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3- Chaque nouvelle forme d’action collective émerge d’un contexte d’actions collectives anciennes

2.4. LA FONCTIONNALITE D’UN PRODUIT D’ARTISANAT D’ART D’ART

2.5.4. Expérience sous l’angle du Comportement de Consommateurs Consommateurs

2.5.4.4. Réaction émotionnelle de l’individu sur le lieu d’achat

Avant de parler d’une réaction émotionnelle du consommateur dans le contexte du marketing, il est nécessaire de fournir quelques définitions de base.

Dans la littérature, les psychologues sont d’accord sur l’aspect subjectif des émotions, c’est-à-dire sur «l’état affectif, donc comportant des sensations appétitives ou aversives, qui a un commencement précis, lié à un objet précis, et qui possède une durée relativement brève» (Kirouac, 1989, p.19). On reconnaît donc l’existence d’un processus qui est déclenché par un événement, voire un objet, et qui se traduit en comportement émotionnel de la part de l’individu.

C’est seulement dans les années 80 qu’on commence à étudier explicitement les émotions qui sont engendrées par des stimuli (Batra et Ray, 1986; Aaker et al., cité par Huang, 2001). Ainsi, notre consommateur réagit d’une manière émotionnelle face à un stimulus qu’on lui propose sur le lieu d’achat (par exemple, la joie qu’il ressent quant il se trouve face aux fruits qu’on lui propose à la dégustation). Est-ce que les stimuli sur le lieu d’achat expérientiel sont aussi les déclencheurs des émotions du consommateur? Et est que ce serait pareil dans le marketing des expériences? Finalement, est-ce que les stimuli déclenchent les mêmes types d’émotions dans les deux approches du marketing?

Toujours d’après les psychologues, les émotions se situent sous le concept d’affect (Kirouac, 1989, p.18). D’après Derbaix et Pham (1991), les émotions sont à considérer comme un type distinct «…de l’affect, en se différenciant parmi les préférences, les attitudes et les appréciations…» (p. 327). Chaque consommateur est considéré comme un individu à part entière avec ses propres réactions émotionnelles. Il est difficile de prédire les réactions émotionnelles du consommateur par rapport à ce qu’on lui propose sur un marché. Par contre, nous savons que nous pouvons prédire les attitudes du consommateur via des émotions dans un magasin (Allen, cité par Graillot, 1998; Neo et Murrell, cité par Graillot, 1998). Par conséquent, la réaction émotionnelle de la part du consommateur sur le lieu d’achat pourrait être considérée comme une variable du contrôle d’une offre proposée sur le marché.

Il règne une confusion dans la littérature quant à la définition précise de la

«réaction affective» (Batra et Ray, 1986; Derbaix et Pham, 1989; Lichtlé et Plichon,

2003) - c’est-à-dire l’expressivité émotionnelle du consommateur qui se trouve en face d’un événement, voire d’un objet ou autre déclencheur -, et surtout quant à l’évaluation des effets (Pieters et Van Raaij, 1988).

D’après Derbaix et Pham (1989), le mot «affectif» se définit «…comme la résultante activité cognitive consciente» (p.73). Et c’est à ce moment que les choses se compliquent, car il y aurait un processus préalable, réfléchi et évaluatif, qui se développerait lors de la confrontation du consommateur aux stimuli sur le lieu d’achat. Sa réaction «affective» serait alors le résultat de tout un déroulement en cours «…des activités cognitives» (Kirouac, 1989: p.19) qui se baserait sur «…des expériences conscientes…» (Westbrook, 1987, p.259), ayant une influence sur le système mental du consommateur. Ces expériences conscientes (Westbrook, 1987) se réfèrent à l’état émotionnel de l’individu lors de la confrontation des phénomènes mentaux en général. Le consommateur «reconnaît» certains stimuli d’une manière émotionnelle, car il les a déjà vécus. Cela veut dire que même si le consommateur se rend sur le lieu d’achat dans un certain état émotionnel préalable, les stimuli seront capables de réorienter le comportement émotionnel (Kirouac, 1989; Pieters and Van Raaj, 1988) vers d’autres objets, donc vers d’autres produits ou services.

Dans la littérature, nous trouvons clairement la distinction entre un processus affectif et un processus cognitif (Zajonc, cité par Kirouac, 1989;

Hirschmann et Holbrook, cité par Erevelles, 1998; Batra et Ahtola, cité par Erevelles, 1998, Russell, cité par Mattila et Wirtz, 2000; Ajzen, 2001; Bower, cité par Adaval, 2001; Forgas, cité par Adaval, 2001; Isen et al., cité par Adaval, 2001). La question est: quelle est alors le véritable déclencheur des émotions dans le contexte du marketing expérientiel et dans celui du marketing des expériences? Une activité cognitive119 qui serait «…la cause nécessaire» (Kirouac, 1989, p.46) d’une réaction émotionnelle? Ou est-ce qu’un stimulus pourrait aussi être considéré comme un déclencheur d’un simple processus affectif, donc «…indépendant de l’analyse cognitive» (Kirouac, 1989, p.46)?

