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La question de la langue et de l'oralité dans l'activité de nettoyage

La formation à l’écrit dans le secteur professionnel de la propreté

1. L'activité de nettoyage : panorama du secteur professionnel de la propreté

1.2. La question de la langue et de l'oralité dans l'activité de nettoyage

Les compétences des agents de nettoyage attendues par les employeurs, peuvent être reliées à l'usage de la langue en contexte professionnel. Il convient donc de s'intéresser à la place de la langue dans les textes qui règlementent la profession.

1.2.1. L’activité de nettoyage : un contexte professionnel contraignant

Comme nous l’avons évoqué au début de ce chapitre, le contexte professionnel des métiers de la propreté est en évolution. Cela se traduit par un ensemble de contraintes qui pèsent sur l’activité des agents de nettoyage.

La fiche métier de la convention collective des agents de service propreté précise que le salarié doit être capable de communiquer à l’oral et à l’écrit. Cette contrainte linguistique peut nécessiter l’entrée en formation des employés qui sont en difficulté avec la maîtrise de la langue.

La FEP des entreprises de propreté indique que le marché de la propreté est en expansion (FEP, 2009). Cela a pour conséquence de nouvelles attentes relatives à la productivité, à la qualité et à la spécificité des services rendus. Ainsi, comme nous l’avons précisé, les salariés doivent mettre en œuvre des capacités spécifiques afin de fournir un travail efficace.

Depuis quelques années la durée des contrats de nettoyage est passée de 5 ans à 1 an. Les changements de contrats qui s’ensuivent peuvent donner lieu à la révision des modalités imposées par le cahier des charges. Cela peut être l'occasion d'ajouter de nouvelles contraintes comme une réduction de la durée de l'intervention, une modification des horaires et des tâches. Ces modifications se répercutent directement sur l'activité des agents de nettoyage qui doivent s’adapter aux changements d’employeur.

Les agents de nettoyage du secteur privé travaillent souvent sur plusieurs sites. Cela implique qu’ils doivent être autonomes pour se déplacer seul sur les chantiers, dans des lieux différents, arriver à l'heure, se repérer sur les lieux, et poser des questions si cela est nécessaire. Ainsi, l'autonomie sous-entend de posséder d'autres capacités qui relèvent de la raison graphique. Ces capacités s'ajoutent aux gestes professionnels et entrent en compte dans l'organisation du travail, la répartition des tâches dans le temps et dans l'espace.

Enfin, la notion de contrat « à obligation de résultat » et de service accentue la chute des prix et a pour conséquence la mise en place de pénalités en cas de non respect des clauses prévues dans le cahier des charges (BIPE, 2000, p. 39). Cela peut impliquer, de la part des employés, davantage d’autonomie dans le travail de nettoyage et davantage de communication, notamment pour le signalement des dysfonctionnements.

La notion de service entraîne également un élargissement du champ d'activité de nettoyage. Pour les donneurs d'ordre engagés dans une démarche de développement durable en faveur de l'environnement, cela implique qu'ils l'imposent à leurs sous-traitants. Cela se traduit par le respect de nouvelles normes en lien avec l'usage de produits spécifiques.

Bien que les horaires de travail soient atypiques, les agents (secteur public et privé) peuvent être en relation, selon les situations, avec l'usager, le client et l'encadrement de sa propre entreprise. Ils doivent donc être capables d’interagir avec des interlocuteurs qui ont des statuts différents.

Le représentant du Fonds d’assurance formation12 (FAF) du secteur de la propreté, avec lequel nous nous sommes entretenue explique que l'agent de nettoyage doit savoir choisir le matériel et le produit, en fonction des tâches à réaliser et des lieux à nettoyer. Il ajoute que la démarche qualité mise en œuvre par le donneur d'ordre et répercutée à l'entreprise qui sous-traite le nettoyage, donne lieu à l'usage de l'écrit pour assurer la fonction de traçabilité de l'activité. Cela se traduit pas la nécessité de compléter des « fiches d'auto contrôle ». Ainsi, lorsqu'ils se rendent sur un nouveau site, les agents doivent être capables de lire un document qui présente les tâches à réaliser, réparties sur la semaine.

C'est à partir de ces constats que la branche de la propreté initie le projet de formation aux écrits professionnels, en 1998. Elle met en place une démarche spécifique qui est imposée aux organismes de formation. Elle est basée sur la mise en commun des outils et supports de formation, et l'action pédagogique doit être reliée à des situations professionnelles.

