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Réalisation de l’activité de veille « Recyclage »

Le communicologue et une conduite du changement pragmatique

2. Les cas de veille collaborative

2.2. Cas 1 - Communauté Veille « Recyclage »

2.2.3. Réalisation de l’activité de veille « Recyclage »

Comme pour les communautés suivantes, les activités réalisées par la communauté pour la constitution de l’infolettre sont organisées en quatre catégories : « Temps et engagement » ; « Recherche d’information » ; « Réunions » et « Rédaction de l’infolettre ». Également aux étapes de virtualisation et de compétences décrites ci-dessus, nous observons que la performance de la veille Recyclage est marquée par une concertation bien définie des

196 membres. Les veilleurs contribuent à la rédaction de l’infolettre avec des articles et des analyses, mais l’infolettre est constituée uniquement par le responsable veille Nicolas M. Les veilleurs n’ont pas de moments de rencontre ni d’échange prévu dans l’organisation de l’activité collective. Ce mode d’organisation de la communauté n’est pas prescrit par le mode d’organisation du projet Recyclage, mais a été choisi par Nicolas M., responsable veille désigné par le chef du projet. Ces caractéristiques renforcent la perception d’un régime de coopération organisée où nous observons que l’activité collective est coordonnée même si elle est marquée par un faible niveau coopération dans la réalisation de la veille.

2.2.3.1. Temps et engagement

Audrey G. considère la veille une activité chronophage et mal reconnue : « On a l’impression qui ça reste assez marginal. Et puis (…) ce n’est pas du concret... (…) c’est souvent mal vu »

[4:43b]. L’organisation du projet Recyclage prévoit qu’Audrey G. dédie entre 5% à 10% de

son temps de travail à la veille [4:35]. Le temps dédié à la veille varie selon son importance pour le projet [4:114b]. Audrey G. considère ne pas avoir un temps suffisant pour s’intéresser à d’autres initiatives liées à la veille, par exemple le Club Utilisateur proposé par l’équipe Hermès [4:99].

Le récit de Nicolas M. correspond avec celui de Audrey G., quand il dit qu’il y a « une vision de direction qui dit “(…) moi je voudrais que vous ne passiez pas plus de temps” » sur la veille [5:100]. Il considère aussi que l’engagement dans l’activité de veille dépend du temps que la direction du projet permet aux veilleurs d’y dédier. Pour le projet Recyclage, Nicolas M. est le responsable veille, activité qui occupe 30% de son temps de travail, dont 10% comprennent la constitution de la CNews [5:175]. Les autres ingénieurs-chercheurs y contribuent selon le temps qui leur est attribué pour cette activité [5:93b], [4:64]. Cette détermination du temps passé sur la veille semble être apprécié par Nicolas M. quand il dit : « il faut se mettre des limites en fait, quand on dit qu'on fait de la veille, sinon c'est infini (…) » [5:90]. Nous observons dans leurs récits que l’organisation du projet détermine le temps qu’ils passent à faire de la veille. Celle-ci est une activité chronophage, peu reconnue, au point que les limites données par le management semblent être bien appréciées par les membres de la communauté Recyclage.

2.2.3.2. Recherche d’information

Pour la recherche d’information, les veilleurs mentionnent l’utilisation de diverses sources : des articles scientifiques, des sites internet reconnus dans le domaine du recyclage, des

197 journaux en ligne, la presse, et aussi des visites à des usines et à des fournisseurs, la participation à des conférences externes et la participation à des groupes de travail internes à EDF [4:38], [4:50]. [5:69], [5:67]. Nicolas M. explique que c’est sur internet qu’ils retrouvent la majorité des informations sur le thème de recyclage, mais que la consultation des revues spécialisées est aussi nécessaire [5:194].

Les veilleurs n’utilisent pas d’outils dédiés à la recherche d’information. Audrey G. dit avoir utilisé Google Alert pour le suivi d’acteurs [4:41], mais actuellement elle ne l’utilise plus. Nicolas M. a choisi de ne pas utiliser Google Alert parce que l’outil envoie systématiquement des mails. Audrey G. a utilisé les flux d’information proposés par Hermès pour la veille réalisée dans un ancien projet. Pour la veille sur le recyclage, Hermès n’est utilisé par aucun des veilleurs pour la recherche d’information [4:134], [5:185], [5:201], [5:71].

Pour la recherche d’information sur internet, Nicolas M. insère des mots-clés sur Google et, une fois trouvés des articles importants, il vérifie cette même information sur différents sites pour garantir qu’il n’y a pas de différences ou des erreurs [5:79]. Audrey G. explique qu’elle fait la recherche et la synthèse des articles qui sont envoyés à Nicolas M. [4:36]. La sélection des informations est reléguée à l’éditeur de la CNews, parce qu’Audrey G. considère qu’elle n’a pas la connaissance du domaine nécessaire pour le faire [4:116b]. Celui-ci va sélectionner les contributions des veilleurs qui vont à la fin constituer le numéro de la CNews. La phase de recherche d’information ne semble être objet d’aucune coordination collective, ni dans le choix des sources ni dans celui des outils utilisés.

2.2.3.3. Réunions

La communauté Recyclage ne réalise pas de réunions avec ses membres pour discuter de la CNews. Nicolas M. explique qu’ils se voient « deux, trois fois par an, pour le projet. Là on en discute à chaque fois, on discute de la CNews un petit peu, pendant les revues de projet »

[5:114]. Audrey G. dit qu’ils participent déjà à plusieurs réunions et « qu’en rajouter (…)

pour discuter des articles, ça fait un peu beaucoup » [4:61]. Dans l’ancien projet où Audrey G. travaillait, le management a reproché la réalisation des réunions du comité éditorial de leur lettre de veille parce que ces réunions prenaient beaucoup de leur temps de travail [4:130].

