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La veille collaborative et Hermès

1. Panorama de la veille collaborative

1.2. La veille en entreprise

1.2.1. Définitions de la veille

De même que le rapport Marte (1994), cité ci-dessus, a marqué l’histoire de l’intelligence économique en France, la publication de l’AFNOR « Prestations de veille et prestations mise en place d’un système de veille » (1998) est une importante référence dans le domaine de la veille. Cette norme a été publiée avec deux objectifs : « faciliter la relation entre le prestataire interne ou externe à l'entreprise et le client par une terminologie commune, un descriptif de l'offre, une clarification des rôles ou des engagements respectifs ; contribuer à une amélioration de la qualité des prestations » (AFNOR, 1998, p. 1). Dans ce document, la veille est définie comme une « activité continue et en grande partie itérative visant à une surveillance active de l’environnement technologique, commercial, etc. pour anticiper les évolutions » (ibid., 1998, p.6).

Carlier (2012, p. 74) définit la veille comme étant « une activité transversale, dont l'objectif est de trouver des informations spécifiques sur des thématiques ou des axes définis par la direction de l'entreprise ». Balmisse et Meingan (2008) priorisent dans leur définition le lien entre la veille et la prise de décisions. Ils précisent que les informations cherchées par la veille sont « à caractère stratégique ou opérationnel, sur l'évolution de l'environnement pour viser la pertinence des processus de décision à court et moyen terme ».

Hermel (2007) définit la veille comme un état « de vigilance permettant la collecte, l'exploitation et la diffusion sélectives et permanentes d'informations sur l'environnement

60 d'une organisation sous tous ses aspects (économiques, juridiques, culturels, sociaux, historiques, écologiques...) ». Il nous semble que les définitions ici retenues sont complémentaires dans le sens où elles ajoutent à la surveillance itérative de certains aspects de l’environnement de l’entreprise, la précision que les informations à retenir doivent être liées à des stratégies ou axes définis par la direction de l’entreprise et qu’elles participeront à des processus décisionnels. En plus de la surveillance, la veille comprend la collecte, l’exploitation et la diffusion de l’information.

Selon Odumuyiwa et David (2012, p. 194), les questions qui sont au cœur de l’Intelligence économique sont : « Comment peut-on comprendre son environnement, autrement dit comment maîtriser les informations afférentes ? Comment peut-on extraire des connaissances qui mènent à l’action à partir des informations dont on dispose ? ». La recherche, collecte et l’interprétation d’informations servent de base pour la prise de décision et l’action. Parallèlement, la veille est positionnée par ces auteurs comme une « écoute anticipative de l’environnement » économique, social, technologique, culturel, etc., qui permet d’identifier de possibles ruptures.

La veille est considérée à la fois comme une activité-clé (Balmisse et Meingan, 2008) et comme un processus en soi (Carlier, 2012, p. 78) toujours liée à la stratégie de l’entreprise. Au début des années 1990, deux catégories de veille existaient : la veille concurrentielle et la veille technologique (Balmisse & Meingan, 2008). Depuis, la démarche de veille s’est étendue à d’autres catégories, comme les veilles réglementaire, juridique, stratégique, managériale, sociétale, bibliographique, sectorielle, commerciale, fournisseurs, entre autres.

1.2.1.1. Le système de veille

Selon la norme de l’AFNOR (1998, p. 6), un système de veille serait un « ensemble structuré réunissant les compétences répondant à des besoins de veille ». La volonté de la direction et l’implication des collaborateurs sont présentées comme deux conditions nécessaires pour la mise en place d’un système de veille. Cette norme propose dix phases pour la mise en place d’un système de veille : sensibilisation des collaborateurs ; connaissance approfondie de l’entité ; définition des enjeux à court, moyen et long terme ; traduction en axes de veille ; diagnostic des pratiques existantes liées à la veille ; recensement des sources d’information sollicitées régulièrement ; évaluation des écarts entre la situation actuelle et la situation souhaitable ; recommandations ; mise en place du système de veille ; et accompagnement. La

61 culture, la taille et le secteur d’activité de l’entreprise sont des éléments qui peuvent influencer la mise en place du système de veille.

Le système de veille peut être organisé, selon Hermel (2007), selon deux formes différentes : système concentré : « une cellule de veille centralisée, comprenant plusieurs personnes à temps plein, située le plus près possible de la fonction stratégie de l'entreprise » ; système réparti : « une veille basée sur un réseau de correspondants (temps partiel) et animée par un responsable de veille à temps plein. On peut également avoir une veille gérée par projet et groupe de travail (temps partiel) » (Hermel, 2007). L’auteur suggère que ces deux types d’organisation peuvent cohabiter dans une même entreprise, et que le choix du (des) système(s) dépend des objectifs fixés pour chaque veille.