1.2.2. La tradition orale : élément commun au secteur public et privé

Les résultats des observations de poste réalisées dans le cadre du contrat d'études prospectives montrent que la transmission orale occupe une place prépondérante dans l'activité de nettoyage (BIPE, 2000). L'oral et les gestes sont à la base de la transmission des pratiques et des consignes.

L’usage des écrits dans l'organisation concerne surtout les niveaux supérieurs de la hiérarchie, à partir de l’encadrement de proximité. Il s'agit du contrat, du cahier des charges et de l'ensemble des documents qui prescrivent le travail à réaliser. Or, la fiche métier préconise l’usage de l’écrit pour les agents de nettoyage.

Les agents de service qui exécutent les tâches ont connaissance des consignes par l'intermédiaire des chefs de chantier. L’étude du BIPE montre le risque élevé de réaliser des interprétations et de communiquer une consigne erronée, du fait de la transmission orale qui s'effectue parfois par l'intermédiaire de plusieurs interlocuteurs. Cela peut être illustré par le nettoyage d’un lieu qui n’est pas mentionné dans le cahier des charges. Ainsi, l'information circule entre cinq réseaux différents :

-­‐ celui de la hiérarchie du client ;

-­‐ celui de la hiérarchie de l'entreprise de nettoyage qui adapte en permanence les clauses du cahier des charges du client en fonction de l'effectif du moment, de la durée prévue pour réaliser le travail et des aléas de tous types ;

-­‐ celui des agents de service, il s'agit du travail réel ;

-­‐ celui des utilisateurs qui se réfèrent à leurs propres habitudes et qui peuvent formuler des demandes ou des remarques directement aux agents de service ; -­‐ celui des personnes qui effectuent le contrôle.

Les situations de travail observées dans le cadre du contrat d'étude prospective montrent un écart entre le travail prescrit, tel qu'il est décrit dans le cahier des charges et la manière dont les tâches sont réellement mises en œuvre sur le poste. Ainsi, les agents adaptent les consignes en fonction de la situation et des éventuelles demandes des clients et des usagers. Ils doivent donc mobiliser d’autres compétences qui leur permettent d’agir de manière efficace. Ces compétences ignorées ne sont pas mentionnées dans les résultats du BIPE.

Comme nous l’avons déjà évoqué, les usagers peuvent être présents durant l’activité des agents. Leur présence peut constituer des occasions d'interactions orales avec les agents de nettoyage. Ces derniers doivent donc être en capacité d’ajuster leur compétences langagières aux situations qui peuvent être variées de par le statut de l’interlocuteur (usager, responsable, collègue).

Ces données interrogent les besoins réels des agents, en matière de formation. Quelles sont les compétences langagières utiles à l'exercice du métier ? Est-ce que les besoins à l'écrit prédominent ceux de l'oral ? Quelles sont les attentes réelles des employeurs ? Ces questions nous conduisent à souligner un paradoxe. Les représentants de la branche de la propreté indiquent que la maîtrise de l'écrit est nécessaire à l'exercice de l'activité de nettoyage alors que celui-ci est réservé aux niveaux supérieurs de la hiérarchie. Notre étude repose sur l’hypothèse selon laquelle langage et activité sont imbriqués l’un dans l’autre. Aussi, nous procédons à des observations et à des analyses approfondies de situations de travail. Notre intention est de fournir une meilleure connaissance des compétences réellement mobilisées en milieu professionnel.

Conclusion partielle

Cette présentation du contexte et du travail des agents de nettoyage nous permet de retenir les éléments suivants.

Les métiers de la propreté s’inscrivent dans un secteur concurrentiel. Cela se répercute sur le métier des agents de nettoyage, particulièrement de ceux qui travaillent dans le secteur privé. Parmi les contraintes associées à ce contexte, notons que les agents doivent travailler dans un temps réduit. Cela suppose qu’ils mobilisent des capacités spécifiques qui relèvent de la raison graphique comme la planification des tâches ou la gestion des déplacements.

L'enquête du contrat d'étude prospective du secteur de la propreté montre également la prégnance de la tradition orale dans l’activité des agents de nettoyage. Elle est renforcée par l’organisation hiérarchique. Or, les écrits qui réglementent la profession ainsi que les représentants de la branche de la propreté préconisent l’usage de l’écrit sur les postes de travail. Pour une meilleure connaissance des besoins de formation, il convient donc d’observer le travail en situation.

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