• Aucun résultat trouvé

CHAPITRE PREMIER : LE PRINCIPE DE CÉLÉRITÉ

Section 1. La notion de célérité

B. La distinction de la célérité et du délai raisonnable

1. La notion de délai raisonnable

173. Définition. Les justiciables ont droit à ce que leur affaire soit jugée dans un délai raisonnable753. Le respect du délai raisonnable participe selon la Cour européenne des droits de l’homme de l’efficacité et de la crédibilité de la justice754. Le droit d’être jugé dans un délai raisonnable est l’une des exigences essentielles du procès équitable755, il a pour objet de protéger les justiciables « contre les lenteurs excessives de la procédure »756. À ce titre, il est un droit subjectif du justiciable757. Mais la notion de « délai raisonnable », d’appréciation subjective, se laisse difficilement appréhender758. Elle ne fait l’objet d’aucune définition ni

de la procédure dans l’État tiers au moment où la procédure est engagée devant la juridiction de l’État membre et la probabilité que la juridiction de l’État tiers rende une décision dans un délai raisonnable ».

751 Considérant n° 32 : « Pour informer la personne contre laquelle l’exécution est demandée de l’exécution

d’une décision rendue dans un autre État membre, le certificat établi au titre du présent règlement, accompagné si nécessaire de la décision, devrait lui être signifié ou notifié dans un délai raisonnable avant la première mesure d’exécution. Dans ce contexte, il convient d’entendre, par première mesure d’exécution, la première mesure d’exécution qui suit la signification ou la notification ».

752

Art. préliminaire du C. pr. pén. : « Il doit être définitivement statué sur l’accusation dont cette personne fait

l’objet dans un délai raisonnable » ; BOULOC, B., « La durée des procédures : un délai enfin raisonnable ? », RSC, 2001, p. 55 et s. ; PRADEL, J., « Encore une tornade sur notre procédure pénale avec la loi du 15 juin

2000 », D., 2000, no 26, point de vue, p. 5.

753 CEDH, 31 mars 1992, X. c/ France, série A, n° 234, D., 1992, somm., p. 334, obs. J.-F. RENUCCI, AJDA, 1992, p. 416, chron., J.-F. FLAUSS, JCP, 1992, II, 21896, note Ch. APOSTOLIDIS ; CEDH, 26 avril 1994,

Vallée c/ France, série A, n° 289, D., 1995, somm., p. 103, obs. J. PENNEAU.

754 CEDH, 24 octobre 1989, H. c/ France, série A, n° 162, RFDA, 1990, p. 203, note O. DUGRIP et F. SUDRE ;

JDI, 1990, p. 709, note P. ROLLAND.

755

FRICERO, N., « Délai raisonnable », in L. CADIET (dir.), Dictionnaire de la justice, PUF, 2004, p. 312 à 315, spéc. p. 313 ; GUINCHARD, S., « Le procès équitable : garantie formelle ou droit substantiel ? », in

Mélanges G. FARJAT, 1999, p. 139 et s.

756

CEDH, 10 novembre 1969, Stögmüller c/ Autriche, Série A, n° 9.

757 FRICERO, N., « Délai raisonnable », in Dictionnaire de la justice, op. cit., spéc. p. 313.

758

LAMBERT, P., « Les notions de "délai raisonnable" dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme », RTDH, 1991, p. 3 à 19 ; FLAUSS, J.-F., « Le délai raisonnable au sens des art. 5-3 et 6-1 de la Convention européenne des droits de l’homme dans la jurisprudence française », RTDH, 1991, p. 49 et s. ; VELU, J. et ERGEC, R., « La notion de délai raisonnable dans les articles 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l’homme - essai de synthèse », R.T.D.H., 1991, p. 137 à 160 ; FRICERO, N., « Garanties de nature

dans la Convention européenne des droits de l’homme, ni dans la jurisprudence de la Cour européenne. Selon le Vocabulaire juridique CORNU, le délai se définit comme un « laps de

temps fixé par la loi, le juge ou la convention soit pour interdire, soit pour imposer d’agir avant l’expiration de ce temps »759. Et le « raisonnable » est ce qui est « conforme à la

raison », ce qui est « modéré, mesuré, qui se tient dans une juste moyenne »760. Dès lors un délai raisonnable apparaît comme un délai adapté à la situation en cause761, ni trop long, ni trop court.

