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La question fondamentale de la dynamique des significations attachées aux possessions

Section 1. Le positionnement du concept de fétichisme dans la littérature en recherche sur le consommateur

1.2. La question fondamentale de la dynamique des significations attachées aux possessions

La recherche sur le consommateur a donc exploré depuis les années 80 la nature, les ressorts et les conséquences des mécanismes permettant aux objets de se charger de significations. Le sens attribué aux possessions n’est pas figé et relève d’un processus souvent complexe influencé par de multiples facteurs.

Le travail de Belk, Wallendorf et Sherry (1989) constitue l’un des meilleurs exemples de l’étude approfondie des processus d’attribution de significations aux possessions. Ces auteurs mettent au jour la signification sacrée que peuvent revêtir certaines possessions. Ce type bien particulier de significations dans le contexte de la consommation est discuté au regard de ce qu’implique le sacré dans le cadre de la religion. Les auteurs proposent la discussion de plusieurs processus aboutissant à l’investissement d’un sens sacré dans les possessions : la sacralisation par le rituel, par le pèlerinage, par la quintessence, par l'échange de cadeaux, par la collection, par l’héritage ou par sanction externe. Il existe donc selon eux différentes manières d’investir un sens d’ordre sacré dans

les possessions et ce sens ne leur est pas inhérent, il est généralement construit par le consommateur.

D’autres travaux mettent en lumière le caractère fluide et changeant des significations attachées aux objets. La recherche de McCracken (1986) expose les différents transferts de sens s’opérant entre la société (« le monde culturellement constitué »), les produits et les individus. Son travail souligne notamment le rôle d’institutions telles que la publicité ou la mode dans les mouvements de significations traversant la société. La publicité, par exemple, contribuerait selon l’auteur à injecter du sens dans les produits et à le renouveler sans cesse. Le sens que les consommateurs attribuent aux produits est donc constamment influencé par la culture et par des acteurs légitimes pour en transformer les mouvements.

Dans le droit fil de cette recherche, la littérature sur l’investissement de sens dans les possessions appréhende la malléabilité des significations (pour reprendre le terme d’Eckhardt et Houston ; 2008) selon trois modalités différentes :

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au niveau individuel, les significations évoluent selon des processus idiosyncrasiques. Cela signifie qu’une possession initialement peu significative pour le consommateur peut arborer un sens important pour le consommateur (e.g. Belk, Wallendorf et Sherry, 1989 ; Fernandez et Lastovicka, 2011 ; McCracken, 1986 ; Rook, 1985). La signification des possessions est instrumentalisée dans le but de rendre la vie du consommateur plus signifiante, de réaliser certaines de ses aspirations ;

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Les significations objectives (ou publiques ; i.e. des significations privées assignées par des membres de la société de manière générale ; Richins, 1994a) peuvent être transformées par le consommateur individuel qui tend à se les approprier. Le consommateur assimile les significations publiques des objets pour produire un sens qui lui est personnel. En outre, les significations publiques sont susceptibles d’évoluer sous l’influence de la publicité ou d’acteurs culturels légitimes (McCracken, 1986) ;

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Le consommateur peut cultiver le sens de ses possessions en vue de la réalisation d’interactions sociales, selon les contextes culturels (Wallendorf et Arnould, 1989 ; Eckhardt et Houston, 2001, 2008 ; Nguyen et Belk, 2013). Une possession n’aura pas le même sens aux yeux du consommateur selon qu’elle est appréhendée pour être mobilisée dans le contexte privé ou public, d’autant plus au sein de cultures collectivistes dont les valeurs sont axées sur l’harmonie sociale (Eckhardt et Houston, 2001, 2008 ; Nguyen et Belk, 2013).

La littérature sur l’investissement de significations dans les possessions montre que le consommateur cultive et manipule le sens des objet de manière intentionnelle dans l’optique de construire, de maintenir ou d’exprimer son soi. Ce sens peut être influencé ou non par des acteurs extérieurs, tels que les entreprises ou les membres des groupes sociaux auxquels appartiennent les consommateurs. Les significations attachées aux possessions ne sont jamais figées et dépendent largement de l’expérience et des aspirations personnelles des consommateurs, bien qu’elles puissent connaître des déterminants objectifs et être partagées à grande échelle.


Tableau 1.1. Contributions à la recherche sur le meaning dans le champ du marketing

Auteurs Sujet de la recherche Contribution

Holbrook et Hirschman (1982) La dimension expérientielle de la consommation

Prônent un changement

paradigmatique en proposant une perspective expérientielle de la consommation mettant l’accent sur les significations symbolique, hédonique et esthétique de la consommation.

Belk (1985) Le matérialisme en tant que trait

de personnalité

Discute l’importance du concept de matérialisme pour expliquer le comportement du consommateur. Belk appréhende le matérialisme comme une tendance à attacher des significations symboliques profondes aux possessions.

Hirschman (1985) Les fondements « primitifs » de la

consommation

Discute la question de la

rationalité dans le contexte de la consommation et la manière dont les consommateurs créent du sens par le biais d’une appréhension « primitive » et spirituelle de leurs possessions.

Rook (1985) La dimension rituelle de la

consommation

Propose un prisme

d’interprétation du comportement de consommation selon le concept de rituel et discute la manière dont les consommateurs créent du sens par le biais des rituels.

McCracken (1986) La macro-dynamique des

significations attachées aux marchandises

Discute de la dynamique du sens culturel des marchandises et du système permettant la cette dynamique des significations au sein de la société.

Belk (1988) Le soi étendu Conceptualise le soi étendu dans

le contexte de la consommation et discute le rôle significatif des objets dans la construction du soi. Wallendorf et Arnould (1988) L'influence de la culture sur la

préférence vis-à-vis des possessions.

Discutent la manière dont la culture, l’âge ou le genre influencent la manière d’investir du sens dans les possessions. Belk, Wallendorf et Sherry (1989) Le sacré dans le contexte de la

consommation

Proposent des développements théoriques sur le concept de sacré et dévoilent les

mécanismes de sacralisation dans le contexte de la consommation. Auteurs

Hirschman et LaBarbera (1990) Les dimensions de l’importance des possessions

Traitent des significations attachées aux possessions et proposent une typologie des possessions importantes selon deux axes : profane/sacré et objectif/subjectif.

Gould (1991) La manipulation de l’énergie vitale

par la consommation

Propose une typologie d’états énergiques et discute de la manière dont ils sont gérés par la consommation d’objets

signifiants. Richins et Dawson (1992) Le matérialisme en tant que

valeur

Conceptualisent le matérialisme comme valeur et proposent une échelle de mesure du construit.

Richins (1994a) Les significations publiques et

privées des possessions

Discute la formation de la valeur des possessions par le sens qui y est investi selon qu’il soit public ou privé.

Richins (1994b) L’influence du matérialisme sur le

développement d’une préférence pour certains types de

possessions

Examine la manière dont le matérialisme influence l’investissement de sens (de valeurs en l’occurrence) dans les possessions.

Belk (1995) L’activité de collection Explore les ressorts de l’activité

de collection, sa signification et les interactions familiales qu’elle implique.

Sujet de la recherche Contribution