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Règles de procédure et premier tour dřhorizon du fonctionnement de la

III. UN ARBRE AUX RAMIFICATIONS MULTIPLES

3.1. Règles de procédure et premier tour dřhorizon du fonctionnement de la

de même souples. Les commissaires, qui sont encore dans le flou quant à lřaventure qui les

399 Centre dřarchives de lřUniversité Laval, Fonds Léon-Dion, P435, F1, 1, Procès-verbal de la 3e réunion, 3 au 5 octobre 1963, p. 1.

attend, préfèrent laisser une certaine ouverture à lřadaptation et à lřimprovisation. Les règles stipulent que le quorum est de sept membres et que la règle générale qui gouverne lřadoption de décisions est la majorité simple. Les présidents conjoints ont le droit de vote sur chacune des propositions formulées et celui qui est choisi pour présider lřassemblée nřa pas de vote prépondérant. Le document relatant les règles de procédures stipule que :

les questions de procédure aux réunions de la Commission sont réglées conjointement par les deux présidents, tout membre ayant le droit dřen appeler à lřassemblée. Si les deux présidents ne sont pas dřaccord, lřassemblée décide. […] Pour les autres questions, sřil se constitue une minorité dans laquelle se trouvent tous les membres présents, ou tous les membres présents moins un, dont les noms suivent : les commissaires Dunton, Frith, Laing, Rudnyckyj et Scott, ou encore tous les membres présents ou tous les membres présents moins un, dont les noms suivent : les commissaires Laurendeau, Gagnon, Marchand, et Wyckynski, la décision est ajournée. Dans ce cas, il appartient aux présidents de décider conjointement si la question doit être remise à lřétude au cours de la même réunion, ou à une réunion spéciale, ou, au plus tard, à la réunion régulière suivante. Sřils choisissent la réunion régulière suivante, et que la date de celle-ci nřest pas déjà fixée, ils doivent tenir la réunion dans un délai de 30 jours. Toute décision conjointe des présidents prise en vertu du présent article est finale400.

Ces règles établissent clairement un principe dřégalité et instaurent, à lřintérieur même de la Commission, des principes suivant le biculturalisme. Dřun côté, il y a le groupe des anglophones, de lřautre, celui des francophones, et aucune décision ne peut être prise sans quřun groupe soit en désaccord avec ladite décision. Le principe dřépanouissement de lřégalité entre les deux peuples fondateurs, où les autres groupes ethniques se fondent dans lřun des deux peuples fondateurs Ŕ Rudnyckyj avec le groupe culturel anglophone et Wyczynski, avec le groupe culturel francophone Ŕ, est expérimenté et nřest pas sans ralentir le rythme des discussions. Déjà, Rudnyckyj sřoppose à cette manière de procéder en soulignant quřil ne se sent ni anglophone, ni francophone, mais simplement Canadien. Frank Scott résume avec une pointe dřironie la situation dans son journal : « This meant

that there would be 5 French speaking, 4 English speaking, plus one Canadian, thus destroying the whole symmetry of the Commission. Faced with the emergence of something we hardly ever spoke about, namely a Canadian citizen, we baffled as to how to work voting procedures that still pay attention to the existence of the two main groups401. » Le

400 Bibliothèque et Archives Canada, Fonds de la Commission royale dřenquête sur le bilinguisme et le biculturalisme, 1963-1971, RG33-80, volume 115, « Règles de procédures », document 43 F, octobre 1963. 401 Bibliothèque et Archives Canada, Fonds Francis-Reginald-Scott, MG30-D211, 109, 1, Diary, p. 22.

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fait que la voix des autres groupes ethniques soit intégrée dans lřune ou lřautre des deux communautés culturelles principales nřest pas sans trahir le fait quřau début de la commission, la dimension du multiculturalisme est encore somme toute peu intégrée, elle qui en vint à représenter un enjeu sensible et incontournable. Le commissaire Rudnyckyj, lui-même membre dřassociations ukrainiennes défendant une place plus grande pour cette communauté culturelle, incarne une résistance forte au principe de biculturalisme402.

À ces rencontres encadrées par des règles de procédure, sřajoute la tenue dřaudiences publiques comme dans la majorité des commissions dřenquête. Or, dès le début de la Commission, lřagenda bien rempli des commissaires, déjà très actifs dans la vie publique, fait en sorte que lřhoraire trop chargé de chacun empêche, dans les premiers temps, la tenue dřaudiences. Les commissaires privilégient alors des rencontres régionales, plus informelles et prévues pour discuter des termes du mandat. Ces rencontres, qui se tiennent au cours de lřannée 1964, mènent à la publication du Rapport préliminaire en 1965 qui se veut un premier cri dřalarme au sujet de la crise canadienne et de sa nature.

