• Aucun résultat trouvé

La réforme de l’OCM fruits et légumes de 1996 et l’intégration des enjeux environnementaux dans le gouvernement de la filière

Encadré 1 : Calendrier de la collecte des données

2. L’institutionnalisation du référentiel durable, quel impact sur le gouvernement de la filière des fruits et légumes frais ? gouvernement de la filière des fruits et légumes frais ?

2.1. La réforme de l’OCM fruits et légumes de 1996 et l’intégration des enjeux environnementaux dans le gouvernement de la filière

Alors que la réforme des principales OCM (lait, céréales, viande) n’intervient qu’en 2000, l’OCM fruits et légumes est amendée dès 1996 lors du Conseil des ministres de l’Agriculture par le règlement CE 2200/1996 du Conseil du 28 octobre 1996 portant organisation commune des marchés dans le secteur des fruits et légumes. La nouvelle OCM entre en vigueur le 1er juillet 1997. Cette réforme, décalée dans le temps par rapport à celle des autres OCM, procède d’une insatisfaction au niveau européen et dans certains pays (en France tout particulièrement) par rapport à l’OCM de 1972 qui, près de 25 ans plus tard, semble incapable de régler les problèmes d’organisation et de clarification du marché. Dans

38 En 2007, ces aides s’élevaient à 3,5 % des montants distribués par l’UE et concernaient principalement l’OCM bananes et les fruits à coques, bénéficiant d’un soutien spécifique de la part de l’UE, alors que la filière fruits et légumes représentait 17 % de la valeur agricole brute européenne (Bernard de Raymond, 2007, p. 329).

99

un rapport d’information sénatoriale de 1997 reprenant les conclusions de la Commission européenne, les rapporteurs identifient quatre déséquilibres majeurs que l’OCM ne parvenait plus à réguler : le fonctionnement insatisfaisant de certaines OP, un détournement des retraits subventionnés pesant sur les niveaux de qualité généraux de la filière, des normes de qualité mal comprises par les consommateurs et des insuffisances statistiques concernant à la fois les volumes d’importation et de retrait39

.

Premièrement, le rôle des OP dans la concentration et la régulation tant quantitative que qualitative de l’offre est mis en cause par les pouvoirs publics européens et français. En particulier, certaines de ces OP sont présentées comme des coquilles vides, fonctionnant selon une « logique de production sans vocation commerciale affirmée », n’assumant en aucun cas la fonction qui leur était initialement assignée par l’OCM de 1972 et ne servant que de « boîtes aux lettres » permettant de toucher les aides de la PAC destinées à financer les retraits.

Deuxièmement, le système des retraits, initialement mis en place pour faire face à des excédents conjoncturels, s’est trouvé détourné de sa fonction de stabilisation des prix. En effet, de plus en plus de producteurs se sont mis à utiliser les retraits comme un débouché en soi. Ces stratégies se sont traduites par la recherche de la diminution systématique des coûts de production, au détriment de la qualité et l’encouragement d’une logique de volume contribuant à tirer l’ensemble des prix vers le bas.

Troisièmement, l’édiction de normes de qualité censées favoriser le commerce et se traduisant par l’interdiction de principe de la commercialisation des fruits et légumes classés en catégorie III et par l’augmentation du calibre des pommes commercialisables a pu faire l’objet de critiques de la part de la société civile, dans la mesure où des produits par ailleurs aptes à la consommation ou traditionnellement produits dans certaines régions étaient retirés de la vente40.

Enfin, la Commission a constaté des lacunes importantes concernant l’information statistique disponible sur le volume des importations de fruits et légumes qui entre dans l’Union européenne. Par ailleurs, au cours de son enquête, qui porte sur les campagnes 1990/1991 et 1992/1993, la Cour des comptes européenne a relevé « des

39

Huchon et al., 1997, Rapport d’information n°354 – « Fruits et légumes : une véritable ambition pour le secteur »

40 Ce qui montre encore une fois bien l’écart pouvant exister entre les évaluations professionnelles de la qualité, de plus en plus centrées sur des mesures objectivées et quantifiables, là où les évaluations profanes des consommateurs renvoient à des évaluations subjectives, affectives, sensorielles, etc.

100

insuffisances dans les contrôles et la gestion des opérations de retrait en France et en Grèce entraînant des paiements injustifiés ». Selon elle, la plupart des groupements de producteurs sont loin de remplir le rôle qui leur a été assigné par Bruxelles.

