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Le réexamen de la décision dans des cas exceptionnels

CHAPITRE PREMIER : LE PRINCIPE DU CONTRADICTOIRE

Section 2. Le contradictoire dans l’instance indirecte

B. Des voies de recours insuffisantes

1. Le réexamen de la décision dans des cas exceptionnels

89. Règlement « IPE ». Le règlement (CE) n° 1896/2006 du 12 décembre 2006 instituant une procédure européenne d’injonction de payer prévoit qu’après l’expiration du délai d’opposition, le défendeur a le droit de demander le réexamen de l’injonction de payer européenne devant la juridiction compétente de l’État membre d’origine dans trois hypothèses dont seule la première intéresse le principe du contradictoire390. Elle concerne les cas où la notification de l’injonction de payer européenne n’est pas assortie de la preuve de sa réception et qu’elle n’est pas intervenue en temps utile pour permettre au débiteur de préparer sa défense, sans qu’il y ait faute de sa part391. La distinction des modes de notification avec ou sans preuve trouve ici tout son intérêt. Ne pouvant établir avec certitude que le silence gardé par le débiteur soit le résultat d’une démarche volontaire, il était nécessaire de lui ouvrir une voie de recours supplémentaire. Mais il devra apporter la preuve, difficile car négative, de son absence de faute392. Dès lors, il est permis de douter que le manque de rigueur quant aux modalités d’information du débiteur soit compensé par la possibilité de demander le réexamen de la décision prise à son encontre. Quoi qu’il en soit, si la juridiction décide que le réexamen est justifié, l’injonction de payer européenne est nulle et non avenue393. Si la juridiction rejette la demande de réexamen, l’injonction de payer européenne reste valable394.

90. Règlement « RPL ». Dans le cadre du règlement (CE) n° 861/2007 du 11 juillet 2007 instituant une procédure européenne de règlement des petits litiges, une demande de réexamen est possible dans deux hypothèses395. La première concerne les cas où la

390

V. art. 20 du règlement (CE) n° 1896/2006. Le premier cas vise l’hypothèse dans laquelle l’injonction de payer a été signifiée ou notifiée selon l’un des modes non assortis de la preuve de sa réception par le débiteur et qu’elle n’est pas intervenue en temps utile pour lui permettre de préparer sa défense, sans qu’il y ait faute de sa part. Le second cas vise l’hypothèse dans laquelle le défendeur a été empêché de contester la créance pour cause de force majeure ou en raison de circonstances extraordinaires, sans qu’il y ait faute de sa part. Dans les deux cas, le débiteur doit agir « promptement ». Le défendeur a également le droit de demander le réexamen de l’injonction de payer européenne devant la juridiction compétente de l’État membre d’origine « lorsqu’il est

manifeste que l’injonction de payer a été délivrée à tort, au vu des exigences fixées par le présent règlement, ou en raison d’autres circonstances exceptionnelles » (sur la notion de circonstances exceptionnelles, v. le

considérant n° 25 : « Les autres circonstances exceptionnelles pourraient notamment désigner le cas où

l’injonction de payer européenne était fondée sur de fausses informations fournies dans le formulaire de demande »).

391

V. art. 20.1 a) du règlement (CE) n° 1896/2006.

392 En ce sens v., AMRANI-MEKKI, S., « Règlement (CE) n° 1896/2006 du 12 décembre 2006 instituant une procédure européenne d’injonction de payer », in L. CADIET, E. JEULAND et S. AMRANI-MEKKI, Droit

processuel civil de l’Union européenne, LexisNexis, 2011, p. 249 à 271, spéc. n° 277, p. 268.

393 V. art. 20.3 du règlement (CE) n° 1896/2006.

394

V. art. 20.3 du règlement (CE) n° 1896/2006.

395

notification du formulaire de demande ou de la citation à comparaître à une audience n’est pas assortie de la preuve de sa réception et qu’elle n’est pas intervenue en temps utile pour permettre au défendeur de préparer sa défense, sans qu’il y ait faute de sa part396. La seconde concerne le cas où le défendeur a été empêché de contester la créance pour cause de force majeure ou de circonstances extraordinaires, sans qu’il y ait faute de sa part397. Seule la première intéresse en réalité le principe du contradictoire. Dans le nouveau règlement, il n’est plus exigé que la notification ait été réalisée selon un des modes non assortis de la preuve de la remise au destinataire ni que le destinataire n’ait pas commis de faute398. Le réexamen de la décision pourra donc être obtenu plus facilement. Mais alors que dans le règlement de 2007 le réexamen est ouvert à tout défendeur, le nouveau règlement est plus restrictif en prévoyant qu’il ne bénéficie qu’au défendeur qui n’a pas comparu. Ainsi, seul le défendeur défaillant peut, le cas échéant, demander le réexamen de la décision rendue dans le cadre de la procédure européenne de règlement des petits litiges. Si la juridiction refuse le réexamen, la décision reste exécutoire399. Si la juridiction décide que le réexamen est justifié, la décision rendue est nulle et non avenue400.

