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CHAPITRE 1 : DU NOUVEAU MANAGEMENT PUBLIC A L’APPARITION DES POLES D’ACTIVITE MEDICALE : RETOUR SUR L’EVOLUTION DU SERVICE PUBLIC HOSPITALIER

2 La restructuration hospitalière dans la lignée du NMP

2.1 Les enjeux de la restructuration hospitalière

2.1.1 Les réformes des dépenses de santé

Historiquement, l’hôpital était financé sur la base du prix de journée, calculé à partir du nombre de journées d’hospitalisation et des dépenses prévues. Ce système a abouti à une nette augmentation des coûts. Il a été fortement critiqué pour son aspect inflationniste et inéquitable. Il consistait à rembourser les hôpitaux de leurs dépenses, et n’incitait donc pas à réduire les coûts (Lenay, 2001 ; Lenay et Moisdon, 2003). Ce système rétrospectif sera aboli en 1983 (Moisdon et Tonneau, 2008). Va alors être mis en place un système de dotation globale, dans lequel un budget est affecté en début d’année à chaque établissement pour couvrir ses dépenses (Moisdon, 2000). Cette enveloppe était revalorisée chaque année par application d’un taux directeur. On passe donc d’un système de remboursement à un système de financement, cette fois-ci prospectif (De Pouvourville, 2009). Là encore, ce système va être l’objet de nombreuses critiques sur son manque d’efficacité et d’équité (Moisdon, 2000). Il est considéré comme une allocation de ressources inéquitable, génératrice de phénomènes

de rentes (Vincent, 2005, Moisdon 2010). Ce système inégalitaire est également critiqué pour le manque de possibilité qu’il offre d’évaluer l’activité réelle.

Parallèlement est introduit le Programme de Médicalisation des Systèmes d’Information (PMSI), développé par Jean de Kervasdoué, dès 1982, avec notamment le classement des prises en charge dans un Groupe Homogène de Malades (GHM). Chaque GHM regroupe un ensemble de séjours hospitaliers (médical, administratif et économique) auquel est associé un Indicateur Synthétique d’Activité (ISA), positionné sur l’échelle nationale des coûts (ENC). Les points ISA permettent de mesurer les consommations de ressources, et ainsi calculer la productivité des établissements (Gentil, 2012). Cela va permettre de mesurer l’activité médicale (Moisdon, 2000), le système devient donc moins aveugle (Minvielle, 2009). A partir de 1991, les établissements doivent traduire leur activité selon la grille du PMSI, ce qui permet un regard sur les pathologies prises en charge (Moisdon et Tonneau, 2008). On peut dès lors calculer le volume d’activité (Lenay et Moisdon, 2003). Un système qui a fait apparaître de nombreuses disparités entre les structures (Moisdon et Tonneau, 2008). Le PMSI est donc devenu un outil d’allocation des ressources (Lenay et Moisdon, 2003). Le PMSI est un outil très synthétique, qui sert comme critère d’évaluation simple (Moisdon, 2000). L’analyse plus fine est laissée à la responsabilité de chaque établissement. Va également être créé par les ordonnances de 1996, l’ONDAM (Objectif National des Dépenses de l’Assurance Maladie), pour orienter la politique d’allocation des ressources (Lenay et Moisdon, 2003). Cet ensemble de systèmes va ainsi permettre aux Agences Régionales d’Hospitalisation (ARH) de calculer les dotations budgétaires (Lenay, 2001 ; Moisdon, 2000 ; Lenay et Moisdon, 2000, 2003).

Dans la continuité de ces réformes une évaluation de l’activité des établissements s’est progressivement installée. Ce qui va donner naissance à la tarification à l’activité (T2A) avec le Plan Hôpital 2007, dans une volonté de maîtrise des dépenses et de chasse au gaspillage (Sainsaulieu, 2007). Il s’agit d’une série de mesures annoncées en France le 20 novembre 2002, visant à moderniser l’offre de soins (Bréchat et al., 2008). Ce Plan Hôpital 2007 est présenté comme étant un remède au malaise de l’hôpital et au désenchantement de ses professionnels grâce à la tarification à l’activité, et son incitation au dynamisme (Montet, 2009). Dans un souci de transparence sur les activités réalisées, et afin d’inciter les établissements à améliorer leur efficience, la T2A institue un paiement prospectif au cas traité. Ce système, inspiré par le Medicare aux Etats- Unis, connaît de nombreuses variations