Dans les années 1990, la veille était plus fréquemment organisée sous forme de cellules de veille. Elles concentraient tous les veilleurs de l’entreprise ainsi que l’ensemble d’activités du cycle de la veille, « sous la coordination d'un responsable de la veille » (Balmisse et Meingan, 2008, p. 18). Pourtant, une vision plus flexible est défendue par Rouach (1996). L’auteur valorise un mode d’organisation réparti et flexible de la veille technologique, pour que les flux d'information et de communication circulent à travers l’entreprise. Selon Rouach (1996, p. 20), la culture de l’entreprise devrait être participative, pour « que tous les niveaux hiérarchiques soient impliqués dans la veille et qu'un bon système de motivation des employés soit établi ».

En ce qui concerne les modes de recherche d’informations, Hermel (2007) présente deux approches de veille, une passive et l’autre active. La veille passive serait l’écoute « de tous les signaux de l'environnement sans axe précis » (Hermel, 2007, p. 95). Les objectifs de la veille passive seraient présentés à l’ensemble de l’entreprise. Pour motiver l’ensemble des salariés à participer à cette veille, l’auteur mentionne le besoin de mise en place d’un système de collecte d’information efficace « associé à un système permettant un retour individualisé sur chaque apporteur d'information » (ibid., 2007, p. 16). Moinet et Darantière (2007, p. 99) catégorisent le mode de fonctionnement de la veille qui s’adresse à l’anticipation ou à la pro-action comme des « cycles longs », qui correspondent à la catégorie veille passive pour Hermel (2007).

D’autre part, la veille active aura des objectifs de recherche d’information bien définis, nécessaires à la fois pour la résolution d’un problème précis. Celle-ci consiste en la

62 « surveillance de l'environnement focalisée sur ce que l'on suppose a priori important et stratégique pour l'entreprise » (Hermel, 2007, p. 95). Dans la définition de Moinet et Darantière (2007), les cycles courts d’alerte et de réaction correspondent à la veille active d’Hermel (2007). Ces deux approches de la veille, passive et active, ou cycle court et cycle long devraient coexister.

Le système, ou dispositif, de veille évolue quant à sa maturité et à celle de l’entreprise. Balmisse et Meingan (2008) proposent que cette évolution passe par trois époques identifiées. L’époque de l’information, où la veille vise à fournir « des informations sur l'évolution des technologies et les actions des concurrents » (ibid., 2008, p.67) aux responsables de l’entreprise, partageant les résultats à travers des lettres périodiques (newsletters). L’époque de la gestion, quand la veille commence à faire partie des processus opérationnels et à contribuer « à optimiser la gestion des opérations » (ibid., 2008, p.67), en produisant des documents de synthèse à partir d’informations du terrain et d’une analyse collaborative. À cette époque, « la mise en place d'un progiciel de veille avec des fonctionnalités de collecte, d'analyse et de mise à disposition prend tout son sens et devient acceptable par l'organisation » (Balmisse et Meingan, 2008).

Enfin, l’époque de l’action qui « se traduit par l'organisation volontariste d'une consolidation des informations de veille afin de réaliser des actions offensives en direction des concurrents, fournisseurs, instances gouvernementales » (Balmisse et Meingan, 2008). Ici la veille participe à la formation de l’intelligence économique. Indépendamment des choix faits au moment de la mise en place du dispositif, Hermel (2007) suggère que des audits du système de veille devraient être réalisés régulièrement. Ces audits permettent de vérifier la performance de son organisation et de proposer des améliorations le cas échéant.

1.2.1.2. Les acteurs de la veille en entreprise

En suivant la norme AFNOR (1998), nous pouvons dire qu’une prestation de veille met en relation un prestataire et un client. Ce dernier peut être le « consommateur final, l’utilisateur, le bénéficiaire ou l’acheteur » (AFNOR, 1998, p. 5) de la prestation. Le processus de veille assuré par le prestataire aurait comme acteur principal le veilleur, défini par la norme comme étant la « personne qui dans un environnement professionnel est chargée d’assurer des fonctionnalités d’un système de veille » (AFNOR, 1998, p. 6). Vu que le système de veille regroupe plusieurs fonctionnalités, nous en surlignons deux rôles importants que le veilleur peut assumer : le capteur : « élément humain ou technique d’un système de veille chargé de

63 collecter et transmettre des signaux correspondant généralement à un axe de surveillance identifié » (AFNOR, 1998, p. 4), et l’observatoire : « centre de regroupement et d’analyse de données qualitatives et quantitatives relatives à une problématique particulière pour en suivre les évolutions » (AFNOR, 1998, p. 6).

Étant donné que la définition de veilleur laisse ouverte le type de fonction qu’il peut y avoir dans le processus de veille, d’autres auteurs précisent les profils qui y participent : le responsable de la veille, l'observateur, l'expert, les demandeurs, et le comité de veille (Balmisse et Meingan, 2008). Le responsable de la veille aurait la responsabilité de coordination de l’ensemble de l’activité de veille et de ses acteurs, ainsi que de l’animation et de l’entretien de la motivation des veilleurs.