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CHAPITRE 4

L’ÉTAT DES VILLES D’AFRIQUE DE L’EST

CHAPITRE 4

Population et urbanisation

4.1

CARTE 2.1: LA SOUS-RÉGION AFRIQUE DE L’EST

0 1,500 3,000 Kms

N

V

Dar es Salaam a détrôné Nairobi pour devenir la plus grande ville d’Afrique de l’Est. ©moizhusein/Shutterstock

A

ux fins du présent rapport, la sous-région d’Afrique de l’Est se compose des pays suivants : Burundi, Comores, Djibouti, Erythrée, Ethiopie, Kenya, Madagascar, Malawi, Maurice, Mayotte (Fr.), Ouganda, la Réunion (Fr.), Rwanda, Seychelles, Somalie, Soudan du Sud et Tanzanie.1 Sa population totale était estimée à 292,7 millions d’habitants en 2011, dont 63,5 millions (21,7 pour cent) dans des zones classées comme urbaines et 229,1 millions (78,3 pour cent) en milieu rural.2

L’Afrique de l’Est était toujours, en 2011, la sous-région dont la population était le moins urbanisée du monde – mais, avec un taux moyen annuel de croissance de 5,35 pour cent prévu entre 2010 et 2020, elle est aussi celle qui s’urbanise le plus rapidement. Le niveau d’urbanisation du Soudan du Sud (18 pour cent) a beau faire baisser celui de l’Afrique de l’Est tout entière, la population relativement réduite (10,3 millions) de ce pays est telle que cela ne se traduit que par une baisse de 0,2 pour cent du taux de toute la sous-région.

Les taux d’urbanisation (2000-2050)

Le classement des pays d’Afrique de l’Est en fonction des taux d’urbanisation n’a guère changé par rapport à l’édition 2010 du

L’ÉTAT DES VILLES D’AFRIQUE DE L’EST

présent rapport. Toute évolution démographique ne se produit que lentement et on ne saurait s’attendre à ce qu’un intervalle de trois ans suscite des mutations notables, sauf catastrophes naturelles ou autres.

Six pays conservent un taux d’urbanisation nettement inférieur à 20 pour cent (voir Graphique 4.1). Le Burundi, avec un taux de 10,9 pour cent, reste le pays le moins urbanisé de toute la sous-région.

Suivent l’Ouganda (15,6 pour cent), le Malawi (15,7 pour cent), l’Ethiopie (17 pour cent), le Soudan du Sud (18 pour cent) et le Rwanda (19,1 pour cent). Aucun changement non plus dans le haut du classement: la petite île de la Réunion (département français) reste la plus urbanisée (94,3 pour cent de la population), suivie par Djibouti (77,1 pour cent), les Seychelles (53,6 pour cent) et Maurice (41,8 pour cent).3

Plus riches d’enseignement que l’évolution des niveaux d’urbanisation sont peut-être les surcroîts de population, en chiffres absolus, que vont devoir accueillir les villes, puisqu’ils donnent une meilleure idée des besoins à venir en unités de logement, en services supplémentaires et en emplois. Alors que de l’an 2000 à 2010 le nombre de nouveaux citadins s’était monté à 20,8 millions, on s’attend que d’ici 2050 il en soit un multiple (Tableaux 4.1 et 4.2).

Pour la décennie en cours, on prévoit que le nombre de citadins en Afrique de l’Est augmente de plus de 50 pour cent, et pour la décennie 2030-2040 on s’attend à une augmentation de 110 pour cent par rapport à 2010. En 2040, le nombre de citadins dans toute la sous-région devrait être massivement supérieur à celui enregistré en 2010 – cinq fois plus Ces chiffres ont de quoi susciter de sérieuses préoccupations au vu de la proportion déjà importante d’Africains de l’Est qui sont sans emploi, ou qui vient dans des taudis ou des bidonvilles, ou les deux.

Les chiffres du Tableau 4.1 sont, toutefois, des projections qui peuvent s’appuyer sur des erreurs de méthodologie ou autres, comme déjà expliqué au Chapitre 1. Mais quand bien même les chiffres et les taux réels devraient diverger par rapport à ces prévisions, le message qu’elles renferment – nonobstant le fait que l’Afrique de l’Est va rester largement rurale à l’avenir – devrait apparaître très clairement.

Qu’il s’agisse de la sous-région dans son ensemble ou des pays qui la composent, l’augmentation massive de la population va susciter d’immenses défis, dont une demande énorme de logements et de services collectifs décents et abordables et, peut-être plus important encore, d’occasions d’emploi rémunéré en ville.