À la suite de ces rencontres régionales, les audiences publiques se déroulent au cours de lřannée 1965. Comme le mentionne le premier volume du rapport final, « elles permirent la présentation et la discussion des mémoires rédigés soit par des particuliers ou des équipes, soit par des corps constitués403. » La rencontre des commissaires avec le

402 La nomination de J.B. Rudnyckyj comme commissaire nřest peut-être pas étrangère à sa participation à des groupes de pression ukrainiens, lui qui est très impliqué pour une reconnaissance officielle des slaves à travers les politiques publiques. Avant même que la Commission ne soit mise sur pied, le défenseur des droits des slaves communique avec le premier ministre Pearson afin de sřassurer que sa communauté soit bien représentée dans le cadre de cet exercice démocratique. Le 29 avril 1969, J. B. Rudnyckyj envoie une lettre au bureau du premier ministre où il se fait le porte-parole de lřUkrainian Free Academy of Sciences. Dans cette lettre, il souligne son intérêt pour la Commission et mentionne que les francophones, les anglophones et les Ukrainiens devraient en être le noyau dur : « Members of the Ukrainian Free cademy of Sciences […] are very pleased to hear about your idea of establishing the Royal Commission on Biculturalism and Bilinguism in Canada – problem which have been discussed several times at the sessions of UVAN in Canada. We feel that is such a important matter all ethnic groups and in particular the representatives of the competent people from British, French and Slavic (Ukrainian), should constitute the nucleus of the Royal Commission on this special problem. » Si J. B. Rudnyckyj recommande la nomination de Paul Yuzyk, il est fort probable que ce dernier ait décliné et que Pearson se soit tourné vers un de ses collègues quřil connaissait afin dřassumer ce rôle. Bibliothèque et Archives Canada, Fonds Jaroslav-Rudnyckyj, MG31-D58, volume 5, Lettre de J.B. Rudnyckyj à lřHonorable Lester B. Pearson, 29 avril 1963.

403 Canada, Commission royale dřenquête sur le bilinguisme et le biculturalisme, Rapport de la Commission royale d’enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme, volume premier, Ottawa, Imprimeur de la Reine, 1967, p. 181.

public ne se limite pas aux cadres des séances régionales et des audiences publiques ; la pléiade dřintellectuels tient également des rencontres privées avec les premiers ministres des provinces, avec différentes associations, avec des groupes ethniques, bref, avec tous ceux qui demandent à avoir une voix dans cette entreprise démocratique. Ils participent également activement à une myriade dřactivités académiques, trimballant leurs valises de colloques en conférences abordant les sujets rattachés au mandat. Ils font également des apparitions dans les médias. À cela sřajoute une vie sociale remplie de mondanités, où les commissaires rencontrent les élites dans un contexte informel. La vie mondaine de la Commission est particulièrement bien rendue dans le journal de Frank Scott, qui relate des dîners au Rideau Club404, des soirées au Château Frontenac ou chez les commissaires où ils rencontrent des universitaires, des représentants de la presse, des hauts fonctionnaires ou des députés405.

Parallèlement à toutes ces activités ayant pour objectif de mettre la Commission à lřavant-scène de la vie publique canadienne, des travaux de recherches imposants se mettent en branle et alimentent la Commission afin dřappuyer la rédaction des rapports sur des données scientifiques. Le travail de la Commission consiste également à publier les travaux de recherche afin de les faire connaître au public. La rédaction des cinq volumes Ŕ incluant six livres - du rapport final occupe également les commissaires, puisque plusieurs versions sont préparées406. La question de lřécriture en est une importante puisque tous les

404 Bibliothèque et Archives Canada, Fonds Francis-Reginald-Scott, MG30-D211, 109, 1, Diary, p. 27. Frank Scott y relate notamment un dîner avec le haut-fonctionnaire Mike Pitfield qui lui apprend que la Commission est plus ou moins bien vue dans certains cercles au Parlement car elle est « too filled with professors. » 405 Frank Scott évoque une réception chez « Davie Dunton » où commissaires et membres du gouvernement se côtoient. Ibid., p. 29. Il relate également une réception au Château Frontenac avec les représentants de la presse en juin 1964. Ibid., p. 124-125.

406 Voici la liste complète des volumes de la Commission : « Le volume 1, daté du 8 octobre 1967, a été déposé à la Chambre des communes le 5 décembre 1967 comme document parlementaire no 254, 1967-1968. Il est intitulé Rapport de la Commission royale d'enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme. Introduction générale. Livre 1 : Langues officielles, Ottawa, Imprimeur de la Reine, 1967, xliii, 229 p.

Le volume 2, daté du 23 mai 1968, a été déposé à la Chambre des communes le 9 décembre 1968 comme document parlementaire no 257, 1968-1969. Il est intitulé Rapport de la Commission royale d'enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme. Livre 2 : Éducation, Ottawa, Imprimeur de la Reine, 1968, 379 p.

Les volumes 3A et 3B, datés du 19 décembre 1969, ont été déposés à la Chambre des communes le 17 décembre 1969 comme document parlementaire no 282-1/102, 1969-1970. Il est intitulé Rapport de la Commission royale d'enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme. Livre 3 : Le monde du travail, Ottawa, Imprimeur de la Reine, 1969, p. 1-492 et p. 493-646.

Le volume 4, daté du 23 octobre 1969, a été déposé à la Chambre des communes le 15 avril 1970 comme document parlementaire no 282-4/102A, 1969-1970. Il est intitulé Rapport de la Commission royale d'enquête

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commissaires mettent la main à la pâte de manière plus ou moins égale. Certaines parties semblent rédigées par les secrétaires, dřautres par les directeurs de la recherche, et dřautres par certains commissaires. À un certain moment en 1966, Gilles Lalande, dřabord membre du personnel administratif, puis commissaire, demande à ses collègues dřêtre plus proactifs dans le travail de rédaction407. Frank Scott évoque également dans son journal la dimension laborieuse du travail de rédaction, notamment au moment de lřédition des textes finaux : « Ten authors edited go slowly and frequently changes are made that do not improve of

clarify408. »