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L'écriture dans la formation à quatre métiers de la santé

La place de l’écriture et des écrits dans les formations professionnelles

2. Place contrastée de l’écriture en formation professionnelle

2.1. L'écriture dans la formation à quatre métiers de la santé

Le statut de l'écrit, dans la formation professionnelle, varie en fonction des niveaux de qualification. Plus on se rapproche des premiers niveaux, moins on utilise l’écriture. Une étude réalisée par M. Balcou-Debussche (2004) dans le cadre de la formation des professionnels de la santé, montre que l'écriture est exploitée de différentes manières, selon le diplôme préparé par les personnes. Nous explorons la place de l’écriture dans l’évaluation finale et dans les contenus de formation.

2.1.1. Des différences dans les évaluations

M. Balcou-Debussche analyse la fonction de l'écriture dans quatre formations professionnelles, de niveaux de qualification contrastés. Cette étude montre que la place de l’écriture varie dans l’évaluation des formations, en fonction des niveaux de qualification. Il s’agit, dans l’ordre croissant du niveau de qualification, des métiers d’ambulancier, d’auxiliaire de puériculture et d’aide-soignants, d’infirmiers et de sage-femme.

Le métier de sage-femme est accessible après la première année de médecine, à l'issue d'un concours. La formation se déroule sur quatre ans. Le métier d'infirmier est abordable après l'obtention du baccalauréat et d'un concours, le parcours de formation professionnelle dure trois ans. Les fonctions d'aide-soignant et d'auxiliaire de puériculture sont accessibles dès la fin du collège, à l’issue d’un concours. Elles sont validées par un diplôme d'état préparé en une année. Pour exercer le métier d'ambulancier il faut avoir un diplôme d'État. Il est préparé en moins de six mois, après avoir réussi des épreuves de sélection directement accessibles après la classe de troisième.

M. Balcou-Debussche a réalisé une enquête auprès des étudiants qui se destinent à ces métiers. Elle a recueilli leurs témoignages et a analysé des écrits produits, dans le cadre de leur formation. Les analyses de M. Balcou-Debussche sont ainsi fondées sur l’étude d’un corpus constitué de transcriptions de cours, de mémoires professionnels et de dossiers de soins. Des observations réalisées sur les lieux de formation, ainsi que des entretiens, complètent cette étude des textes.

Les résultats montrent que l'écriture occupe une place variable dans les formations professionnelles, en fonction du niveau de qualification. Un examen des modalités de validation des parcours nous renseigne sur cette relation entre le statut de l'écriture et le niveau de qualification. C’est à cette étape de la formation que l’écart entre statut de l’écrit et niveau de qualification est le plus marqué.

Sur les quatre professions représentées dans l’étude, seules les formations des sages-femmes et des infirmiers sont validées par la rédaction d'un mémoire professionnel. Toutefois, celui-ci diffère d'une formation à l'autre.

Pour les sages-femmes, il s'agit d'une analyse critique de l'activité. Le scripteur est au centre de l'écrit, il doit exprimer son point de vue et élaborer une pensée innovante sur son activité. Ce mémoire est valorisé car il est déposé en bibliothèque, il peut être présenté en public. L’auteure souligne que, contrairement aux autres formations, celle des sages-femmes est validée par la maîtrise des compétences langagières de communication, à part égale avec les compétences techniques.

Les infirmiers, eux, élaborent leur mémoire professionnel souvent en fin d'année, près de l'échéance de l'examen. Ce mémoire professionnel, qui marque la fin des études, est vécu comme une contrainte par les apprenants. Contrairement aux sages-femmes, le mémoire professionnel des infirmiers n'est pas valorisé. Il est stoké à la fin du parcours de formation sans être ni diffusé, ni exploité. Chez les infirmiers, ce sont les gestes professionnels qui sont valorisés. La partie pratique est évaluée à partir d’une étude de cas, de mise en situation et de contrôles continus.

L’épreuve écrite qui valide la formation des aides-soignants et des auxiliaires de puériculture consiste à répondre à six questions. Cette épreuve représente un quart du total des points, à l’examen final. La mise en situation professionnelle est davantage valorisée.

Enfin, l’examen écrit des ambulanciers consiste en une liste de questions à choix multiples. Ce questionnaire est accompagné d’une épreuve orale et d’une partie technique.

