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Non-réciprocité du spectre d’émission selon le sens de propagation

11.2 Effets de la non-uniformité des fibres

11.2.3 Non-réciprocité du spectre d’émission selon le sens de propagation

Pour une fibre uniforme, le désaccord de phase est le même en tout point de la fibre, contrairement au cas non uniforme. À partir du moment où nous sommes passés à une progression linéaire, l’inversion de l’entrée avec la sortie de la fibre n’est plus triviale. Nous pouvons alors nous demander si cette différenciation se retrouve dans l’émission des paires, autrement dit : l’émission est-elle différente selon le sens de propagation dans la fibre ?

Nous rappelons l’expression (11.6) du cas linéaire : Flin(ω, ω0) = π 4L|∆kL−∆k0| Erf √ −iL (2∆kL− ∆k0) 2√∆kL− ∆k0 ! − Erf √ −iL ∆k0 2√∆kL− ∆k0 ! 2 (11.7)

Comme nous l’avions déjà soulevé, Flin n’est pas symétrique par interversion de ∆k0 avec ∆kL, correspondant respectivement aux désaccords de phase en entrée et sortie de fibre. Nous nous attendons donc à ce que les spectres d’émission pour deux pentes linéaires de signes opposés diffèrent.

La figure 11.2présente le spectre d’émission simulé pour les deux sens de propagation dans une fibre de non-uniformité linéaire. Nous prenons ici pour l’entrée et la sortie des variations relative d’environ ±0.5 nm du zéro de dispersion (soit approximativement ±0.05% sur le diamètre de la fibre), de façon à percevoir distinctement l’effet de la non-uniformité sans étaler excessivement le spectre d’émission.

Par ailleurs, pour visualiser comment la non-réciprocité se traduit dans les spectres réellement mesurés, nous calculons le taux de génération en fonction de la fréquence en suivant la méthode de simulation des points expérimentaux (cf. sous-section7.4.1) et ce, pour les mêmes paramètres que ceux utilisés pour la figure 11.2. Les résultats sont présentés en figure11.3.

Nous relevons en premier lieu que le maximum du taux d’émission est bien réduit pour une fibre linéaire vis-à-vis du cas uniforme. Cependant les niveaux d’émission restent encore un peu moins d’un ordre de grandeur plus fort que ce que nous pouvons observer expérimentalement (cf. chapitre 10). Comme nous le verrons en section 13.2, le modèle linéaire est encore trop simple pour décrire le profil transverse de fibres réelles.

7. Nous noterons que l’évaluation numérique de la diminution du pic d’émission faite ici vaut pour notre fibre. La sensibilité à la non-uniformité dépend de manière générale du terme

d∆k = 2β(1)(ωp0) − β

(1)

(ωs) − β(1)(ωi) + β(2)(ωp0)(ωs+ ωi− 2ωp0)



dans le désaccord de phase décalé, de sorte que la chute du pic d’émission serait plus faible dans des fibres présentant une plus faible différence d’indices de groupe [61] 

β(1)(ω) = ng(ω)

c



CHAPITRE 11. CAS D’UNE FIBRE À NON-UNIFORMITÉ LINÉAIRE

Figure 11.2 – Terme Flinsuivant la conservation de l’énergie, pour les deux sens de propagation (courbes bleue et

rouge) dans une fibre de non-uniformité linéaire, avec un décalage de la longueur d’onde de dispersion nulle aux extrémités de la fibre de ∆λZDW = ±0.5 nm. En noir le spectre uniforme (Funi) pris au désaccord de phase moyen et

multiplié par un facteur 1

3 pour comparaison.

Figure 11.3 – Taux de génération de paires, pour les deux sens de propagation dans une fibre de non-uniformité linéaire, avec les mêmes paramètres que la figure11.2. En noir le spectre uniforme (Funi) pris au désaccord de phase

moyen, multiplié par1/3. Les spectres sont obtenus en intégrant sur des filtres de largeurs à1/eégales à 0.6 nm.