119 L’activité cognitive est souvent appelée «évaluation» (Kirouac, 1989) dans la littérature psychologique. Il s’agirait d’une sorte de jugement mental de la réaction émotionnelle qui devrait suivre à une intervention avec l’environnement. Par contre, nous aurions toujours besoin des mécanismes cognitifs pour une évaluation émotionnelle (Kirouac, 1989).

D’après Ittelson (1973), «le premier niveau de réponse à l’environnement est d’ordre affectif et l’influence de l’atmosphère n’est pas toujours perçue par l’individu de manière consciente» (p. 5). Nous retrouvons l’idée de la perception individuelle, celle du consommateur qui se trouve confronté au cadre du lieu d’achat expérientiel dans notre modèle (figure 3). La réaction émotionnelle de l’individu est alors dépendante de l’offre du marché (Machleit et Mantel, 1999; Carù et Cova, 2006), car le consommateur ne peut que réagir d’une manière affective face aux stimuli qu’on lui propose. L’offre du lieu d’achat ne cherche pas forcement une réaction consciente du consommateur. Mais ceci reste encore à confirmer par la littérature.

Au contraire, pour le marketing des expériences, la réaction émotionnelle est indépendante de l’offre du marché. Les émotions pourront même découler de véritables sentiments120. Nous pouvons imaginer qu’il y a un réel intérêt pour les expériences antérieures, voire pour les sentiments qui se traduisent en réactions émotionnelles qui sont basées sur un processus cognitif. Comme dans le cas d’un consommateur qui voit des sentiments ressurgir quand on lui propose un produit qui lui rappelle son enfance ou un autre événement le transposant à une autre période de son passé. D’ailleurs, le marketing de nostalgie121 (Holbrook et Schindler, 1991;

Hirsch, 1992; Holak et Havlena, 1992; Holbrook, 1993; Holbrook et Schindler, 1996;

Holak et Havlena, 1998; Holbrook et Schnindler, 2003) et de l’authenticité122 (Cova et Cova, 2002) pourront, en découler. Cova et Cova (2002) parlent même d’«…une

120 D’après certains auteurs dans la psychologie, les sentiments permettent

«…de décrire tout état interne rapportable…» (Kirouac, 1989, p.19). Les sentiments peuvent se traduire en réactions affectives, sous forme consciente (comme «…les perceptions plaisantes ou déplaisantes» (Kirouac, 1989, p.19), ou sous forme «…de stimulations organiques aversives ou appétitives…» (ibid). Nous savons aussi que les sentiments se basent sur des expériences antérieures (Kirouac, 1989).

121 Holbrook and Schindler (1991) «…ont définit la nostalgie comme une préférence vis-à-vis d’un objet (des autres individus, des endroits ou encore des objets) qui ont été communs (populaire, à la mode ou encore souvent utilisé) quand on était plus jeune (jeune adulte, préadolescence, dans l’enfance ou même avant la naissance)» (p.330).

122 D’après Cova et Cova (2002), ce courant «… se traduit au jour le jour par une recherche d’expériences, une hiérarchie des goûts et des valeurs qui glissent, non seulement du global vers le local, mais aussi du futur vers le passé» (p.34).

recherche d’expériences» (p. 34) basée également sur le passé, donc sur des véritables sentiments liés au passé.

D’après Thompson (2005), l’aspect émotionnel ne représente qu’une seule variable parmi d’autres, dans le processus d’apprentissage de mémorisation. D’où l’importance de s’être également basé sur la variable cognitive dans la dimension émotionnelle de la conceptualisation du marketing des expériences.

Cette distinction entre une réaction affective et cognitive, dans le marketing des expériences, et une réaction purement affective, dans le marketing expérientiel, constitue la grande différence dans la dimension émotionnelle entre ces deux approches du marketing. Elle est aussi reprise d’une manière générale par Lichtlé et Plichon (2003): «les états affectifs ressentis dans un contexte marketing peuvent soit être propres à l’individu, soit être provoqués par les stimuli marketing, c’est-à-dire par le contexte marketing» (p.8). En se référant à notre modèle précédent, représentant le processus du vécu du consommateur sur le lieu d’achat expérientiel (figure 3), le contexte serait ici notre cadre de lieu d’achat expérientiel, dans lequel les stimuli proposés au consommateur serviront de déclencheurs émotionnels qui se traduiront en émotions affectives, donc en comportement.