Notons que l’usage de l’écrit pour la validation de ces quatre formations varie en fonction du niveau de qualification. De fait, le développement des compétences scripturales n'est pas favorisé chez les personnes dont on pourrait penser qu'elles en ont le plus besoin. Soulignons également que si la validation écrite des ambulanciers requiert une tâche rudimentaire de production écrite (cocher des cases) elle nécessite des compétences de réception qui peuvent être complexes. Dans cette même perspective, nos observations de terrain montrent que les tâches de production rudimentaires peuvent impliquer des compétences de réception complexes, notamment lorsqu’il s’agit de compléter un tableau à double entrée (cf. chapitre IX).

2.1.2. Des différences dans les contenus de formation

Interrogeons-nous à présent sur les pratiques de formation destinées aux ambulanciers, dont la qualification se rapproche de celle de nos témoins (agents de nettoyage), en lien avec leur rapport à l’écrit.

Les résultats des travaux de M. Balcou-Debussche montrent que les difficultés liées à l'usage de l'écriture, sont connues des formateurs mais que ces derniers les occultent. Les formateurs des ambulanciers tentent de faciliter l'acquisition des savoirs professionnels en évitant le recours à l'écriture car les conditions ne sont pas favorables (groupes hétérogènes, volume important d'informations à transmettre et manque de temps pour travailler les cours en dehors de la formation). Ils fournissent des photocopies et la prise de notes, lorsqu'elle a lieu, est dirigée. Ils dictent l'essentiel du contenu qui doit être mémorisé pour réussir aux épreuves. Les ambulanciers sont pourtant ceux qui expriment l'opinion la plus positive parmi les personnels de santé interviewés par M. Balcou-Debussche. Ils survalorisent l'écrit, bien qu'ils le considèrent comme hors de leur portée. Ce qui peut sembler être un moyen facilitateur mis en place par les formateurs, nous semble constituer une occasion manquée de profiter de la motivation des apprenants. En effet, leur engouement pour l'écrit pourrait constituer un levier pour l'apprentissage.

Conjointement à l'usage différencié de l'écrit au cours de la formation professionnelle, M. Balcou-Debussche remarque une différenciation dans l'organisation du temps (anticipation et planification), entre les quatre niveaux de qualification. Comme nous l’avons déjà évoqué, les moins qualifiés (ambulanciers, aide-soignants et auxiliaires de puériculture) n’ont pas besoin de rédiger un mémoire professionnel pour valider leur formation. Or, ce mode d'évaluation pourrait être une occasion d'aborder l'anticipation et la planification. Nous avons vu au chapitre III que ces notions sont mises en place dans la vie quotidienne par les personnes les plus éloignées de la culture de l'écrit. Une valorisation de ces compétences acquises en dehors du cadre de la formation et existantes au démarrage, pourrait faciliter l'acquisition de nouveaux savoirs relatifs à l'écrit. Enfin, soulignons qu’une étude réalisée en contexte professionnel montre des « exigences en matière de "littéracie" » pour les aide-soignants (Boutet, 2001b), comme la lecture de tableaux ou la rédaction de comptes rendus (p. 37).

Les éléments décrits par M. Balcou-Debussche, inscrivent le déroulement de l'activité des ambulanciers dans le présent. Contrairement aux autres catégories de personnel de santé, les ambulanciers ne laissent pas de traces écrites dans le dossier du patient à propos

de leurs gestes professionnels. Ces professionnels gèrent l'urgence et n'ont pas la possibilité d'agir en lien avec l'équipe soignante. Comme le chercheur le souligne, cela ne favorise ni l'identification de leurs actes, ni la mise en valeur de leur travail. Nous pouvons retenir que ceux qui ont le moins d'occasions d'écrire pendant leur travail sont les moins formés à l'écriture, et leur activité s'inscrit dans l'immédiateté. Or, la formation basée sur la reconnaissance des compétences empiriques pourrait être une occasion de valoriser l’expérience professionnelle et donc de favoriser la construction de nouveaux savoirs y compris de savoirs pofessionnels. Comme nous l’avons évoqué au chapitre III, l’étude des savoirs empiriques montre qu’il existe des manières d’agir sur le temps (planification et anticipation des actions), qui pourraient être réinvesties dans la formation pour favoriser la maîtrise de l’écrit (lecture-écriture). Ainsi, en prenant appui sur les compétences initiales, une telle démarche donnerait la possibilité aux apprenants de développer une attitude réflexive sur leurs pratiques et manières d'agir, dans un contexte professionnel ou personnel.

2.2. Les bénéfices de l'écriture dans les formations professionnelles les plus

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