174. Détermination du délai raisonnable. Le délai raisonnable d’une procédure n’est pas aisé à déterminer a priori762. Il ne s’apprécie en effet qu’a posteriori, une fois le délai écoulé. Mais comment quantifier le délai raisonnable ? Aucune durée précise n’a été fixée par la Cour européenne. Mais elle a eu l’occasion de fixer le point de départ et le terme de la période à prendre en considération pour le calcul du délai raisonnable.

175. Dies a quo. Le point de départ de la période à considérer diffère selon la nature du contentieux. En matière civile, le dies a quo est, en principe, la date de la saisine de la juridiction compétente763. La Cour européenne a cependant admis que la période à considérer pouvait commencer à courir, dans certaines hypothèses, avant même le dépôt de l’acte introduisant l’instance devant le tribunal auquel le demandeur s’adresse pour trancher la contestation764. Tel est le cas lorsque la saisine de la juridiction doit être précédée d’un recours préalable765.

En matière pénale, le point de départ du délai raisonnable se situe à la date à laquelle l’accusation est portée766. Il peut donc s’agir d’une date antérieure à la saisine de la juridiction procédurale : équité, publicité, célérité et laïcité », in S. GUINCHARD (dir.), Droit et pratique de la procédure

civile, Dalloz Action, 2017-2018, n° 212.121 ; du même auteur, « Délai raisonnable », op. cit., spéc. p. 313.

759

V° « délai », in G. CORNU (dir.), Vocabulaire juridique, op.cit., p. 313.

760 V° « raisonnable », in G. CORNU (dir.), Vocabulaire juridique, op.cit., p. 845.

761

NICOLAS-VULLIERME, L., « Le "délai raisonnable" ou la mesure du temps », LPA, 2005, n° 1, p. 3 à 13 ; BOUISSON, S., L’exigence du délai raisonnable dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de

l’homme, thèse, Aix-Marseille 3, 2001, spéc. p. 8.

762

JEAN, J.-P. et PAULIAT, H., « L’administration de la justice en Europe et l’évaluation de sa qualité », D., 2005, chron. p. 598 et s.

763 V. parmi d’autres, CEDH, 6 mai 1981, Buchholz c/ Allemagne, série A, n° 42 ; 13 juillet 1983, Zimmermann

et Steiner c/ Suisse, série A, n° 66 ; 8 décembre 1983, Pretto et autres c/ Italie, série A, n° 71 ; 10 juillet 1984, Guincho c/ Portugal, série A, n° 81 ; 23 avril 1987, Lechner et Hess c/ Autriche, série A, n° 118 ; 25 juin 1987, Capuano c/ Italie, série A, n° 119 ; 8 juillet 1987, Baraona c/ Portugal, série A, n° 122.

764 CEDH, 21 février 1975, Golder c/ Royaume-Uni, série A, n° 18 ; R. PELLOUX, « L’affaire Golder devant la Cour européenne des droits de l’homme », AFDI, 1975, p. 330, GACEDH, 7e éd., PUF, 2015, n° 27.

765 CEDH, 28 juin 1978, König c/ RFA, série A n° 27, GACEDH, op. cit., n° 4 ; 31 mars 1992, X. c/ France, préc. ; 26 avril 1994, Vallée c/ France, préc. ; 29 juillet 2003, Santoni c/ France ; D., 2003, p. 2269, obs. N. FRICERO.

766 CEDH, 27 juin 1968, Wemhoff c/ Allemagne, série A, n° 7 ; 27 juin 1968, Neumeister c/ Autriche, série A, no 8 ; 18 juillet 1994, Venditelli c/ Italie, série A, no 293 ; 31 mars 1998, aff. 23043/93, Reinhart et Slimane Kaïd

de jugement, celle notamment de l’arrestation, de l’inculpation ou de l’ouverture des enquêtes préliminaires767. La notion d’accusation a fait l’objet d’une définition autonome de la part de la Cour européenne. Elle l’a défini comme « la notification officielle, émanant de l’autorité

compétente, du reproche d’avoir accompli une infraction pénale »768. Qu’en est-il du dies ad

quem ?

