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Encadré 1 : Calendrier de la collecte des données

1. La stabilisation du développement durable comme régulation trans-industrielle trans-industrielle

1.1. De la dénonciation d’un modèle de développement agricole insoutenable à la promotion d’une agriculture durable

1.1.2. L’institutionnalisation du référentiel durable en France

En France, la traduction des objectifs environnementaux dans les politiques agricoles s’est révélée particulièrement ardue. Il est d’ailleurs notable que l’introduction des premières mesures agri-environnementales au niveau européen, à la fin des années 1980, ne soit en France suivie d’aucun effet véritable. Ce « retard français », par rapport à des pays comme le

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Royaume-Uni, l’Italie ou les Pays-Bas qui inscrivent les enjeux environnementaux à leur agenda politique sectoriel domestique un peu plus tôt, s’explique par la réticence des agriculteurs français et des organisations syndicales majoritaires (parmi lesquelles la FNSEA joue toujours un rôle central) à remettre en cause une identité professionnelle définie par rapport à leur activité de production (Mormont, 1996 ; Muller, 2000 ; Dufour et al., 2003).

Ce n’est qu’au moment de la réforme de la PAC en 1992 que les premières expérimentations collectives associant les organisations professionnelles, les instituts de recherche agronomique (INRA et CEMAGREF), les pouvoirs publics et des agriculteurs sont initiées. En 1993, un travail pionnier de réflexion, d’animation et de synthèse méthodologique est réalisé sous l’égide du ministère de l’Agriculture et de l’Association Nationale pour le Développement Agricole dans le cadre des réflexions sur les Plans de Développement Durable (PDD). Au terme de la phase d’expérimentation, en 1995, 700 contrats de cinq ans sont proposés pour mettre les scénarios imaginés en application. Ces PDD ont privilégié une approche intégrée de l’exploitation agricole en essayant de tenir compte de la demande sociale relative à l’environnement et au territoire. Ils correspondent à une avancée significative par rapport aux programmes antérieurs et ont permis entre autres de stabiliser une méthode d’évaluation de la durabilité à plusieurs niveaux (territoire, environnement, exploitation) et annoncent les futurs contrats territoriaux d’exploitation (CTE).

Ces contrats sont créés en 1999 au moment de la réforme de la Loi d’orientation agricole et sont conçus à partir d’une approche globale au niveau de l’exploitation (Urbano, Vollet, 2005) qui intégrait d’ailleurs, et c’était une première, les objectifs du développement durable dans ses objectifs de développement sectoriel, et s’inscrivait résolument dans le prolongement de la politique agricole européenne (Pingault, 2004). En effet, l’article premier stipulait que « La politique agricole prend en compte les fonctions économique, environnementale et sociale de l’agriculture et participe à l’aménagement du territoire, en vue d’un développement durable » (Art. 1, Loi d’orientation agricole 99-574 du 9 juillet 1999). Cette loi reconnaissait et institutionnalisait en outre le caractère multifonctionnel de l’agriculture. Elle introduisait, avec le CTE, un nouvel instrument ayant pour but de rendre compatible des objectifs parfois contradictoires ou concurrents, puisqu’à côté des objectifs traditionnels (installation des jeunes agriculteurs, aides à la modernisation et à la compétitivité des entreprises), elle assignait à l’agriculture un objectif de sécurité alimentaire et un rôle de protection du paysage et de l’environnement (Bonnieux, 2009). De fait, les objectifs des CTE répondaient à deux grandes finalités. D’une part, ils cherchaient à prendre en compte

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l’ensemble des fonctions économiques, environnementales et sociales de l’agriculture en réponse aux différentes demandes de la société en matière de produits agricoles (qualité, sécurité, traçabilité…), d’environnement et d’occupation de l’espace et de développement des espaces ruraux. D’autre part ils visaient à assurer une distribution plus équitable des soutiens publics entre les différents types d’exploitations, de systèmes productifs et de territoires ruraux (Léger et al., 2006).