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dans ses modalités de mises en œuvre. En France, les tarifs sont définis au niveau national. Ils le sont à partir d’un système de tarification mêlant les coûts observés dans un panel d’établissements et des objectifs de gains de productivité (Valette et al., 2015). La T2A repose sur différentes composantes : une description très fine de l’activité médicale, un processus de codage de l’activité par les médecins, et un système d’information médicale : le PMSI – programme de médicalisation des systèmes d’informations (Lenay et Moisdon, 2003; Or et Renaud, 2009; Pouvourville, 2009a). La T2A, comme mode de financement, met en relation activité médicale et performance économique. Dans ce système de régulation, l’objectif de chaque établissement est de parvenir à un fonctionnement équilibrant ses dépenses par ses recettes (Valette et al., 2015). Dès lors, les moyens sont alloués sur la base de l’activité réelle produite, par le biais des GHM et des coûts moyens associés. Le prix est fixé par GHM, et l’hôpital est rémunéré pour un séjour donné. Ce tarif est forfaitaire, le but étant d’encourager les établissements à optimiser les coûts.

Les établissements vont alors être incités à analyser leur activité en fonction des coûts, et donc identifier les surcoûts (Vincent, 2005). La T2A va avoir pour effet de favoriser l’émergence de pratiques nouvelles (Moisdon, 2010) : le développement d’outils médico-économiques, le recrutement de contrôleurs de gestion, le développement de partenariats, fusion, coopérations, des stratégies concernant l’optimisation du taux d’occupation des lits, la réduction des durées moyennes de séjours (DMS)5, le développement de l’activité ambulatoire… Un ensemble d’indicateurs qui vont être au cœur du pilotage de l’activité des pôles. Les dotations sont désormais allouées à des missions et non plus à des structures. Les dépenses sont présentées en lien avec des objectifs dans des programmes annuels de performances (PAP) et sont analysés à partir d’indicateurs (socio-économiques, de qualité et d’efficience) et de procédures contractualisées (Montet, 2009).

La T2A fait l’objet de critiques, notamment par les médecins qui parlent d’un système potentiellement inflationniste (Grimaldi, 2008). Il y a une crainte sur les dérives potentielles en matière de qualité de soins avec une course à la productivité, qui se traduit par une tendance à la réduction de la durée des séjours pour augmenter le nombre d’admissions, avec une hausse de l’hôpital de jour (Gentil, 2012). Certains parlent d’un risque de sur-codage de l’activité. En effet, l’ensemble des acteurs semble avoir compris la nécessité de développer

l’activité pour la survie d’une spécialité, d’un service, d’un pôle ou d’un hôpital, allant parfois jusqu’à une manipulation des données (Georgescu et Naro, 2012). Ou encore, d’une sélection des patients, dits rentables, sacrifiant ainsi l’offre de soin du service public, au profit de la diminution des coûts (Duhamel et Minvielle, 2009). Finalement, la T2A permettrait le développement d’une instrumentation gestionnaire, favorisant une analyse locale de l’activité, par les tableaux de bord et autres indicateurs (Moisdon et Pépin, 2010). Le risque du sacrifice de la qualité au profit de la rentabilité est craint, c’est pourquoi ces réformes financières se sont accompagnées de réformes visant au maintien de la qualité de prise en charge.

Les établissements de santé sont à la poursuite de l’optimisation du temps, avec un raccourcissement des durées moyennes de séjours (DMS) (Acker, 2005) et une hausse du nombre de patients pris en charge, en augmentant le taux de rotation des malades (Raveyre et Uhghetto, 2003). Tout ceci s’accompagne d’un virage ambulatoire (Lapointe et al., 2000). L’hôpital de jour est préféré à l’hospitalisation, et le traitement des convalescences est effectué à l’extérieur de l’hôpital. L’hôpital n’est plus un lieu d’hébergement mais un lieu de passage, il est alors question d’un bouleversement de la gestion hospitalière (De Kervasdoué, 2004). En 2014, la chirurgie ambulatoire représentait 45 % des interventions en France, soit une progression significative de + 1,8 point par an depuis 2007. Les hôpitaux de jour représentent un quart des séjours de médecine. Dépassant aujourd’hui le seuil des 50 %, l’hospitalisation en ambulatoire est devenue fréquente et sert de modèle de référence.6

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