176. Dies ad quem. Le dies ad quem correspond tant en matière civile que pénale, à la date de la décision définitive769. Selon les termes mêmes de la Cour européenne, le délai à apprécier « couvre l’ensemble de la procédure en cause, y compris les instances de recours,

et s’étend jusqu’à la décision vidant la contestation »770. Il ressort également de la jurisprudence de la Cour que ce délai inclut la procédure d’exécution du jugement771. En revanche, la Cour européenne des droits de l’homme refuse de prendre en compte, pour le calcul du délai raisonnable, la durée d’une procédure préjudicielle devant la Cour de justice de l’Union européenne772.

177. Appréciation in concreto du délai raisonnable. Selon la Cour européenne des droits de l’homme, le caractère raisonnable de la durée d’une procédure s’apprécie in

concreto, suivant les circonstances de la cause et à l’aune des critères dégagés par sa

jurisprudence, à savoir, la complexité de l’affaire, le comportement du requérant, l’attitude des autorités nationales compétentes773 ainsi que, parfois, l’enjeu du litige774. Ces critères ont été repris par la Cour de justice de l’Union européenne775. Il est à remarquer qu’aucun critère 366, obs. G. BAUDOUX ; D., 1999, jur., p. 281 ; RTD civ., 1998, p. 511, obs. J.-P. MARGUÉNAUD ;

Procédures, 1998, n° 177, obs. J. BUISSON ; JCP G., 1999, II, 10074, note S. SOLER ; RSC, 1999, p. 401, obs.

R. KOERING-JOULIN ; RD publ., 1999, p. 877, obs. S. SOLER.

767

CEDH, 16 juillet 1971, Ringeisen c/ Autriche, série A, n° 13 ; 27 février 1980, Deweer c/ Belgique, série A, n° 35 ; 10 décembre 1982, Corigliano c/ Italie, série A, n° 57.

768 CEDH, 15 juillet 1982, Eckle c/ Allemagne, série A, n° 51 ; 10 décembre 1982, Corigliano c/ Italie, série A, 57 ; 11 février 2010, aff. n° 24997/07, Malet c/ France.

769 CEDH, 28 juin 1978, König c/ RFA, préc. ; 14 novembre 2000, aff. 36436/97, Piron c/ France ; D., 2001, p. 2787, note J.-P. MARGUÉNAUD et J. MOULY ; JCP G., 2001, I, p. 291, chron. F. SUDRE.

770 CEDH, 28 juin 1978, König c/ RFA, préc. ; 14 novembre 2000, Piron c/ France, préc.

771 CEDH, 7 décembre 1999, Bouilly c/ France, aff. 38952/97 ; 2 août 2000, Satonnet c/ France ; RFDA, 2001, p. 1252, chron. H. LABAYLE et F. SUDRE.

772

CEDH, 26 février 1998, aff. 20323/92, Pafitis et a. c/ Grèce ; JDI, 1999, p. 229, obs. P. TAVERNIER ; JCP

G., 1999, I, 105, obs. F. SUDRE.

773 CEDH, 28 juin 1978, König c/ RFA, préc. ; 8 décembre 1983, aff. 7984/77, Pretto c/ Italie ; JDI, 1985, p. 228, obs. P. TAVERNIER ; 31 juillet 2001, aff. 42211/98, Zannouti c/ France ; VALÉRY, A., « Qu’est-ce qu’un délai raisonnable au regard de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme ? », in Le

procès équitable et la protection jurisprudentielle du citoyen, Bruylant, 2001, p. 91 à 99.

774

CEDH, 8 juillet 1987, aff. 9580/81, H. c/ Royaume-Uni ; RENUCCI, J.-F., Droit européen des droits de

l’homme, LGDJ, 6e éd., 2015, n° 409.

775

CJCE, 17 décembre 1998, Baustahlgewebe GmbH ; RTDH, 1999, p. 487, chron., F. SUDRE ; SPITZER, J.-P. et KARBOWSKI-RECOULES, J., « Le procès équitable devant la Cour de justice des communautés européennes : les juridictions communautaires dépassent le cadre fixé par l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme et étendent le principe du respect des droits de la défense », in Le procès

n’est décisif à lui seul puisque les juges doivent se livrer à une appréciation globale776. L’appréciation du caractère raisonnable de la durée d’une procédure s’opère donc au cas par cas. Précisons les différents critères précités.

