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3- Chaque nouvelle forme d’action collective émerge d’un contexte d’actions collectives anciennes

2.3.3. Le processus de perception de l’expérience esthétique

2.3.3.2. Beauté et jugement

Ici, nous discutons le lien entre la beauté et le jugement de la beauté par le client qui regarde le produit d’artisanat d’Art.

Les composantes, comme les préférences aimer ou ne pas aimer un objet, trouver du plaisir (Reber et al., 2004), ont été étudiées pour juger si l’homme trouve un objet beau ou pas. D’après ces auteurs, la beauté n’est pas liée à la valeur esthétique d’un objet. Ils donnent l’exemple d’une peinture qui a une valeur esthétique, mais sans jugement de beauté, en passant par les tests d’appréciation de la beauté de la part des individus. Un produit d’artisanat d’Art peut alors être jugé comme esthétique sans forcément que le client le trouve beau. Ainsi, il y a une distinction dans le jugement entre la beauté et l’esthétique d’un produit d’artisanat d’Art de la part du client. Aussi, un écart entre une proposition esthétique de la part d’un artisan d’Art à travers le produit et la perception de beauté du produit par le client peut exister. Le client peut trouver le produit simplement beau quand l’artisan voulait peut-être souligner, lui, l’aspect esthétique dans la fonctionnalité même du produit.

La beauté et son jugement, voire son appréciation esthétique sont alors à regarder de nouveau comme des indications faisant partie ou pas du processus d’interprétation interindividuelle du client d’un produit d’artisanat d’Art. Ce qui nous renvoie aussi aux expériences esthétiques (Reber et al., 2004). Ici, ils sont vus comme une fonction de perception d’un individu. D’après les mêmes auteurs, lorsque l’homme procède à une évaluation de l’esthétique, il s’agit d’une expérience subjective. Or, l’évaluation d’un objet s’intègre ainsi au sein des expériences subjectives (Reber et al., 1998). L’appréciation esthétique par le client d’un produit d’artisanat d’Art est alors inconnue de celui qui le propose à l’achat. Par contre, nous savons que ce type de jugement d’un individu est fortement lié à une dimension

affective70. L’origine de la source d’un ressenti esthétique ou de la beauté est cependant inconnue pour l’instant. Les études psychologiques nous apprennent seulement qu’il existe des liens entre les opérations mentales face aux significations des stimuli et leur relation avec des connaissances sémantiques (Winkielman et al, 2003). Mais, nous ne savons pas en quoi ils consistent ici.

Bourdieu (1979) dit que le bon goût est considéré comme légitime. Selon lui, ses véritables origines sont dans la classe socioprofessionnelle de l’homme.

C’est-à-dire qu’un individu qui a grandi dans une classe sociale de type moyen, par exemple, a reçu une certaine éducation au niveau de l’appréciation de l’esthétique.

Même s’il change de classe socioprofessionnelle par la suite, la base de connaissances de ce que le client ressent depuis ses origines, de l’esthétique, reste la même.

Le plaisir du goût que le client peut retrouver en regardant un produit d’artisanat d’Art est perçu comme sensuel d’après Gronow (1997). Selon cet auteur, l’histoire illustre que l’appréciation de l’esthétique depuis l’angle sociologique fait partie d’une étiquette sociale, d’un savoir-vivre au sein de la bonne société. Il cite par exemple les aspects corporels et sensoriels de l’appréciation de ce qui convient ou pas concernant la tenue en tant que comportement formel à table. C’est en passant par une approche hédonique de la consommation que la sociologie (Bourdieu, 1979) s’intéresse à l’appréciation esthétique au sein de la société. D’après Bourdieu (1979), c’est le «lifestyle». C’est un certain style de vie qui explique le niveau de l’appréciation esthétique de la part d’un individu. L’industrie propose des substituts aux nouvelles classes socioprofessionnelles, on les nomme «les produits et services symboliques»71 dans la littérature. C’est en passant par ces produits et services que le client illustre son style de vie.

L’évolution d’une hiérarchisation des classes socioprofessionnelles dans l’appréciation de masse en passant par l’esthétique a été étudiée par Lipovestky (1994). La majorité des références traitent avant tout de l’appréciation esthétique dans le domaine de la mode (Gronow, 1997). D’ailleurs, Blumer (1998) traite aussi le phénomène de l’appréciation de masse qu’il considère comme la formation d’un fait

70 Ibid.

71 Ibid.

collectif. L’appréciation de l’esthétique pour la majorité des clients (en masse) se trouve aussi sous le terme d’appréciation du «kitsch» dans la littérature (Gronow, 1997). Ici, nous ne nous intéressons pas à l’appréciation esthétique d’un produit d’artisanat d’Art qui est destiné à la masse mais plutôt à l’appréciation de l’esthétique du produit en passant par le regard du client qui se trouve au sein du monde de l’artisanat d’Art.

