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CHAPITRE 4 : LES POLES D’ACTIVITE MEDICALE ET LE PROCESSUS DE DECISION EN QUESTION : L’ANARCHIE ORGANISEE AU SERVICE DE L’ANALYSE DE L’HOPITAL

2 Le cadre théorique retenu : l’anarchie organisée et le garbage can model

2.1 L’anarchie organisée : un modèle particulier d’organisation

universités ne sont qu’un exemple d’anarchies organisées et que d’autres types d’organisations sont susceptibles de répondre aux mêmes critères (Musselin, 1997). Ces critères se retrouvent souvent pour décrire des organisations publiques. De plus, dans sa description de la bureaucratie professionnelle, Mintzberg (1982) fait déjà le parallèle entre ces deux organisations, université et hôpital, ce qui laisse entendre que la comparaison est tout à fait légitime et que ces deux organisations se ressemblent.

2 Le cadre théorique retenu : l’anarchie organisée et le garbage can model

March considère que les descripteurs pertinents permettant de comprendre le fonctionnement de toutes les organisations sont les mêmes : toutes les organisations sont marquées à un certain degré par l’ambiguïté, et il existe dans toutes les organisations des processus communs, et des structures communes. Ainsi, cette unité ontologique du phénomène organisationnel a une conséquence directe sur la recherche : chaque recherche sur chaque organisation a potentiellement une portée générale. Dès lors, il faut examiner comment concrètement procèdent les managers et les organisations, et rechercher les déterminants de ces comportements. L’approche behavioriste dit que l’homme est limité par ses capacités de mémoire et de calcul, chaque élément du fonctionnement d’une organisation est couplé aux autres et adapté à l’environnement de façon partielle, et l’organisation est le lieu de conflits non résolus ou quasi résolus. L’intérêt de l’observation d’une situation concrète réside dans le fait qu’elle permet d’identifier des phénomènes non encore observés et d’y voir à l’œuvre des concepts dont les recherches précédentes n’avaient pas fait apparaître la pertinence ; la recherche se donne donc la possibilité de surprise et de progrès conceptuel. March se laisse guider par le terrain et chaque situation peut se comprendre par un ou plusieurs modèles (Romelaer, 1994).

2.1 L’anarchie organisée : un modèle particulier d’organisation

Cohen, March et Olsen ont développé le concept d’anarchie organisée en 1972 à partir d’études sur les universités américaines. Cette forme particulière d’organisation se caractérise

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par des préférences incertaines, une technologie floue et une participation fluctuante. Ce modèle fondamental, est assez peu utilisé et mal compris, ou injustement critiqué selon Romelaer (1994).

2.1.1 L’incertitude des préférences

Dans ces organisations, le fonctionnement se fait à partir d’une grande variété de préférences mal définies et peu cohérentes entre elles. Une structure peu cohérente, plus proche du rassemblement d’idées, qui découvre ses préférences dans l’action. En effet, elle n’agit pas en fonction de préférences établies, ce qui l’éloigne du modèle classique de la théorie des choix, qui impute à la prise de décision une série de préférences qui satisfassent les exigences de cohérence (Cohen et al., 1972). Cette forte d’ambiguïté des préférences se caractérise par des acteurs qui ne savent pas très bien ce qu’ils veulent, ou plutôt ils veulent beaucoup de choses pas toujours faciles à concilier. C’est pourquoi dans ces contextes, l’action aura tendance à précéder la formation des préférences, voire à les créer plutôt que l’inverse (Friedberg, 1993). Christine Musselin (1997) précise que la difficulté dans ces organisations vient du fait que les objectifs sont en concurrence, sans qu’ils ne s’ordonnent stablement. Ici le décideur a des préférences floues et/ou changeantes, ou bien il y a plusieurs décideurs qui ont des préférences qui sont peu cohérentes entre elles. Pour Romelaer (1994), ces critères sont plus larges qu’il n’y paraît. Ainsi l’incertitude des préférences s’observe dans les décisions délicates qui ont des facettes diverses et des enjeux importants comme les décisions de Direction Générale ou d’innovation. Ce critère s’observe également quand il y a une activité politique : opposition, désaccords sur la stratégie ; ou lorsqu’il y a une dispersion géographique, ou une opposition siège/filiale. Egalement pour ce qui est d’une bataille pour la succession, de la concurrence pour un poste important, des tensions sociales ou encore des systèmes de pouvoir externe divisé ou politique (collectivités territoriales).