178. Complexité de l’affaire. La complexité de l’affaire s’apprécie tant par rapport aux faits en cause que par rapport aux questions juridiques soulevées777. La Cour européenne prend en compte la difficulté à récolter les preuves, la dimension internationale du litige778, l’incertitude de la règle de droit applicable. La complexité de l’affaire peut également résulter de la pluralité des parties779 ou de la multiplicité des procédures780. La matière objet du litige peut aussi justifier la longueur de la procédure781. La Cour européenne des droits de l’homme a ainsi jugé qu’une affaire de tutelle ne présentant pas de difficultés particulières ne saurait justifier plus de quatre années de procédure782. Dans une autre affaire, la Cour a reconnu que la complexité incontestable d’une procédure de liquidation de régime matrimonial ne saurait toutefois justifier dix-neuf années de procédure783. Dans les affaires du sang contaminé, la Cour européenne a considéré que, même si l’affaire revêtait une certaine complexité, un délai de quatre ans et trois mois devait être considéré comme excessif dans la mesure où les données permettant de trancher la question de la responsabilité de l’État en la matière étaient disponibles depuis longtemps784.

179. Comportement du requérant. Le comportement du requérant ou de son conseil peut, dans certains cas, être à l’origine de la lenteur de la procédure. La Cour européenne a jugé qu’ « en matière civile l’exercice du droit à ce que sa cause soit entendue

dans un délai raisonnable est subordonné à la diligence de la partie intéressée »785. Un requérant ne saurait donc se plaindre d’une lenteur dont il est la cause lorsqu’il a, par son inertie ou par des manœuvres dilatoires, contribué à ralentir la procédure. Tel est le cas

776

RENUCCI, J.-F., Traité de droit européen des droits de l’homme, LGDJ, 2e éd., 2012, n° 488, p. 515.

777 SUDRE, F., « Convention européenne des droits de l’homme. Droits garantis. Droit à un procès équitable »,

J.-Cl. Europe, fasc. 6526, 2013, n° 180.

778

RENUCCI, J.-F., Traité de droit européen des droits de l’homme, op. cit., n° 488, p. 515.

779 CEDH, 8 juillet 1987, H. c/ Royaume-Uni, préc.

780 CEDH, 15 novembre 1996, n° 19385/92, Katikaridis et autres c/ Grèce.

781

SUDRE, F., « Convention européenne des droits de l’homme. Droits garantis. Droit à un procès équitable »,

op. cit., n° 180.

782

CEDH, 17 juin 2003, n° 49531/99, Lutz c/ France (n° 2), Dr. fam., 2003, comm. n° 154, obs. B. DE LAMY.

783 CEDH, 3 octobre 2000, n° 35589/97, Kanoun c/ France ; RTD civ., 2000, p. 891, obs. B. VAREILLE ;

Defrénois, 2001, art. 37420, p. 1238, note J.-P. MARGUÉNAUD.

784

CEDH, 26 août 1994, n° 22800/93, Karakaya c/ France ; JCP G., 1995, I, 3823, obs. F. SUDRE.

785

lorsque le requérant ne met guère d’empressement à déposer ses conclusions786. En revanche, il ne peut lui être reproché ni d’avoir tiré pleinement parti des voies de recours que lui ouvrait le droit interne787, ni d’avoir saisi une juridiction incompétente788 ou encore d’avoir recherché un accord amiable avec l’adversaire789.

180. Comportement des autorités nationales. L’attitude des autorités nationales compétentes est un critère essentiel pour apprécier le caractère raisonnable de la durée d’une procédure. En effet, seules les lenteurs imputables à l’État peuvent amener la Cour à conclure à l’inobservation du délai raisonnable790. À cet égard, la Cour tient compte de la diligence des autorités tant étatiques que juridictionnelles. Elle estime qu’il pèse sur les États l’obligation positive « d’organiser leurs juridictions de manière à leur permettre de répondre aux

exigences de l’article 6 § 1, notamment quant au délai raisonnable »791. Dès lors, l’encombrement des juridictions ne peut pas être invoqué par un État pour éviter d’être condamné792. La Cour européenne considère en effet que des situations d’encombrement devenues courantes n’excusent pas la durée excessive d’une procédure793. Elle admet cependant qu’un engorgement passager du rôle d’une juridiction n’engage pas la responsabilité de l’État s’il a pris « avec une promptitude adéquate, des mesures propres à

redresser pareille situation exceptionnelle »794.

