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L’inscription des circuits courts à l’agenda politique du ministère de l’Agriculture

MARCHANDE DES PRODUCTEURS DE FRUITS ET LEGUMES

2. Une politique nationale pour « renforcer le lien entre agriculteurs et consommateurs » agriculteurs et consommateurs »

2.1. L’inscription des circuits courts à l’agenda politique du ministère de l’Agriculture

contenterons de repérer les grandes étapes du processus de construction et ses résultats, à partir d’un travail reposant essentiellement sur l’exploitation d’un document de travail synthétisant les différentes propositions des membres du groupe de travail.

A cette fin, nous reviendrons dans un premier temps sur la manière dont la question des modes de commercialisation des produits agricoles a été inscrite à l’agenda du ministère entre 2007 et 2009. Puis, à partir de l’analyse du rapport identifiant les freins et leviers au développement des circuits courts rendu au ministre par les participants à ce groupe de travail, nous montrerons quels ont été les débats, les controverses ou les accords qui se sont noués lors de la procédure entre les différentes organisations présentes. Nous présenterons pour finir la manière dont les enjeux associés à ces modes de commercialisation ont été définis et problématisés, et par qui ils l’ont été. L’ambition de cette section sera ainsi de décrire la manière dont les enjeux associés à la commercialisation des produits agricoles ont été problématisés, éclipsant une définition géographique porteuse de sens pour la plupart des acteurs engagés dans ce travail de définition, au profit d’une définition relationnelle défendue par le ministère de l’Agriculture et ses alliés. En effet, comme nous le verrons, cette définition relationnelle correspondait à un cadrage du problème en termes économiques, position défendue notamment par le ministère et l’APCA, par opposition à un cadrage des problèmes en termes de développement territorial, position défendue par les challengers au sein de ce groupe de travail.

2.1. L’inscription des circuits courts à l’agenda politique du ministère de l’Agriculture

En 2007, suite aux conclusions du groupe « Production et consommation durable », le Grenelle de l’environnement avait déjà contribué à inscrire à l’agenda politique la nécessité du développement de certaines formes de circuits courts contribuant au développement durable. En termes règlementaires, ces rencontres avaient fixé à 20 % le niveau d’approvisionnement des services de restauration collective en produits biologiques en 2012

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et suscité la création des premières plateformes de producteurs destinées spécifiquement à approvisionner ces établissements via des circuits courts et de proximité79.

Parallèlement, les Assises de l’Agriculture convoquées en 2007 avaient pour but d’anticiper le bilan de la PAC pour la période 2003-2013, de définir les objectifs de la politique agricole nationale et d’anticiper la présidence française de l’UE. Elles préconisaient une transformation et une ouverture de la politique agricole pour l’élargir à une politique alimentaire, agricole et territoriale afin de répondre aux nombreux défis (alimentaires, environnementaux, énergétiques et territoriaux) identifiés par le Conseil supérieur d’orientation et de coordination de l’économie agricole et agroalimentaire (CSO). Les conclusions des assises relevaient cinq pistes d’action afin de répondre à l’élargissement des objectifs de politique agricole : une nouvelle gouvernance des filières agricoles afin de gérer et répondre au mieux aux nouveaux aléas et aux besoins des consommateurs80 ; une politique alimentaire tenant compte des nouveaux enjeux de la nutrition et des modes de production durables ; une mobilisation de l’innovation pour surmonter les défis climatiques, énergétiques et environnementaux ; l’installation et la pérennisation des entreprises agricoles et agroalimentaires ; la préservation des équilibres écologiques et économiques des territoires par l’adaptation des pratiques agricoles et le soutien à des projets de développement territorialisé.

Mais ce n’est qu’à partir de 2009 qu’une politique nationale visant à développer les circuits courts est définie et mise en œuvre. En effet, à la demande du ministre de l’Agriculture, un groupe de travail est réuni en janvier 2009 pour « identifier les différents leviers qui pourraient être mis en œuvre pour favoriser, développer le mode de commercialisation par les “circuits courts”, notamment en permettant de lever certains freins qui peuvent être rencontrés actuellement par les différents acteurs dans l'exercice de cette activité »81.