2.1.2 La technologie floue

Dans ces organisations, si l’on connaît les inputs et les outputs du système, on ne sait à peu près rien sur le processus de transformation qui permet de passer de l’un à l’autre. Il en

découle une difficulté fondamentale pour évaluer les résultats, qui perdent donc une grande partie de leur pouvoir régulateur des rapports entre acteurs (Friedberg, 1993). En effet,le lien entre les « entrées », les actions, et les « sorties » de l’organisation est mal connu ou les liens qui les relient mal compris ; les conséquences d’une action ne peuvent être cernées qu’avec une grande imprécision (Romelaer, 1994). En effet, dans les anarchies organisées les procédures ne sont pas comprises par l’ensemble des membres de l’organisation. Elles continuent tout de même à produire et à survivre en procédant par tâtonnements. Ce fonctionnement par essais/erreurs, est basé sur les leçons tirées des expériences passées, et sur l’invention pragmatique, par nécessité (Cohen et al., 1972). Ce flou est notamment dû à des processus inexpliqués et liés à des qualités personnelles difficilement transmissibles (Musselin, 1997). On retrouve cette notion de technologie floue dans les nouveaux marchés, les nouveaux produits ou les innovations radicales, ou bien même dans les ressources humaines (Romelaer, 1994).

2.1.3 La participation fluctuante

Il existe dans ces organisations une participation fluctuante dans les processus de décision. Friedberg (1993) parle d’une faible structuration de ces processus : il est facile de rentrer ou de sortir des processus de décision, d’y introduire de nouvelles préoccupations ou d’en retirer d’autres.Typiquement dans ces structures les participants fournissent une quantité de temps et de travail variable en fonction des différents domaines d’activité. Les acteurs impliqués dans une situation de choix y ont une implication variable dans le temps et variable en intensité (Romelaer, 1994). Ce qui confère à l’organisation des frontières mouvantes et incertaines, le degré d’engagement étant fluctuant. Il en résulte de nombreux changements de décideurs, et d’auditoires pour les différents types de choix (Cohen et al., 1972). Ce critère est typique des organisations du secteur associatif ou des syndicats professionnels. C’est également le cas quand on décentralise les décisions, aplatit la hiérarchie, introduit des groupes autonomes ou semi-autonomes et encourage la participation (Romelaer, 1994).

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2.1.4 Du modèle d’organisation au processus de décision

D’après les auteurs de ce modèle, ces caractéristiques peuvent se retrouver dans n’importe quelle entreprise à un moment de sa vie, où à un endroit particulier de sa structure, notamment dans les organisations en mal de légitimité, ou encore les structures de formation. Mais ce modèle reste prédominant dans les organismes publics (Cohen et al., 1972). On retrouve toutefois facilement ces trois critères dans un contexte de changement rapide, de restructuration forte et de fusion. Ce qui en fait finalement un modèle d’analyse assez large (Romelaer, 1994).

Dans ces anarchies organisées, deux aspects sont fondamentaux pour les auteurs : la façon dont les organisations font des choix sans objectifs cohérents et partagés, et la façon dont les membres de l’organisation sont activés. Dans le premier, il s’agit de résolution des problèmes sans recours à la négociation explicite et dans le second, l’interrogation porte sur comment l’attention est dirigée vers une décision, ou comment elle en est détournée (Cohen et al., 1972).

Dans ces organisations, où la technologie et les objectifs sont flous, et la participation changeante, les axiomes et les procédures classiques de management n’ont plus leur place. D’après les auteurs, une organisation est une série de choix à la recherche de problèmes, ou encore des questions et des sentiments cherchant des situations où s’exprimer, des solutions en quête de questions auxquelles elles pourraient répondre et des décideurs en quête d’objectifs. A partir de cette définition, pierre angulaire de leur théorie de la décision, ils développent une conception du choix organisationnel qui s’intéresse aux conséquences stratégiques du calendrier d’introduction des problèmes et des choix, à la répartition dans le temps de l’énergie disponible et à l’impact de la structure organisationnelle (Cohen et al., 1972).

Dans cette optique, ils considèrent que chaque occasion de choix dans une anarchie organisée est semblable à une corbeille à papiers dans laquelle différents problèmes et solutions sont jetés par les participants au fur et à mesure de leur apparition. Il convient de concevoir ces organisations comme des ensembles relativement aléatoires où une série de « solutions » cherche des « problèmes » pour lesquels elles pourraient être une réponse ; où des problèmes

cherchent des situations de choix qui leur permettraient d’être discutés, et où les décideurs cherchent du travail (Friedberg, 1993). Il faut alors tenir compte de l’interaction entre génération des problèmes dans une organisation, déploiement du personnel, production de solutions et occasions de choix. D’après les auteurs une décision est le résultat d’une interprétation de divers courants relativement indépendants à l’intérieur de l’organisation : les problèmes, les solutions, les participants et les occasions de choix (Cohen et al., 1972). Friedberg (1993), précise que dans ces ensembles, les possibilités d’évaluer les conséquences d’une décision et de les rapporter à des objectifs n’existent plus, tout comme la capacité d’assigner un effet à une cause. Ce sont des organisations très désordonnées. Friedgerg (1993) fait un parallèle entre l’anarchie organisée et le jeu de football bizarre imaginé par à K. Weick (1976) pour décrire des systèmes faiblement liés.

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