La concertation du travail collectif est réalisée par Nicolas M.. Occasionnellement, il contacte les contributeurs de la communauté pour préciser les sujets dont il aura besoin pour le prochain numéro de la CNews. Mais il avoue que « peut-être il faudrait qu'on se parle un peu

198 plus entre nous...mais c'est une question de temps » [5:202b]. Audrey G. exprime aussi le souhait d’avoir des moments de concertation : « On a eu ce vœu, ce souhait. Mais en fait, comme je vous ai dit, c’est peut-être par manque de temps, mais il n’y a pas vraiment de concertation, il n’y a pas de comité de relecture comme on aurait voulu faire, enfin dans l’activité recyclage » [4:129], [4:135].

Audrey G. explique que la plupart des contributeurs de la CNews travaillent dans le même couloir, alors les échanges passent non seulement par mail, mais aussi par des rencontres informelles [4:54], [4:51], [5:187]. Étant donné qu’un des contributeurs travaille dans un autre centre de recherche, les échanges, dans ce cas, sont faits soit par téléphone soit par mail [4:57].

2.2.3.4. Rédaction de l’infolettre

Pour la rédaction de l’infolettre, Audrey G. décrit la procédure suivie par les veilleurs de la communauté : « chaque contributeur (…) sélectionne des articles, les synthétise et puis après il y en a un qui est considéré comme le rédacteur en chef qui sélectionne les articles qui lui semblent les plus pertinents » [4:131], et il « rentre ces articles sur Hermès pour ensuite générer la CNews » [4:50b]. Le rédacteur en chef, Nicolas M., est le seul en charge « de cette sélection d’articles, de veiller à ce qu’on n’a pas mis deux fois le même article, qu’on n’a pas remis un article qui a été déjà apparu les fois précédentes » (4:131).

Dans l’organisation du projet sur le recyclage, chaque ingénieur-chercheur s’occupe d’un sujet spécifique. Pour la CNews, ils contribuent avec des billets au sujet sur lequel ils travaillent [5:207]. Cette division des sujets entre les veilleurs et l’absence de comité rédactionnel font que seul Nicolas M. est « au courant de tout », parce que lui est le responsable de la synthèse de toutes les contributions pour constituer la CNews. Il est le seul à être considéré comme le référent sur le sujet de recyclage, et non les autres veilleurs de la communauté [5:174].

Après la publication d’un numéro de la CNews, Nicolas M. écrit aux contributeurs pour annoncer le délai de l’envoi de leurs contributions pour le prochain numéro. Quinze jours avant la date de publication, Nicolas M. recontacte les veilleurs pour recevoir leurs billets. Il sélectionne les contributions qu’il utilisera pour la CNews, il les synthétise, voire il réécrit les textes [5:39]. Ensuite, il les intègre sur Hermès, publie l’infolettre [5:105] et l’envoie par mail

199 à la liste de diffusion. En cas de doutes sur les textes envoyés par les veilleurs, Nicolas M. éventuellement les contacte pour en discuter [5:182].

Hermès est utilisé uniquement par Nicolas M. pour créer l’infolettre : « donc je l'utilise pour la mise en forme, pour lancer la recherche de billets pour voir si je n’ai pas à réécrire un billet que j'ai déjà fait. Je l'utilise pour la gestion de mes billets quoi ». [5:181], [5:197] Nicolas M. a décidé que les veilleurs n’écriraient pas leurs billets directement sur Hermès, car il considère que ce serait une perte de temps pour eux : « s'ils les écrivent directement sur Hermès, ils vont ne pas être uniformes, des petits détails. Et ça veut dire que je vais devoir, de toute façon, aller dans chaque billet, un par un, de toute façon corriger les fautes, corriger la mise en forme, corriger tout. » [5:144].

Cette procédure de rédaction de l’infolettre, centralisée sur le rôle de Nicolas M., n’est pas appréciée par tous les contributeurs. Emma D. a protesté quand Nicolas M. a sélectionné six des dix textes qu’elle avait envoyés sans justifier son choix [5:110]. En effet, il ne considère pas nécessaire de justifier ses choix auprès des contributeurs parce qu’il est le responsable de la veille recyclage. Par contre, il reconnait qu’un moment de concertation de la communauté pour le choix des sujets qui constitueront l’infolettre serait nécessaire [5:112].

Nous observons que les veilleurs contribuent avec des textes, mais que c’est l’éditeur qui constitue la CNews. Les veilleurs ne coopèrent directement dans aucune étape de la production de l’infolettre. Ils partagent des textes par mail, mais ils ne participent pas à la construction de l’infolettre, ni à travers des réunions ni à travers un outil comme Hermès, par exemple. Nicolas M. a choisi cette procédure dans une tentative de simplifier l’activité de veille, dont il est le responsable. Néanmoins, il considère que le niveau de collaboration dans la communauté Recyclage pourrait être amélioré [5:42], et que les veilleurs pourraient écrire leurs billets directement sur Hermès [5:206], [5:198]. Nicolas M. semble vouloir changer le mode d’organisation de la communauté : « je pense que (…) ça devrait fonctionner autrement. (…) on pourrait essayer d'instaurer ça. Alors, là, c'est déjà trop tard pour la prochaine, j'ai déjà reçu des billets, pour la dernière CNews quasiment87. Mais à partir de l'année prochaine (…) on pourrait commencer à dire (…) pour le prochain numéro de la CNews que tous les contributeurs écrivent directement leurs billets sur Hermès » [5:211].