S’agissant du comportement des autorités judiciaires, la Cour européenne a eu l’occasion d’affirmer que « même dans les systèmes juridiques consacrant le principe de la conduite du

procès par les parties, l’attitude des intéressés ne dispense pas les juges d’assurer la célérité voulue par l’article 6 § 1 de la Convention »795. La Cour européenne vérifie que la juridiction

786

CEDH, 20 février 1991, n° 11889/85, Vernillo c/ France, série A n° 198 ; D., 1992, p. 333, obs. J.-F. RENUCCI ; 27 octobre 1993, n° 13675/88, Monnet c/ France, série A n° 273 ; D., 1995, p. 102, obs. J.-F. RENUCCI.

787 CEDH, 25 février 1992, n° 13089/87, Dobbertin c/ France ; D., 1993, p. 384, obs. J.-F. RENUCCI.

788 CEDH, 24 novembre 1994, Beaumartin c/ France, série A, n° 296 ; D., 1995, Jur., p. 273, note X. PRÉTOT ;

D., 1996, p. 199, obs. S. PEREZ.

789

CEDH, 26 février 1993, n° 12444/86, Pizzetti c/ Italie, série A n° 257-C.

790 V. entre autres, CEDH, 24 octobre 1989, aff. n° 10073/82, H. c./France, série A n° 162 ; RFDA, 1990, p. 203, note O. DUGRIP et F. SUDRE ; 27 octobre 1993, aff. n° 13675/88, Monnet c/ France, préc.

791

CEDH, 27 juin 1997, aff. n° 19773/92, Philis c/Grèce (n° 2) ; RSC, 1998, p. 393, obs. R. KOERING-JOULIN ; 24 septembre 1997, aff. n° 18996/91, Garyfallou Aebe c/Grèce ; GACEDH, op. cit., p. 379.

792 CEDH, 23 mars 1994, aff. n° 14146/88, Muti c/ Italie ; JCP, 1995, I, 3823, obs. F. SUDRE.

793

CEDH, 26 octobre 1988, aff. no 11371/85, Martins Moreira c/ Portugal, série A no 143, § 54.

794 CEDH, 6 mai 1981, Buchholz c/ Allemagne, préc., § 51 ; 25 juin 1987, aff. n° 10527/83, Milasi c/ Italie, § 18 ; 7 juillet 1989, aff. n° 11681/85, Union Alimentaria Sanders S.A. c/ Espagne, § 40 ; 29 septembre 2011, aff. n° 854/07, Späth c/ Allemagne, § 41.

795 CEDH, 6 mai 1981, Buchholz c/ Allemagne, préc., § 50 ; 10 juillet 1984, Guincho c/ Portugal, préc., § 32 ; 25 juin 1987, Capuano c/ Italie, préc. ; 11 octobre 2001, aff. n° 38073/97, H. T. c/ Allemagne, § 35 ; 29 juillet 2004, aff. n° 42297/98, McMullen c/ Irlande, § 38 ; 8 juin 2006, aff. 75529/01, Sürmeli c/ Allemagne, § 129.

saisie de l’affaire n’a pas contribué à retarder l’issue de la procédure. Il en est ainsi, par exemple, lorsque le juge a tardé à prendre des mesures d’instruction796 ou à transmettre un dossier ou à fixer la date des audiences797 ou d’une façon générale lorsqu’il est resté inactif pendant de longues périodes798.

181. Enjeu du litige. L’enjeu du litige pour le requérant est parfois pris en considération799. Ainsi, plus l’enjeu de l’affaire est important pour l’intéressé, plus stricte sera l’appréciation de la durée de la procédure. Pour apprécier cet enjeu, la Cour européenne des droits de l’homme tient compte des conséquences de l’affaire sur la vie personnelle et/ou professionnelle du requérant. La Cour européenne a ainsi estimé, dans les affaires du sang contaminé800, qu’une « diligence exceptionnelle » s’imposait aux juridictions saisies compte tenu de l’espérance de vie très courte des requérants.