Nous notons qu’ici aussi (cf. cas uniforme en sous-section 7.4.1) un lissage du spectre vis-à-vis de la coupe de la JSI en figure 11.2 s’opère du fait des intégrations sur les filtres de détection, et tempère l’écart d’amplitude (entre uniforme et non uniforme) qu’on pouvait y observer. Toutefois, nous soulignons que la chute du maximum d’émission à λi0 = 856.5 nm, lors du passage uniforme à non uniforme, est ici bien plus forte (1/3de réduction environ pour un écart de ±0.1% entre l’entrée et la sortie de la fibre) que ce à quoi le raisonnement rapide exposé en sous-section11.2.1nous préparait (1/10 pour un écart de ±4%).

On peut observer par ailleurs que les spectres se recouvrent partiellement. Un premier réflexe serait de filtrer la zone correspondante afin de retrouver des spectres identiques pour les deux sens de propagation (au prix d’un taux de paires réduit). Toutefois, le terme Flin, comme la JSI, ne

11.2. EFFETS DE LA NON-UNIFORMITÉ DES FIBRES

porte qu’une partie de l’information : celle sur la phase de la JSA, pourtant responsable des interfé- rences à l’origine de la structure du spectre, est perdue lors du passage au module carré (de funià Funi).

Pour compléter notre description, nous traçons donc en figure11.4les parties réelles et imaginaires de flin (11.5), pour les deux sens de propagation dans une fibre de non-uniformité linéaire. À des fins de comparaison, nous faisons de même pour une fibre purement uniforme.

(a)Partie réelle de f(ω, ω0) (b) Partie imaginaire de f(ω, ω0)

Figure 11.4 – Parties réelles et imaginaires de funiet de flin pour les deux sens de propagation, suivant la

conservation de l’énergie. Les paramètres sont les mêmes que ceux de la figure11.2.

Pour le cas uniforme, parts réelles et imaginaires sont identiques pour les deux sens de propagation. L’interférence lors du passage au module carré (de funi à Funi) est alors constructive et résulte en un

pic unique et intense comme nous avons pu le voir en sous-section 7.4.1.

À l’inverse, nous retrouvons sur la figure11.4une différence distincte entre les deux sens de propaga- tion pour une fibre non uniforme. Nous voyons ici qu’un filtrage sur la plage de recouvrement des spectres, que nous pouvions identifier en figure 11.2, ne permet pas de récupérer des parties réelles et imaginaires identiques dans les deux sens de propagation. Autrement dit, le filtrage nous permet de récupérer un taux d’émission de paires identique pour les deux sens, mais pas une même JSA. Ainsi, s’il est possible de récupérer des spectres identiques en filtrant, la réciprocité d’émission alors recouvrée n’est qu’apparente : deux paires émises à un même duo de fréquence (ω, ω0), mais dans des sens de propagation opposés, n’auront pas la même phase en sortie de fibre.

Or, nous verrons dans la suite que la différence de phase selon les deux sens sera lourde de conséquences pour l’intrication des paires, opérée par l’intégration de la fibre dans un interféromètre de Sagnac.

Chapitre 12

Intrication en polarisation des paires

en présence de non uniformité

L’usage de photons intriqués trouve son intérêt dans de nombreux protocoles de traitement de l’information quantique [15], et si le processus de mélange à quatre ondes dans notre fibre permet la génération de paires de photons intriqués en fréquence, la polarisation s’avère toutefois être un degré de liberté bien plus pratique à manipuler. Une méthode répandue pour opérer l’intrication en polarisation de paires de photons consiste à placer le milieu non linéaire source dans un interféromètre de Sagnac [145,146], que nous pourrons aussi appeler boucle Sagnac. Cette méthode s’adapte très bien à une source fibrée [147] et sera à la base de l’intrication dans notre étude.

Avant de nous pencher sur les implications de la non-réciprocité d’émission lors de l’intrication des paires, nous présenterons d’abord le principe de l’interféromètre de Sagnac et comment son architecture permet l’intrication en polarisation des paires de photons.