Ce constat sans appel invite à une refonte profonde de l’OCM fruits et légumes afin de lui permettre de jouer pleinement son rôle dans la régulation et la normalisation de l’offre. La nouvelle OCM insiste en particulier sur le statut et le rôle des OP dès le Titre II (articles 11 à 18). Elles ont le statut de personne morale quand elles sont constituées à l’initiative de producteurs. De manière semblable à l’OCM de 1972, les règles d’apport total et de respect des règles de l’OP de la part des producteurs (en matière de production, de commercialisation et, pour la première fois, de protection de l’environnement) sont définies dans l’article 11. La reconnaissance du statut d’OP est octroyée par chaque Etat-membre (sous réserve d’un volume et d’un nombre d’adhérents minimaux ainsi que de garanties quant à l’effectivité de son action). La fonction marchande est au cœur de la définition de leur rôle dans la nouvelle OCM puisqu’elles doivent « assurer la programmation de la production et son adaptation à la demande, notamment en quantité et en qualité », « promouvoir la concentration de l’offre et la mise en marché de la production des membres » et « réduire les coûts de production et régulariser les prix à la production ».

Ceci dit, le quatrième objectif assigné aux OP renvoie lui à un objectif environnemental qui apparait pour la première fois de manière stabilisée au sein du cadre dessiné par l’OCM, allant au-delà du respect des normes sanitaires de traitement des produits. Désormais, les OP devront « promouvoir des pratiques culturales et des techniques de production et de gestion des déchets respectueuses de l’environnement, notamment pour protéger la qualité des eaux, du sol, du paysage et pour préserver et/ou promouvoir la biodiversité ». De plus, les soutiens financiers auxquels peuvent prétendre les OP sont conditionnés par la mise en œuvre d’un « fonds opérationnel » défini à l’article 15. Ces fonds peuvent servir au financement des retraits du marché ainsi qu’à la réalisation d’un programme opérationnel intégrant lui aussi une composante environnementale (réduite à la définition de modes de production respectueux de l’environnement). Ce sont des programmes d’investissements pluriannuels (sur cinq ans) qui doivent viser un ou plusieurs des objectifs suivants : « l’amélioration de la qualité des produits, le développement de leur mise en valeur commerciale, la promotion des produits auprès des consommateurs, la création de lignes de produits biologiques, la promotion de la production intégrée ou autres méthodes de production respectant l’environnement, la réduction des retraits « (article 15, paragraphe 4).

101

Ce sont les Etats-membres qui ont la responsabilité de fixer les orientations des stratégies nationales en matière environnementale, après analyse de la situation et concertation avec les différentes filières concernées. En France, les investissements financés dans le cadre des programmes opérationnels sont regroupés autour des thèmes suivants : production biologique et production intégrée ; meilleure utilisation et/ou meilleure gestion quantitative de l’eau ; préservation de la qualité de l’eau, création et/ou préservation d’habitat favorable à la biodiversité et actions en faveur du paysage ; lutte contre le changement climatique (économie d’énergie et énergies alternatives) ; gestion environnementale des déchets ; développement des moyens de transport alternatif ; gestion des emballages de commercialisation favorable à l’environnement ; autres mesures (appui technique, conseil, analyse, animations collectives liées à une ou plusieurs mesures environnementales, formation, diagnostic territorial).

Autrement dit, si l’UE cherche à renforcer le rôle et la place des OP au stade de la première mise en marché en évitant qu’elles ne servent que de boîte aux lettres destinées à toucher les subsides des retraits, elle encourage aussi une transformation des modes de production allant dans le sens d’une meilleure prise en compte des enjeux environnementaux grâce à la définition des programmes opérationnels. Toutefois, l’encouragement au développement de pratiques culturales plus respectueuses de l’environnement est toujours subordonné à la norme marchande, puisque l’article 11 fait de « l’adaptation à la demande, notamment en quantité et en qualité » le premier objectif des OP. Cette politique est malgré tout ambigüe car si elle cherche à encourager des modes de production respectueux de l’environnement, elle insiste aussi sur la nécessité pour les OP de réduire les coûts de production en vue de régulariser les prix à la production, ces deux objectifs étant a priori dictés par des logiques incompatibles.

2.2. La filière des fruits et légumes frais et l’écologisation des modes de

Outline

Documents relatifs