182. Sanction du dépassement du délai raisonnable801. La victime d’une durée excessive de la procédure doit engager une action en responsabilité contre l’État devant les juridictions internes avant de saisir la Cour européenne. À défaut, sa requête sera déclarée irrecevable pour défaut d’épuisement des voies de recours internes802. En France, le requérant victime peut mettre en cause la responsabilité de l’État sur le fondement de l’article L. 141-1 du Code de l’organisation judiciaire aux termes duquel « l’État est tenu de réparer le

dommage causé par le fonctionnement défectueux du service public de la justice. Sauf

796 CEDH, 28 juin 1978, König c/ RFA, préc., § 104 ; 4 décembre 1995, aff. n° 17156/90, Terranova c/ Italie, série A no 337.

797

CEDH, 28 juin 1978, König c/ RFA, préc., § 110.

798 CEDH, 13 juillet 1983, aff. n° 8737/79, Zimmermann et Steiner c/ Suisse, série A no 66 ; 23 avril 1987, aff. n° 9816/82, Poiss c/ Autriche, série A no 117 ; 19 février 1991, aff. n° 12176/86, Ficara c/ Italie, série A no 196.

799

CEDH, 27 juin 1997, aff. n° 19773/92, Philis c/ Grèce (n° 2), préc. ; 23 avril 1998, aff. n° 26256/95,

Doustaly c/ France ; D., 1998, somm., p. 367, obs. S. PEREZ ; JCP G., 1999, I, 109, obs. F. SUDRE.

800

CEDH, 31 mars 1992, X. c/ France, préc. ; 26 avril 1994, Vallée c/ France, préc.

801 FLAUSS, J.-F., « La réparation due en cas de violation de la CEDH », Journ. trib. (dr. eur.), 1996, n° 25, p. 8 et s. ; du même auteur, « La "satisfaction équitable" devant les organes de la Cour EDH, Développements récents », Europe, juin 1992, p. 1 ; GOLSONG, H., « Quelques réflexions à propos du pouvoir de la Cour... d’accorder une satisfaction équitable », in Mélanges R. CASSIN, Pedone, 1969, p. 89 et s. ; COHEN-JONATHAN, G., « Quelques considérations sur la réparation accordée aux victimes d’une violation de la Convention européenne des droits de l’homme », in Mélanges P. LAMBERT, Bruylant, 2000, p. 109 et s. ; COHEN-JONATHAN, G., FLAUSS, J.-F., LAMBERT ABDELGAWAD, E (dir.), De l’effectivité des recours

internes dans l’application de la Convention européenne des droits de l’homme, Bruylant, coll. Dr. et Justice,

vol. 69, 2006, spéc. p. 87 et 125.

802

CEDH, 12 juin 2001, Giummarra c/ France ; RTD civ., 2002, p. 395, obs. J.-P. MARGUÉNAUD ; JCP, 2002, I, 105, obs. F. SUDRE ; 9 juillet 2002, Nouhaud c/ France ; JCP, 2003, I, 109, chron. F. SUDRE ; LEGROS, P. et COENRAETS, Ph., « La règle de l’épuisement des voies de recours internes et l’accès effectif à une juridiction dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme », RTDH, 1998, p. 27 et s. ; DE BRUYN, D., « L’épuisement des voies de recours internes », in La procédure devant la nouvelle Cour

européenne des droits de l’homme après le protocole n° 11, Bruylant, coll. Droit et Justice, n° 23, 1999, p. 39 et

dispositions particulières, cette responsabilité n’est engagée que par une faute lourde ou par un déni de justice ». En revanche, la Cour de cassation considère que le dépassement du délai

raisonnable ne saurait entraîner l’annulation de la procédure803. Si la réparation accordée est insuffisante, la victime peut saisir la Cour européenne des droits de l’homme. Cette saisine peut conduire à une condamnation de l’État défendeur à une « satisfaction équitable » sur le fondement de l’article 41 de la Convention, si le droit interne ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de la violation constatée. Après avoir présenté la notion de délai raisonnable, il est désormais possible de la distinguer de la notion de célérité.