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CHAPITRE 1 : DU NOUVEAU MANAGEMENT PUBLIC A L’APPARITION DES POLES D’ACTIVITE MEDICALE : RETOUR SUR L’EVOLUTION DU SERVICE PUBLIC HOSPITALIER

7 La volonté d’une mesure des performances avec le développement des outils de gestion

7.1 Le faible impact des outils de gestion sur les pratiques

Le tableau de bord doit être le support d’une gestion par objectif, ou un système d’information visant à fournir aux dirigeants des éléments permettant d’améliorer la performance de leur organisation (Bonnier, Saulpic et Zarlowski, 2013). Wiersma (2009) identifie clairement trois objectifs associés à l’utilisation de tableaux de bords : favoriser la prise de décision et la rationalisation des décisions, améliorer la coordination des activités et l’auto-contrôle. Des objectifs qui complètent ceux de Azofra et al. (2003) à savoir : favoriser l’implication des employés, encourager l’apprentissage par une analyse des écarts, apprendre à communiquer et à obtenir un consensus, décliner la stratégie pour la déployer aux niveaux opérationnels, contrôler. Or, si les outils de gestion semblent bien se développer et envahissent les couloirs des hôpitaux, la littérature ne fait pas état d’une grande réussite de cette nouvelle implantation de gestion. En effet, il ressort que ces outils ont un impact modeste sur les pratiques médicales, notamment en terme d’organisation et de prise en charge des patients ou encore sur les prises de décisions médicales (Doolin, 2001 ; Moisdon, 2010 ; Bérard, 2011 ; Crémieux et al., 2012 ; Bonnier et al., 2013). Ces indicateurs sont peu mobilisés pour une prise de décision appuyée sur des données faisant le lien entre le médical et l’économique et leur analyse (Valette et al., 2015) ou encore pour améliorer les pratiques

médicales et les modes d’organisation, du fait de leur caractère essentiellement informatif (Bonnier, Saulpic et Zarlowski, 2013). Les CREA sont très nombreux mais servent peu en réalité. Ils sont mobilisés lors de dialogue de gestion mais guère plus, car les résultats en termes d’amélioration de l’efficience, ou de la qualité sont lents à se concrétiser et peu d’avancées sont faites quant à l’analyse fine des parcours des malades ou de l’organisation du travail (Moisdon, 2010). Ces données administratives nourrissent essentiellement des statistiques globales et ont pour objet de fournir des éléments de cadrage et un panorama de l’offre de soins. Mais elles restent volumétriques et générales et n’apportent donc pas une connaissance précise et fine de l’activité médicale (Flachère, 2015). Or, dans la littérature traditionnelle d’inspiration néo-institutionnaliste était déjà mis en évidence le manque d’effet de ces indicateurs sur les pratiques médicales (Covaleski et Dirsmith, 1983 ; Lapsley, 1994 ; Petersen, 1995, Bonnier et al., 2014). Aidemark identifiait déjà en 2001 que l’introduction d’une rationalité gestionnaire serait susceptible d’être rejetée par les professionnels de santé.

L’outil principal de pilotage du pôle, nous l’avons vu, est le CREA, compte de résultats analytiques (Bonnier et al., 2014). Ce nouvel outil de gestion est censé favoriser la coopération entre gestionnaires et équipes médicales par la création d’un langage commun. Toutefois, ses effets sur les activités médicales sont restés modestes (Moisdon et Pépin, 2010 ; Bruant-Bisson, Castel et Panel, 2012). Le déploiement de nouveaux outils et d’indicateurs financiers confirme le faible impact direct de ces outils sur les pratiques des acteurs censés les utiliser (Bonnier et al., 2014). Si la plupart des travaux tendent à montrer que ces systèmes de mesure exercent une influence sur les représentations qu’ont les acteurs de leurs activités et de la performance de l’hôpital (Chua et Preston, 1994 ; Bérard, 2011 ; Bérard et Steyer, 2013 ; Crémieux et al., 2014 ; Bonnier et al., 2014 ) d’autres appuient sur l’effet négatif de ces indicateurs sur le fonctionnement des établissements (Belorgey, 2000 ; Georgescu et Naro, 2012). Il en est de même pour la T2A, le rapport de l’IGAS de 2012 évalue que la tarification à l’activité a eu peu d’impact sur les organisations et la prise en charge des malades, hormis une tendance à la diminution de la durée moyenne de séjour, au développement de la chirurgie ambulatoire ou encore à l’optimisation du codage.

Il existe une vraie réflexion sur l’efficience des outils mis en place et sur la responsabilité des gestionnaires d’hôpitaux dans le pilotage de cette efficience. Le temps passé par les personnels soignants et administratifs à animer des dispositifs constitue une déperdition de

CHAPITRE 2 : LES POLES D’ACTIVITE MEDICALE, REVUE DE LITTERATURE SUR L’OBJET DE RECHERCHE

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moyens alors que la mise en œuvre de ces dispositifs semble n’avoir qu’un impact limité sur les pratiques de gestion de la performance médico-économique de l’hôpital, ce qui est une vraie problématique dans un contexte de pénurie des ressources (Bonnier et al., 2014).

L’une des problématiques qui revient autour des outils de gestion est la question de leur conception. Il semble indispensable que les directeurs d’établissement s’impliquent dans la conception des outils de gestion, comme dans leurs modalités de déploiement, et que leur rôle ne se réduise pas à la mise en œuvre d’indicateurs conçus par ailleurs (Bonnier et al., 2014). Le médecin DIM (département d’information médicale), dont un des rôles pourrait être celui de contrôleur de gestion de l’activité médicale, dénonce, en parlant des indicateurs d’activités par GHM (Groupe Homogène de Malade) figurant dans les tableaux de bord, leur manque de pertinence en raison de leur caractère trop global (Bonnier, Saulpic et Zarlowski, 2013). Pour certains, le tableau de bord est conçu par la direction et il est hors de question que les médecins puissent faire des propositions autres que marginales. Quant à la direction, elle invoque les limites du système d’information et la saturation des équipes chargées d’élaborer le tableau de bord actuel (Bonnier, Saulpic et Zarlowski, 2013).

Les outils opérationnels paraissent insuffisants pour l’heure puisque tous les établissements ne possèdent pas de projets de pôle et les contrats de prestations entre pôles demeurent limités. De plus, les outils de pilotage ne sont pas facilement exploitables (Channet et al., 2009).

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