Regardons donc en quoi la perception sensuelle (Gronow, 1997) du goût consiste. D’après Kant (2004), le goût et l’odeur sont perçus comme subjectifs dans l’appréciation de l’esthétique par l’homme. Le débat autour de l’esthétique sous l’angle de la sociologie ressemble à ce que nous pouvons trouver aussi en Marketing expérientiel72. Les illustrations passent par la perception des sens humains (goût, odeur, etc.). L’impact de la perception de sens combinés ou même isolés est étudié en fonction de l’appréciation du goût qui est partiellement assimilé à l’esthétique (Gronow, 1997) au niveau de la sociologie. Mais ceci ne nous indique pas quelle est la véritable perception esthétique du produit à travers le regard du client. Et nous ne nous intéressons pas à l’analyse des différents sens combinés ou isolés pour comprendre l’appréciation esthétique du produit ici. En effet, c’est plus en passant par des interactions symboliques diverses que les sens humains seront mobilisés et expérimentés pour les traduire en actions sociales de la part du client d’artisanat d’Art. Ainsi, le client donne son appréciation esthétique sur le produit.

C’est donc un ensemble de sens humains qui est activé pendant le processus d’interprétation du client. Et ce construit définit en quoi le produit est perçu comme esthétique ou pas par l’homme au sein du monde de l’artisanat d’Art. Par conséquent, nous nous intéresserons aussi à comment le client arrive à ce construit de l’appréciation esthétique. Faut-il passer par un jugement personnel, influencé - et s’il est influencé, par qui, et comment - pour que le client arrive à ses conclusions en termes d’avis esthétique sur le produit?

Quelle est l’appréciation esthétique du produit d’artisanat d’Art à travers le regard du client?

Quel est le processus d’interprétation pour arriver aux conclusions esthétiques en passant par le regard de l’homme?

72 Voir les débats détaillés dans le chapitre concerné.

Pour comprendre le lien entre l’esthétique et le jugement qui passe par l’expérience, définissons d’abord de manière générale le mot expérience: «Tout ce qui est appréhendé par les sens et constitue la matière de la connaissance humaine;

ensemble des phénomènes connus et connaissables» (Petit Larousse, 2004, p.411).

Cela veut dire que l’expérience se réfère à un processus, voire à un résultat engendré par des connaissances préalables. Pour comprendre ce lien, nous avons regardé dans la littérature philosophique ce qu’est une expérience esthétique. Celle-ci nous explique en quoi elle consiste.

Pour Maffesoli (1988), une appréciation esthétique passe par un ressenti émotionnel d’un individu. Ce dernier adapte alors ses réactions affectives en fonction de différents contextes sociaux. Le jugement esthétique du client peut varier d’une situation d’achat à une autre face à un produit d’artisanat d’Art. L’individu opte, en se comportant ainsi, pour plusieurs faces sociales73 qui varient en interagissant avec soi-même, voire avec d’autres acteurs du monde de l’artisanat d’Art. Maffesoli (1988) nomme ce comportement de l’homme le «paradigme esthétique» (p.25). Les différentes facettes d’un individu sont liées à une «ambiance communautaire»74 qui se trouve au sein d’un espace social d’appréciation esthétique. Ici, cette ambiance communautaire75 d’une appréciation collective a lieu au sein du monde de l’artisanat d’Art.

Maffesoli (1988) parle alors d’une «communauté émotionnelle» (p.23) qui peut apprécier l’esthétique. Seulement, nous ne savons pas ici si l’appréciation esthétique d’un client en regardant le produit représente l’appréciation de tous les clients. Elle devrait représenter celle d’une tribu76, donc celle du monde de l’artisanat d’Art.

73 Ibid.

74 Ibid., p.25.

75 Nous ne voulons pas rentrer ici dans un débat théorique sur le concept même de la communauté. Il sert uniquement ici de donnée conceptuelle. Ainsi, ici, la communauté est égale au monde de l’artisanat d’Art qui regroupe tous les groupes d’acteurs confondus (artisans d’Art, commerciaux, clients, etc.). Nous nous intéressons uniquement au groupe des clients qui se trouve au sein de ce monde social construit.

76 Ibid.

Nous ignorons alors à quel point celle-ci peut être comprise par un individu qui est externe à ce monde social construit. Comment peut-on la distinguer pour comprendre que nous allons rencontrer une «ambiance émotionnelle sécrétée par le développement tribal»77? Nous savons qu’en France il existe des communautés officielles qui regroupent les divers corps de métiers d’artisanat d’Art. Nous nous demandons si un client doit passer par ces regroupements officiels pour comprendre l’esthétisme d’un produit relevant de ces métiers. Par conséquent, nous posons la question suivante:

Est-ce que l’appréciation esthétique d’un client correspond à celle de tous les clients au sein du monde de l’artisanat d’Art?

Quel est le rôle de l’émotion au sein d’un processus de perception esthétique ici?

Pour conclure, le jugement de la beauté passe par l’expérience esthétique d’un individu au sein du monde de l’artisanat d’Art. Elle se traduit par un ressenti esthétique du client. Au départ, ce sentiment face au produit serait vécu à une échelle individuelle avant de revêtir un sens commun de ce qui est à comprendre par l’esthétisme, voire la beauté d’un produit d’artisanat d’Art. Ceci est possible parce que nous avons affaire à un monde social construit qui représente une communauté dans laquelle ont lieu différentes interactions symboliques entre les acteurs qui la composent.

2.3.4. Conclusion générale de l’esthétique du produit d’artisanat