque un nouveau glissement vers une « agriculture durable ». Si la compétitivité de l’agriculture européenne semble assurée à moyen terme, il s’agit désormais de mieux adapter la production aux besoins du marché en répondant à la demande du consommateur sur les questions de respect de l’environnement, de production d’aménités, de sécurité et de qualité des aliments, de bien-être animal et de développement équilibré des zones rurales (Butault et al., 2004). Désormais, l’agriculture se voit assignée

35 En tout état de cause, ce second pilier fait en France au moins toujours l’objet de critiques internes car il demeure centré sur une conception agricole du développement rural, celle-ci se traduisant par une part toujours prépondérante des mesures compensatoires pour les exploitations agricoles.

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politiquement à une exigence de multifonctionnalité, soulignant que « d’un point de vue social, [elle] ne peut pas être vue uniquement comme la production de biens, agricoles et plus précisément, de biens génériques » (Allaire, Dupeuble, 2003, p. 51-52), mais doit au contraire contribuer à la préservation d’un cadre de vie et des ressources naturelles, à l’entretien des paysages, à la production d’une alimentation de qualité, etc. Cette réforme introduit plusieurs mesures ayant vocation à renforcer la composante environnementale et durable des politiques agricoles. La première est l’instauration du principe d’éco-conditionnalité des aides36

, par lequel la PAC cherche à peser sur la réorientation des systèmes de production vers des modèles vertueux du point de vue environnemental : l’obtention du droit à paiement unique (DPU) par exploitation (remplaçant les anciennes aides directes) est soumise au respect de dix-huit normes relatives à l’environnement, à la sécurité alimentaire et au bien-être des animaux. La seconde renvoie à un renforcement de la politique de développement rural par l’augmentation des moyens financiers (1,2 milliards d’euros supplémentaires) et la création de nouvelles mesures, notamment sur la certification des produits, la mise aux normes des exploitations et l’installation des jeunes agriculteurs grâce à la modulation des aides directes après 2005.

Par ailleurs, le second pilier est renforcé à partir de 2005 pour la période 2007-2013 par son insertion dans un cadre financier et de programmation unique. Cette insertion est réalisée avec le règlement 1290/05 qui instaure un instrument unique de financement de la politique européenne, le Fonds Européen Agricole pour le Développement Rural (Feader) et le règlement 1698/05 qui définit le soutien communautaire au développement rural dans le cadre de ce fonds. Trois objectifs sont fixés à la nouvelle programmation de développement rural, auxquels viennent s’adjoindre les programmes LEADER : l’amélioration de la compétitivité de l’agriculture et de la sylviculture par un soutien à la restructuration, au développement et à l’innovation ; l’amélioration de l’environnement et de l’espace rural par un soutien à la gestion des terres ; l’amélioration de la qualité de vie en milieu rural et la promotion de la diversification des activités économiques. La variété des objectifs assignés au second pilier renvoie, au-delà d’une approche environnementale stricto sensu, à une approche durable du développement rural (Bonnieux, 2009).

Enfin, la réforme de la PAC de 2013, applicable depuis le 1er janvier 2014 (règlements (UE) n°1303 à 1308/2013), en vue de répondre aux objectifs énoncés en conclusion du

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Pour une analyse du processus de construction de cette mesure et le rôle des lobbyistes environnementalistes et des experts anglais, voir Ansaloni (2013).

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Conseil Européen du 17 juin 2010 « pour une croissance intelligente, durable et inclusive tout en valorisant un développement harmonieux de l’Union et en réduisant les déséquilibres régionaux », propose une refonte des fonds de développement rural et des autres fonds structurels. Une meilleure coordination des mesures rurales avec le reste des Fonds structurels est prévue grâce aux Fonds structurels et d’Investissement Européens (Fonds-ESI) qui doivent être mis en œuvre en suivant les principes du développement durable. La large palette d’outils existant au sein du second pilier de la PAC est simplifiée pour se concentrer sur quelques objectifs thématiques relativement regroupés :

« Pour assurer le développement durable des zones rurales, il y a lieu de viser un nombre limité de priorités fondamentales relatives au transfert de connaissances et à l’innovation dans les secteurs de l’agriculture et de la foresterie ainsi que dans les zones rurales, à la viabilité des exploitations agricoles, à la compétitivité de tous les types d’agriculture dans toutes les régions et promouvoir les technologies agricoles innovantes et la gestion durable des forêts, à l’organisation de la chaîne alimentaire, ainsi qu’à la transformation et à la commercialisation des produits agricoles, au bien-être des animaux, à la gestion des risques dans le secteur de l’agriculture, à la restauration, à la préservation et au renforcement des écosystèmes qui sont liés à l’activité agricole et forestière, à la promotion d’une utilisation efficace des ressources et à la transition vers une économie à faibles émissions de CO2 dans les secteurs agricole, alimentaire et forestier, à la promotion de l’inclusion sociale, à la réduction de la pauvreté et au développement économique des zones rurales. » (Règlement (UE) n°1305/2013 du Parlement européen et du conseil du 17 décembre 2013).

Cette nouvelle programmation institutionnalise une approche élargie du développement durable en agriculture, qui intègre progressivement des enjeux dépassant le seul cadre d’une écologisation des modes de production, de la rémunération des services environnementaux et de la qualité des produits pour intégrer les aspects liés à la commercialisation des produits et à l’organisation des chaînes alimentaires.

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