91. Règlement « aliments ». L’article 19 du règlement (CE) n° 4/2009 du 18 décembre 2008 relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l’exécution des décisions et la coopération en matière d’obligations alimentaires offre au seul défendeur défaillant la possibilité de demander, au stade de l’exécution de la décision rendue contre lui dans un État membre lié par le Protocole de La Haye de 2007, le réexamen de celle-ci devant la juridiction compétente de l’État membre d’origine. L’existence d’un tel recours s’explique par la suppression de l’exequatur pour les décisions rendues dans les États membres liés par le Protocole de La Haye de 2007.

92. Conditions du réexamen. Il ressort de l’article 19, paragraphe 1, du règlement que le défendeur défaillant ne peut demander le réexamen de la décision que dans deux hypothèses : soit lorsque l’acte introductif d’instance (ou un acte équivalent) ne lui a pas été

396 V. art. 18.1 a) du règlement (CE) n° 861/2007.

397 V. art. 18.1 b) du règlement (CE) n° 861/2007.

398

Art. 18. 1 du règlement (UE) n° 2015/2421 « Un défendeur qui n’a pas comparu peut demander un réexamen

de la décision rendue dans le cadre de la procédure européenne de règlement des petits litiges devant la juridiction compétente de l’État membre dans lequel cette décision a été rendue, lorsque : le formulaire de demande n’a pas été signifié ou notifié au défendeur ou, dans le cas d’une audience, lorsque le défendeur n’a pas été cité à comparaître, en temps utile et de manière à ce qu’il puisse préparer sa défense ».

399

V. art. 18.2 du règlement (CE) n° 861/2007.

400

signifié ou notifié en temps utile et de telle manière qu’il ait pu se défendre401, soit lorsqu’il s’est trouvé dans l’impossibilité de contester la créance alimentaire pour cause de force majeure ou en raison de circonstances extraordinaires sans qu’il y ait eu faute de sa part402. Il se voit priver de la possibilité de demander le réexamen de la décision s’il n’a pas exercé de recours à l’encontre de celle-ci alors qu’il était en mesure de le faire. Autant dire que les conditions sont restrictives. Le défendeur non comparant dispose d’un délai de quarante-cinq jours pour demander le réexamen403. Ce délai ne comporte pas de prorogation à raison de la distance404. Il court à compter du jour où il a eu effectivement connaissance du contenu de la décision et où il a été en mesure d’agir, et au plus tard à compter du jour où ses biens sont rendus indisponibles en tout ou en partie par une mesure d’exécution prise à son encontre405. Si la juridiction rejette la demande de réexamen, la décision reste valable406. Si la juridiction considère que le réexamen est justifié, la décision est, comme dans les règlements Injonction de payer européenne et Petits litiges407, nulle et non avenue408. Mais le créancier ne perd pas les avantages résultant de l’interruption des délais de prescription ou de déchéance ni le droit de demander rétroactivement des aliments qu’il aurait acquis par l’action initiale409.

93. Appréciation. Le recours en réexamen dans des cas exceptionnels ne peut suffire à éviter la circulation d’une décision rendue en violation du principe du contradictoire. Se pose alors la question de l’existence d’une voie de recours dans l’État membre d’exécution permettant de s’opposer à l’exécution d’une décision rendue en violation du principe du contradictoire. Bien qu’elle n’ait pas été envisagée par les règlements européens, la possibilité d’invoquer dans l’État membre d’exécution une violation du principe du contradictoire, élément essentiel du procès équitable, devrait, à notre avis, toujours être réservée410. Par ailleurs, la violation du principe du contradictoire justifierait sans aucun doute un recours

401

V. art. 19.1 a) du règlement (CE) no 4/2009.

402

V. art. 19.1 b) du règlement (CE) no 4/2009.

403 V. art. 19.2 du règlement (CE) no 4/2009.

404 V. art. 19.2 du règlement (CE) no 4/2009.

405

V. art. 19.2 du règlement (CE) no 4/2009.

406 V. art. 19.3 du règlement (CE) no 4/2009.

407 V. art. 20.3 du règlement (CE) n° 1896/2006 du 12 décembre 2006 instituant une procédure européenne d’injonction de payer ; art. 18.2 du règlement (CE) n° 861/2007 du 11 juillet 2007 instituant une procédure européenne de règlement des petits litiges.

408

V. art. 19.3 du règlement (CE) no 4/2009.

409 V. art. 19.3 du règlement (CE) no 4/2009.

410 Également en ce sens, V. notamment, D’AVOUT, L., « Droits fondamentaux et coordination des ordres juridiques en droit privé », in E. DUBOUT et S. TOUZÉ (dir.), Les droits fondamentaux : charnières entre

devant la Cour européenne des droits de l’homme sur le fondement de l’article 6, paragraphe 1, de la Convention EDH.