12.1

Principe de l’intrication en boucle Sagnac

L’architecture d’un interféromètre de Sagnac consiste essentiellement en la recombinaison de faisceaux se propageant sur un même chemin optique en sens contraires : un faisceau initial arrivant sur une lame ou un cube séparateur est divisé en deux faisceaux contra-propageant venant se recombiner sur l’optique séparatrice et interférer.

L’intrication dans notre montage, dit en boucle Sagnac, reprend la même structure et tire parti du fait que l’émission de paires dans un guide d’onde peut s’effectuer dans les deux sens de propagation, tandis que l’état de polarisation des paires est linéaire et ne peut adopter que deux configurations1, perpendiculaires entre elles.

Nous présentons en figure 12.1notre montage de boucle Sagnac où peut s’intégrer notre fibre. En entrant dans la boucle, le faisceau de pompe, de polarisation linéaire, est divisé sur un cube séparateur de polarisation en deux faisceaux d’amplitudes égales : un faisceau de polarisation horizontale (H), transmis par le cube et se propageant dans le sens horaire, et un faisceau vertical (V) en anti-horaire, réfléchi par le cube. Deux lames demi-onde permettent d’orienter les deux faisceaux de pompe selon un même axe neutre de la fibre2 avant leur injection. Après propagation dans la

fibre et passage par la seconde lame, la pompe se propageant en sens horaire est alors verticale et sera réfléchie par le cube dans la direction d’entrée du faisceau initial de pompe. Les paires associées émises dans une configuration croisée (de polarisation horizontale et dont nous noterons l’état |HsHii)

seront donc transmises par le cube.

1. Nous mettons de côté ici la possibilité d’utiliser deux pompes distinctes permettant notamment d’émettre des photons de paires de polarisations différentes.

12.1. PRINCIPE DE L’INTRICATION EN BOUCLE SAGNAC

Figure 12.1 – Schéma du montage en boucle Sagnac permettant l’intrication en polarisation des paires de photons.

De manière symétrique, en sens anti-horaire le faisceau de pompe initialement vertical sera horizontal, après passage par la seconde lame demi-onde en sortie de fibre, et transmis par le cube, tandis que les paires associées, de polarisation verticale |VsVi , seront réfléchies et sortirons par la même face du cube que les paires de sens horaire.

Puisque dans notre régime de fonctionnement, au maximum une paire est émise par impulsion de pompe, lors du passage dans la boucle Sagnac il est impossible de dire selon quel sens de propagation la paire fut émise. Or chaque sens ne permet ici que l’émission de paires dans une polarisation précise (puisque nous ne les récupérons que via une face du cube). Ainsi, l’état de polarisation d’une paire est indéterminé tant qu’il n’a pas été mesuré, ce qui résulte en une intrication en polarisation effective des paires. L’état final en terme de polarisation peut se noter :

|1ωs, 1ωi =

|HsHi + |V sVi 2

Nous rappelons par ailleurs que si l’intégration en boucle Sagnac permet l’intrication en polarisation des paires, celles-ci sont dès leur génération déjà intriquées en fréquence3.

Le choix de considérer la configuration de génération en polarisations croisées n’est ici pas anodin : arrivées sur le cube séparateur, les faisceaux de pompe sortants de la fibre sont renvoyés dans la même direction que le faisceau initial, alors que les paires sortent par la dernière face du cube par laquelle aucun faisceau de pompe ne passe. Cette architecture Sagnac, proposée par [147] permet donc à la fois une extraction directe des paires et le filtrage d’une grande partie du faisceau de pompe4.

3. L’état final des paires (7.9) correspond à l’intégration, sur ωs et ωi, des états |1ωs, 1ωi. Par respect de la

conservation de l’énergie et de l’accord de phase, le terme sous l’intégrale n’est non-nul que pour certains duo de fréquences (ωs, ωi) de sorte que l’état final de la paire n’est pas factorisable, et donc intriqué.

4. Nous rappelons que la diffusion des faisceau de pompe sur nos réseaux constitue une source de bruit notable (la plus importante après le bruit Raman) dans nos mesures et fut à l’origine du choix de faire passer le faisceau de chaque voie (signal, idler) sur deux réseaux successifs.