Au contraire du contexte du marketing des expériences, où les émotions sont propres aux consommateurs, les émotions ici sont plus profondes et il y a la nécessité de «se rappeler» pour reconnaître le produit ou le service. La reconnaissance du produit ou du service implique la création d’un lien entre ce à quoi le consommateur est confronté et la recherche du souvenir correspondant dans le passé. Reste encore que le consommateur veuille bien construire ce lien et, à ce moment, ajouter de la valeur123 à la relation émotionnelle entre le produit ou le service et son souvenir.

D’après Pieters et Van Raji (1988), il existe des états émotionnels qui se laissent difficilement influencer par des stimuli, comme c’est le cas pour les individus qui se rendent de bonne ou de mauvaise humeur sur le lieu d’achat. Ceci serait à prendre en compte dans les deux approches du marketing, en écartant d’entrée ce

123 Pas simplement une valeur utilitaire au produit ou au service, mais surtout une valeur hédonique (Babin, Darden et Griffen, 1994) qui serait évoquée lors de la confrontation au contexte précis qui réveillerait un souvenir dans le passé par exemple.

type d’émotions dans l’analyse des opportunités. Reste encore à savoir bien les identifier, toujours en gardant en mémoire le contexte du marketing correspondant.

Si l’on se réfère à notre modèle qui essayait d’illustrer le processus même du vécu du consommateur sur le lieu d’achat expérientiel (figure 3), nous pensons que les expériences antérieures (donc de type sentimental) n’interviennent pas directement sur le lieu d’achat, dans le contexte du marketing expérientiel.

Une autre différence entre ces deux approches du marketing, dans la dimension émotionnelle, se situe dans la durée même de la réaction affective (Zajonc, cité par Kirouac, 1989; Derbaix et Pham, 1991): les sentiments124 durent en général plus longtemps que les émotions. Prenons l’exemple de l’émotion suivante, la surprise, qui elle-même est considérée comme un réflexe (Kemper, cité par Derbaix et Pham, 1991): difficile de savoir combien de temps l’état émotionnel de la surprise durera quand le consommateur se trouve sur un lieu d’achat qui lui est peut-être encore inconnu. Mais l’émotion, la surprise125, durera sûrement moins longtemps qu’un sentiment d’amour qui influencera, parmi d’autres réactions émotionnelles, son comportement sur le lieu d’achat. Au contraire, dans le contexte du marketing des expériences, les réactions émotionnelles sur le lieu d’achat devront durer plus longtemps, car nous nous basons directement sur des expériences antérieures et donc sur les émotions d’un type plus profond par rapport à celles sur le lieu d’achat dans le contexte du marketing expérientiel. Prenons l’exemple de l’espace d’achat autour de la période de la Saint-Valentin: c’est une parfaite illustration d’un lieu d’achat expérientiel, car une offre spécifique (qui est certes basée sur l’idée des véritables sentiments, mais pas recherchée comme réaction affective sur le lieu d’achat par le producteur de l’offre) est proposées au consommateur et c’est à lui de réagir d’une manière affective sur ce lieu.

La durée des réactions affectives dépend donc du type d’émotions, mais, en se basant uniquement sur la littérature126, il est difficile de discuter la véritable

124 Pradine (cité par Derbaix et Pham, 1991) distingue les sentiments des émotions, car ces dernières sont «…extrêmes, voire explosives par leur nature» (p. 328).

125 D’après Vanhamme (2001), la surprise est de «…courte durée» (p.3).

126 Car il manque encore une nette distinction entre les deux approches du marketing dans la littérature. Par conséquent, il y a absence d’une discussion explicite de la

durée des émotions quand elles s’expriment soit sur le lieu d’achat dans le contexte du marketing des expériences, soit sur celui du marketing expérientiel. Par conséquent, nous ne pouvons pas considérer, ici, la durée des réactions émotionnelles comme une véritable variable de distinction entre les deux approches.

Pour conclure, après cette revue de littérature dans le domaine des émotions, nous pouvons donc déduire que le producteur de l’offre pourrait considérer les émotions antérieures du consommateur comme une variable parmi d’autres pour la conception de son offre dans le concept du marketing des expériences. Par contre, on ignore complètement ce type d’émotions sur le lieu d’achat dans le contexte du marketing expérientiel. Finalement, le marketing expérientiel se base uniquement sur un processus affectif lors de la réaction émotionnelle sur son lieu d’achat, mais écarte le processus cognitif dans son offre.