L’inscription de cette question à l’agenda du ministère peut se comprendre comme la conséquence d’une conjonction de facteurs ayant diminué ses marges de manœuvre tout en le forçant à se prononcer sur une question pour laquelle il n’avait pas, jusqu’alors, marqué d’intérêt décisif (Paranthoën, 2015). D’une part, il est soumis au renforcement de la

79 Du fait de leur caractère innovant, ces démarches collectives visant à relocaliser l’approvisionnement des restaurants collectifs et / ou à intégrer des produits biologiques ont fait l’objet d’un investissement important de la part des sociologues (Fassel, 2008 ; Le Velly, Bréchet, 2011 ; Praly et al., 2012).

80 Cet objectif intègre le développement de circuits courts pour renforcer les liens entre producteurs et consommateurs.

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concurrence avec les autres échelles de gouvernement (UE et collectivités territoriales) qui ont participé à la diffusion des circuits courts, et au risque de réappropriation de cette thématique par la création d’un grand ministère de l’Écologie, de l’Énergie, du Développement Durable et de l’Aménagement du Territoire (MEEDDAT) chargé de mettre en œuvre les directives, encore relativement floues, du Grenelle de l’environnement. La plus-value environnementale, voire territoriale, des circuits courts fait peser un risque pour le ministère de l’Agriculture de voir cette thématique lui échapper, et encourage fortement ses agents à y intervenir.

Les délais extrêmement courts auxquels doivent faire face les organisateurs de ce groupe de travail sont invoqués pour justifier le recrutement des participants selon une logique de proximité géographique et organisationnelle, en fonction des liens antérieurs tissés entre eux et les fonctionnaires du ministère. On retrouve ainsi au sein de ce groupe des organisations professionnelles, plusieurs associations ayant mis en œuvre des initiatives de circuits courts ou ayant cherché à les développer, à l’échelle d’un département ou d’une région, des collectivités territoriales et des fonctionnaires des principaux ministères concernés, des représentants des acteurs socioéconomiques et des organismes de recherche (voir Annexe 6, p. 405)82. Ces derniers sont sélectionnés par rapport à la proximité idéologique qu’ils entretiennent avec les fonctionnaires du ministère quant à la contribution des circuits courts en matière d’augmentation de la compétitivité de l’agriculture, plutôt que par rapport à l’examen de pratiques innovantes (relevant du champ de la sociologie) ou de leur contribution au développement durable (étudiée depuis le champ de la biologie de l’environnement) (Paranthoën, 2015). Comme le montre le processus de sélection des participants au groupe de travail, la démarche consultative, loin de s’apparenter à une démarche ouverte permettant de confronter des points de vue potentiellement conflictuels,

82 Cependant, entre janvier et avril, date à laquelle le rapport est rendu au ministre, la composition du groupe a évolué, certains acteurs l’ayant intégré et d’autres l’ayant quitté. Par exemple, alors que Y. Chiffoleau et F. Olivier ne faisaient pas partie des experts préalablement identifiés par les organisateurs du groupe de travail, elles ont pu faire valoir leur légitimité à y participer du fait de leur expertise validée par leur participation à des projets de recherche régionaux ou interrégionaux sur ces thématiques (Paranthoën, 2015). A l’inverse, certains représentants de la filière fruits et légumes, comme la FNPHP ou Légumes de France, ont quitté le groupe de travail en cours de route ou en tout cas n’ont pas souhaité transmettre de propositions pour développer ces modes de commercialisation, leurs contributions n’apparaissant pas dans l’annexe 3 du rapport final. Sur les quarante-deux participants initiaux, seuls vingt-trois ont émis des préconisations pour le développement des circuits courts. Malheureusement, n’ayant pas eu accès aux membres de ce groupe de travail, nous ne pouvons que supposer l’existence d’un rapport de force défavorable aux représentants des industries qui ont été écartés du travail de définition du plan d’action national, sans toutefois pouvoir expliquer de manière précise les raisons de cette éviction et / ou de ce retrait.

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révèle un contrôle fort exercé par le ministère de l’Agriculture quant à l’orientation des débats.

2.2. Identifier les freins et les leviers pour développer les circuits courts :

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