• Aucun résultat trouvé

PREMIÈRE PARTIE : L’IDENTIFICATION DES PRINCIPES DIRECTEURS

16. À la recherche de principes directeurs. L’identification des principes directeurs du procès civil dans l’Espace judicaire européen ne peut se faire qu’avec méthode. Sur le plan de la technique juridique, il est d’usage de procéder par voie d’induction106 pour dégager un principe juridique107. Selon le Vocabulaire technique et critique de la philosophie d’André LALANDE, l’induction est « l’opération mentale qui consiste à remonter d’un

certain nombre de propositions données, généralement singulières ou spéciales, que nous appellerons inductrices, à une proposition ou à un petit nombre de propositions plus générales, appelées induites, telles qu’elles impliquent toutes les propositions inductrices »108. S’agissant de dégager des principes directeurs du procès civil dans l’Espace judiciaire européen, il a donc été procédé par induction109 à partir du droit positif, en particulier à partir des instruments de droit judiciaire privé européen110, ainsi que de la jurisprudence y afférant. Il a toutefois fallu être prudent dans cette démarche dans la mesure où ces instruments ont un domaine matériel limité111.

106

Sur les différentes formes d’induction, v. VIRIEUX-RAYMOND, A., La logique formelle, PUF, 1975, p. 16 et s.

107 NAJM, M.-C., Principes directeurs du droit international privé et conflits de civilisations, préf. Y. LEQUETTE, Dalloz, 2005, p. 62 et s. ; KHORIATY, R., Les principes directeurs du droit des contrats :

regards croisés sur les droits français, libanais, européen et international, préf. D. Mazeaud, PUAM, 2014, p.

99 et s.

108

LALANDE, A., Vocabulaire technique et critique de philosophie, PUF, coll. Quadrige, 2006, V° « Induction », sens B.

109

Sur les précautions à prendre, v. MATHIEU-IZORCHE, M.-L., Le raisonnement juridique, PUF, coll. Thémis, 2001, spéc. p. 319.

110 V. supra n° 13.

111

NIBOYET, M.-L., « La globalisation du procès civil international dans l’espace judiciaire européen et mondial », JDI, 2006, p. 937 à 954.

La recherche de principes directeurs a, par ailleurs, parfois été éclairée par deux sources supplémentaires, à savoir la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et la Convention européenne des droits de l’homme. Il est également apparu intéressant, à certaines occasions, de compléter cette démarche par une approche comparative en confrontant le droit de l’Union européenne au droit français et dans une moindre mesure aux droits allemand, luxembourgeois et belge112.

17. Énumération des principes directeurs. Selon la méthode retenue c’est à partir de l’observation du droit positif que les principes directeurs ont été identifiés. De cette observation, quatre principes directeurs nous ont semblé pouvoir être dégagés : le principe du contradictoire, le principe du rôle actif du juge, le principe de célérité et le principe du dialogue transfrontalier113.

18. Classification. Une fois les principes directeurs identifiés, il a fallu établir une classification de ces principes. Le professeur C. EISENMANN définit la classification comme la « constitution d’une série plus ou moins nombreuse de concepts, base chacun de la réunion

d’une classe ou d’une catégorie d’objets »114. Mais toute la difficulté réside dans le choix du critère de distinction. Plusieurs classifications sont ici envisageables. Dans le premier tome de son traité de droit civil, le doyen J. CARBONNIER propose de classer les principes directeurs du procès civil français en deux catégories suivant l’esprit dont ils procèdent. L’auteur distingue ainsi les principes d’équité dans le procès des principes de technique dans le procès115. Les premiers, de nature politique, formeraient « un peu le droit naturel de la

procédure »116 tandis que les seconds, de caractère plus technique, seraient « des principes

contingents »117. Pour M. le professeur Loïc CADIET cette « distinction répond sûrement à la

112 LENAERTS, K., « Le droit comparé dans le travail du juge communautaire », RTD eur., 2001, p. 487 à 528.

113

De son côté, Mme le professeur NIBOYET propose de consacrer quatre principes : le principe du dispositif, le principe du contradictoire, le principe de collaboration et le principe de célérité (« Les règles de procédure : l’acquis et les propositions. Les interactions entre les règles nationales de procédure et les "règles judiciaires européennes" », in M. FALLON, P. LAGARDE et S. POILLOT-PERUZZETTO (dir.), Quelle architecture pour

un code européen de droit international privé ?, Peter Lang, 2011, p. 281 à 295, spéc. n° 49 et s., p. 293 à 295).