Les CTE sont rapidement devenus la pierre angulaire de la première version (2000-2006) du Plan de Développement Rural National (PDRN) qui cherchait à encourager la multifonctionnalité de l’agriculture. Ce plan était à la fois la continuité de la politique européenne (avec la création du second pilier de la PAC consacré au développement rural) et de la politique française engagée depuis la deuxième moitié des années 1990, centrée autour de la notion de multifonctionnalité. Mais le bilan des CTE est assez mitigé et, dès 2003, ils sont remplacés par les « contrats d’agriculture durable ». En effet, ils ont au moins partiellement manqué leur vocation d’assurer une distribution plus équitable des soutiens publics, puisqu’ils ont été majoritairement saisis par des agriculteurs « professionnels », disposant d’exploitations de taille supérieure à la moyenne nationale quelle que soit leur orientation productive, jeunes, modernes et intégrés aux réseaux du conseil agricole. De plus, dans leur élaboration et leur mise en œuvre, ils ont privilégié une entrée verticale, par types de production, plutôt qu’une entrée horizontale territoriale et multi-acteurs, comme cela était pourtant prévu, comme en atteste le faible nombre (moins de 15 %) de contrats s’inscrivant dans un projet collectif de territoire ou étant portés par des structures ou des collectivités territoriales (Léger et al., 2006). En dépit de l’échec relatif du CTE, la loi d’orientation agricole 2006-11 du 5 janvier 2006 prolongeait celle de 1999 et a contribué à stabiliser la prise en compte des attentes des consommateurs-citoyens dans l’orientation des politiques agricoles et la promotion d’une agriculture durable et écologiquement responsable. En effet, le titre IV de la loi, intitulé « Répondre aux attentes des citoyens et des consommateurs » cherchait à améliorer la sécurité sanitaire et la qualité des produits (Chapitre 1), à promouvoir des pratiques respectueuses de l’environnement (Chapitre 2) et à garantir les conditions d’une agriculture de montagne durable (Chapitre 3).

Par ailleurs, suite aux rencontres du Grenelle de l’environnement entre septembre et décembre 2007, visant à prendre des décisions de long terme en matière d’environnement et de développement durable pour restaurer la biodiversité par la mise en place d’une trame verte et bleue et de schémas régionaux de cohérence écologique, tout en diminuant les

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émissions de gaz à effet de serre et en améliorant l’efficience énergétique, la loi n°2009/967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement intègre la question agricole. Plus précisément, le titre III, consacré à « Une agriculture et une sylviculture diversifiées et de qualité, productives et durables » pose les enjeux d’une agriculture durable en France, qui deviennent « de répondre aux besoins alimentaires de la population ». Entre autres, cette loi vise à favoriser le développement des filières biologiques et l’approvisionnement des services de restauration collective gérés par des collectivités en produits biologiques et / ou saisonniers « à faible impact environnemental, eu égard à leurs conditions de production et de distribution » (Art. 31, a), Loi n°2009/967). Elle marque un tournant puisque pour la première fois sont associés comme faisant partie d’un même problème les enjeux liés à la production et ceux liés à la distribution / consommation des produits agricoles : la durabilité renvoie à la fois à celle des modes de production, mais aussi à celle des modes de consommation (et donc à l’organisation des chaînes alimentaires).

Enfin, la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, en associant enjeux alimentaires et agricoles, marque un nouveau pas en avant dans la stabilisation d’un référentiel durable entérinant la vocation alimentaire de l’agriculture. Dans son titre préliminaire elle précise que les objectifs de la politique de l’agriculture et de l’alimentation sont premièrement « d’assurer à la population l’accès à une alimentation sûre, saine, diversifiée, de bonne qualité et en quantité suffisante, produite dans des conditions économiquement et socialement acceptables par tous, favorisant l’emploi, la protection de l’environnement et des paysages et contribuant à l’atténuation et à l’adaptation aux effets du changement climatique ».

En France, la traduction des enjeux associés au développement durable se caractérise donc par un rapprochement entre politiques agricoles (centrées sur la maîtrise de l’offre, dont la problématisation se fait de plus en plus en termes qualitatifs) et alimentaires (centrées sur la demande, qu’il s’agit de faire évoluer vers une plus grande prise en compte des aspects sociaux, environnementaux, éthiques de la consommation). La problématisation de la durabilité agricole et alimentaire se traduit aujourd’hui, en France et en Europe, par une mise en question des modes de distribution dominants des produits agricoles. Ceux-ci porteraient en effet atteinte aux revenus des agriculteurs, à l’environnement, à la qualité des produits et à la santé des consommateurs. Cependant, malgré la stabilisation d’un référentiel durable structurant les orientations des politiques agricoles nationales et communautaires, la norme de

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marché reste centrale et extrêmement structurante dans la définition et la mise en œuvre des politiques sectorielles, au niveau communautaire comme national.

1.2. La protection de l’environnement et le développement durable aux

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