CHAPITRE 12. INTRICATION EN POLARISATION DES PAIRES EN PRÉSENCE DE NON UNIFORMITÉ

La configuration alternative, i.e. celle dans laquelle sont relevés les paires de photons co-polarisés avec la pompe, implique que ces dernières ressortent de la boucle Sagnac par la même face du cube séparateur que les faisceaux de pompe, mais qui est surtout celle par laquelle arrive le faisceau entrant. La séparation de la pompe et des paires demande alors un dispositif à base de réseau par transmission [145]. Cette complexité supplémentaire et l’ajout d’optiques sur le trajet des paires sont autant de facteurs susceptibles d’introduire des pertes additionnelles ou une dissymétrie entre les voies signal et idler.

D’autre part, cette configuration, qui demande l’usage d’une lame demi-onde en moins, implique que les axes neutres de la fibre coïncident avec ceux de transmission/réflexion du cube séparateur. Nous notons que la référence [145] résout ce problème en appliquant une torsion de la fibre sur son axe, qui par ailleurs permet de se passer de toute lame de phase au sein de la boucle5. Si cette solution permet

de s’assurer un achromatisme dans la boucle Sagnac, elle est toutefois impraticable dans notre cas du fait que le remplissage de notre fibre demande l’usage de cuves de liquide massives présentes à chaque extrémité6.

Pour toutes ces raisons, nous choisissons d’utiliser la configuration à polarisations croisées, en notant que le chromatisme des lames demi-onde n’est ici pas très problématique vu la proximité des longueurs d’onde de paires avec celle de pompe. Le principal inconvénient de cette configuration reste que la génération en polarisations croisées est trois fois plus faible que son analogue aux faisceaux co-polarisés7.

Enfin, si l’état de Bell |HsHii + |VsVii est celui ici spontanément produit, les autres peuvent être

obtenus en usant de lames d’onde [30, 148] après sortie de la boucle Sagnac et séparation des faisceaux signal et idler par notre premier réseau. En plaçant une lame demi-onde orientée à 45◦ sur le trajet idler (ou signal), la polarisation du photon correspondant est tournée de 90◦ et nous pouvons obtenir l’état |HsVii + |VsHii (ou |VsHii + |HsVii).

En ajoutant en plus une seconde lame demi-onde, orientée de façon à ce que son axe rapide coïncide avec la polarisation horizontale, la polarisation verticale accumule un retard de phase de π/2 de

sorte qu’est obtenu l’état |VsHii − |HsVii (ou |HsVii − |VsHii). Si la première lame est retirée, l’état

résultant est alors |HsHii − |VsVii.

Pour une fibre uniforme générant de manière identique les photons dans un sens de propagation ou dans l’autre, les états des paires lors de leur recombinaison au niveau du cube interfèrent de manière constructive et le contraste de ces interférences est maximale. En dehors de ce cas de figure parfait, si les paires sont émises de manière différenciée entre les deux voies, ce contraste se dégrade.

Pour évaluer la qualité d’intrication des paires, nous introduirons dans la section suivante la visibilité

V , qui quantifie ce contraste. Comme nous l’avons vu, la non-uniformité de la fibre a justement

tendance à induire une différence entre les deux sens de propagation dans la fibre. Nous étudierons comment cette influence peut se traduire dans la visibilité et quelles solutions sont envisageables pour prévenir sa dégradation.

5. Une solution alternative consiste en l’usage d’un périscope pour induire une rotation de la polarisation [146] mais ne permet pas d’ajustement fin de la polarisation d’injection, qui s’avère ici nécessaire pour se caler sur les axes neutres de la fibre.

6. Des micro-cuves facilitant ce genre de manipulation furent développée en interne. Néanmoins leurs performances, au niveau de leur maintien au cours du temps, ne se révélèrent pas suffisantes (fuite du liquide) pour permettre un usage viable dans nos expériences.

7. En milieu isotrope, on a les composantes du tenseurs permittivité diélectrique inverse : ηiiii(3) = 3η(3)jjkk avec