Mme LASSERRE propose, quant à elle, la reconnaissance de deux principes directeurs : le principe de coopération et le principe de célérité (Le droit de la procédure civile de l’Union européenne forme-t-il un ordre

procédural ?, thèse Nice, 2013, dir. L.-C. HENRY, spéc. n° 367 et s.).

114EISENMANN, C., « Quelques problèmes de méthodologie des définitionset des classifications en science juridique », APD, 1966, t. 11, p. 25 et s., spéc. n° 7.

115 CARBONNIER, J., Droit civil. Introduction. Les personnes. La famille, l’enfant, le couple, PUF, coll. Quadrige, 2004, n° 188 et 189, p. 362 et s.

116

CARBONNIER, J., op. cit., n° 188.

117

réalité, au moins pour l’essentiel »118. Les professeurs G. CORNU et J. FOYER ont proposé d’opposer les principes directeurs relatifs aux rôles respectifs des parties et du juge aux principes directeurs établissant des garanties fondamentales d’une bonne justice119.

Opérant une distinction proche, les auteurs du précis Dalloz de procédure civile proposent de regrouper les principes directeurs selon leur nature et leur fonction. Ils distinguent ainsi les principes directeurs de l’organisation du procès des principes directeurs issus des garanties fondamentales d’une bonne justice120. S’agissant toutefois des principes qui nous occupent, ces distinctions ne semblent pas appropriées. D’autres distinctions ont été proposées en doctrine. Tout d’abord, celle opposant les principes relatifs aux parties et les principes relatifs au juge121. Nous avouons que cette distinction nous a un temps séduit mais, à la réflexion, nous l’avons écartée. Elle s’est en effet avérée en pratique très délicate à mettre en œuvre et conduisait à des répétitions. Par ailleurs, l’émergence de nouveaux principes directeurs du procès a conduit la doctrine à distinguer les principes classiques « expressément consacrés » des principes émergents122. Cette dernière distinction ne paraît pas davantage pertinente dans la mesure où aucun principe directeur n’est pour l’heure expressément consacré dans les règlements étudiés.

19. Critère. En définitive, il apparaît nécessaire de repenser la classification des principes directeurs. Il semble possible d’utiliser un critère qui prenne en compte leur essence. Il y aurait ainsi, d’un côté, les principes directeurs relevant de l’existence du procès civil transfrontalier (TITRE PREMIER) et de l’autre, ceux renvoyant aux conditions d’une bonne administration de la justice transfrontalière (TITRE SECOND).

118 CADIET, L., « Et les principes directeurs des autres procès ? Jalons pour une théorie des principes directeurs du procès », in Mélanges J. NORMAND, Litec, 2003, p. 71 à 110, spéc. p. 109.

119

CORNU, G. et FOYER, J., Procédure civile, PUF, coll. Thémis Droit privé, 1996, n° 96 ; Retenant la même distinction, WEILLER, L., « Principes directeurs du procès », in Rép. proc. civ., Dalloz, avril 2016.

120 GUINCHARD, S., CHAINAIS, C. et FERRAND, F., Procédure civile. Droit interne et européen du procès

civil, Dalloz, coll. Précis, 33e éd., 2016, n° 411.

121 NORMAND, J., « La confrontation des principes directeurs », in Ph. FOUCHARD (dir.), Vers un procès civil

universel ? Les règles transnationales de procédure civile de l’American Law Institute, éd. Panthéon Assas,

2001, p. 89 à 96 ; À rapprocher, LESTRADE, E., Les principes directeurs du procès dans la jurisprudence du

Conseil constitutionnel, thèse, Bordeaux IV, 2013, spéc. n° 44.

122

GUINCHARD, S., CHAINAIS, C. et FERRAND, F., Procédure civile. Droit interne et européen du procès

TITRE PREMIER : L’EXISTENCE DU PROCÈS CIVIL