Les réalités ont beau n’être pas les mêmes d’un pays à l’autre, et l’expansion urbaine (telle que mesurée par les taux d’urbanisation de la population) a beau être en décélération marquée dans la plupart des pays d’Afrique de l’Est, le surcroît de population urbaine tel qu’exprimé en chiffres absolus n’en va pas moins poser un défi de grande ampleur. Les quelques exceptions portent sur les petits Etats insulaires comme les Seychelles, Maurice et, dans une certaine mesure, la Réunion où l’accroissement de la population urbaine est faible en chiffres absolus ou même déjà en déclin. Mais vu l’exiguïté de leur territoire, ces Etats vont eux aussi se trouver aux prises avec la problématique urbaine.

C’est en Ethiopie (avec 41,9 millions) et en Tanzanie (avec 61,5 millions) qu’entre 2010 et 2050 les surcroîts de population urbaine (en chiffres absolus) vont être le plus importants. Les villes du Kenya vont devoir abriter 38,1 millions d’habitants supplémentaires, les chiffres correspondants étant pour l’Ouganda 31,9 millions,

Madagascar 27,7 millions, la Somalie 14,4 millions et le Malawi 14 millions. La population urbaine de ces pays aura beau, en chiffres absolus, augmenter à un rythme moins rapide (quoiqu’encore très soutenu), ils vont devoir eux aussi se préparer au basculement de plus de la moitié de leur population dans la sphère urbaine. D’après les projections, cette situation va être partagée par cinq pays au cours des décennies à venir : Madagascar et la Somalie en 2040; Maurice, le Soudan du Sud et la Tanzanie en 2050. Au milieu du siècle, la population de huit pays (Burundi, Comores, Erythrée, Ethiopie, Kenya, Malawi, Ouganda et Rwanda) restera encore largement rurale en raison de leur entrée tardive dans la phase de transition urbaine en cours dans le monde – et en dépit de l’accroissement en cours (modéré à très soutenu) de leur population urbaine en chiffres absolus (Graphique 4.1).

Le Tableau 4.3 montre les taux moyens annuels d’urbanisation de la population en Afrique de l’Est par intervalle décennal entre 1950 et 2050. Il est intéressant à plus d’un titre. Presque tous les pays de la sous-région ont connu des records absolus d’urbanisation à l’époque où ils sont devenus indépendants. On a ensuite assisté à une tendance au ralentissement régulier à long terme dans les taux annuels, dont on prévoit qu’elle va se poursuivre. Ces taux ont beau traduire une certaine décélération, ils n’en témoignent pas moins d’une croissance rapide des populations à long terme en chiffres absolus. Dans la plupart des pays de la sous-région, on note aussi que les taux d’urbanisation secondaire culminent environ une génération après le pic primaire, après quoi, là encore la tendance de fond à long terme est au ralentissement.

Les pays en conflit ou qui accueillent des réfugiés montrent des tendances assez différentes, les pics d’urbanisation secondaire étant associés aux conflits armés, à des troubles politiques importants, ou aux deux. Les conflits internes tendent aussi à affecter les pays limitrophes du fait des afflux de réfugiés. Ainsi, le génocide de 1994 au Rwanda a coïncidé avec une augmentation brutale du taux d’urbanisation en raison du double effet qui a été le sien: exode rural accru, les ruraux allant chercher refuge et sécurité en ville ; et réduction concomitante de la population rurale. Des pays comme l’Ethiopie, l’Erythrée et la Somalie, qui ont connu ou connaissent toujours des situations difficiles comme des conflits civils ou de graves sécheresses, divergent eux aussi par rapport à la grande tendance à la décélération, avec des fluctuations non négligeables dans les taux d’urbanisation d’une décennie à l’autre. En Somalie, le taux d’urbanisation de la population est monté en flèche entre 1970 et 1980 suite à un coup d’Etat, à l’assassinat du président et à la guerre d’Ogaden en 1977. Par la suite, et probablement en raison de la montée des hostilités à l’intérieur même du pays, les taux d’urbanisation à intervalles décennaux ont augmenté de manière régulière, divergeant là encore notablement par rapport à la tendance générale de l’ensemble de la sous-région, et témoignant on ne peut plus clairement de l’incidence du conflit sur l’urbanisation.

Le Soudan du Sud fraîchement indépendant compense en ce moment des décennies d’urbanisation différée liée au conflit, tout en accueillant l’afflux de populations tribales en provenance du Soudan.