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L’Initiative du Bassin du Nil 159

Plus long fleuve du monde, le Nil parcourt 6 695 km de la source de l’un de ses affluents au Burundi jusqu’à la mer Méditerranée, et il est navigable sur 4 149 km. Son bassin couvre 3 179 543 km² et comprend notamment les lacs Victoria, Kyoga, Albert, Edouard et Tana.

Cette grande artère et ses affluents ne traversent pas moins de 11 pays  : Burundi, République démocratique du Congo, Egypte, Ethiopie, Erythrée, Kenya, Ouganda, Rwanda, Soudan du Sud, Soudan et Tanzanie (Carte 4.1; Tableau 4.15). Ce sont, en tout, quelque 54 pour cent de la population des Etats riverains qui vivent dans ce bassin, y compris dans de grandes villes comme Addis-Abeba (dont une partie se situe dans le bassin), Alexandrie, Le Caire, Entebbe, Jinja, Juba, Kampala, Khartoum, Kisumu, Louxor, Mwanza et Wad Medani. Les villes et autres zones bâties ont beau n’occuper que 0,1 pour cent de la surface du bassin, elles sont toutes tributaires de ses eaux pour leur subsistance. La moyenne annuelle des précipitations

dans le bassin est de 104,6 cm, et le débit moyen annuel à Assouan est de 84 milliards m3.160 Cela apparaît peu important par comparaison avec d’autres grands systèmes fluviaux, par exemple celui du Congo, dont le bassin n’est que de 30 pour cent plus étendu mais dont le débit annuel atteint quelque 1 300 milliards m3. Le Nil traverse de vastes étendues arides et semi-arides avec de faibles taux de ruissellement, tandis que l’évapotranspiration, dans les vastes zones humides comme le Sudd (Soudan du Sud) contribue à réduire le flux, comme aussi l’évaporation sur le site des grands barrages en Egypte.161

Comme le montre le Tableau 4.14, 45,8 pour cent du Bassin du Nil se trouve en Afrique de l’Est. Le fleuve se compose du Nil Blanc, qui a sa source dans la région des Grands Lacs et qui contribue régulièrement 10 à 20 pour cent du débit, et le Nil Bleu très saisonnier mais riche en sédiments qui contribue le reste et qui prend sa source dans le lac Tana, sur les hauts plateaux d’Ethiopie. Ces deux branches principales du Nil font leur jonction à Khartoum, d’où le Nil oblique vers le nord.

L’ÉTAT DES VILLES D’AFRIQUE DE L’EST CARTE 4.1: LES PAYS PARTICIPANT À L’INITIATIVE DU BASSIN DU NIL

Source: MJS / Nile Basin Initiative (2012) The State of the River Nile Basin 2012

Etendue (km²)

Partie du pays dans le Bassin du

Nil (km²)

Partie du pays dans le Bassin du Nil (%)

Burundi 28,062 13,860 49.4 0.4 8,749,387 58.8

Congo (RD) 2,401,941 21,796 0.9 0.7 69,575,394 3.8

Egypte 996,960 302,452 30.3 9.5 83,958,369 95.7

Erythrée 121,722 25,697 21.1 0.8 5,580,862 37.6

Ethiopie 1,144,035 365,318 31.9 11.5 86,538,534 40.3

Kenya 593,116 51,363 8.7 1.6 42,749,418 39.7

Rwanda 24,550 20,625 84.0 0.6 11,271,786 82.6

Soudan du Sud 635,150 620,626 97.7 19.5 9,614,498 99.0

Soudan 1,864,049 1,396,230 74.9 44.0 36,107,585 87.3

Tanzanie 933,566 118,507 12.7 3.7 47,656,367 21.5

Ouganda 241,248 240,067 99.5 7.6 35,620,977 99.4

Source: Nile Basin Initiative (2012) The State of the River Nile Basin 2012 TABLEAU 4.14: LES PAYS DU BASSIN DU NIL

KENYA

L’Initiative du Bassin du Nil ne fait pas autorité pour les frontières internationales.

0 500 km

N

Limites du bassin du Nil Légende

Il n’existe guère de possibilités d’ajouter au débit du Nil, même si le drainage –écologiquement risqué – des marais du Sudd a été envisagé par le passé. En outre, l’accroissement de la population et les impératifs du développement industriel vont se traduire par une augmentation de la demande de ce qui est essentiellement une ressource limitée. Améliorer l’offre va donc devoir passer par l’application judicieuse de la gestion intégrée de l’eau pour assurer une utilisation équitable, efficace et «  soutenable  » des eaux du fleuve.162 C’est dans ce but qu’a été lancée l’Initiative du Bassin du Nil en 1999. Ses réalisations sont importantes puisqu’elle a réussi à attirer l’attention sur les menaces naturelles et anthropiques pesant sur la viabilité du fleuve, tout en proposant des solutions techniques aux problèmes liés à l’irrigation et à l’énergie hydroélectrique; mais elle se trouve aujourd’hui aux prises avec des difficultés politiques d’une autre ampleur.163

Des litiges opposent aujourd’hui des pays riverains à propos de l’utilisation équitable des eaux du Nil. Comme le montre le Tableau 4.14, l’Egypte et le Soudan (qui dans le tableau comprend toujours le Soudan du Sud) sont responsables de plus de 86 pour cent des prélèvements, même si chacun de ces pays ne contribue que moins de trois pour cent du total des ressources renouvelables internes.

Cette situation se trouve au cœur des plaintes que certains pays d’amont formulent contre les restrictions que leur ont imposées des traités inégaux conclus lors de l’ère coloniale et qui ont donné à l’Egypte et au Soudan un veto de fait sur l’utilisation des eaux du Nil par d’autres pays.

Il existe un potentiel de production hydroélectrique dans les pays d’amont et le Tableau 4.16 montre à quel point il reste négligé par comparaison avec ce qui se passe en Egypte et au Soudan.

Pour résoudre ces problèmes, les neuf pays de l’Initiative du Bassin du Nil ont tenté de négocier un Accord-cadre de coopération. Ils se

CHAPITRE 4

Ressources Prélèvements Stockage

Internes renouvelables - Total (milliards m³/

an) 2009

Total (milliards m³/

an) 2000-2010

En % du total effectif renouvelable 2000-2010

En % du total dans la région du Nil

2000-2010

Part de l’agriculture (% du total)

2000-2010

Capacité des barrages (m³/

habitant) 2012

Burundi 10.1 0.29 2.9 0.2 77.1 n.a

Congo (RD) 900.0 0.62 0.1 0.5 17.7 1

Egypte 1.8 68.30 3,794.4 56.5 86.4 2,073

Erythrée 2.8 0.58 20.8 0.5 94.5 8

Ethiopie 122.0 5.56 4.6 4.6 93.6 67

Kenya 20.7 2.74 13.2 2.3 79.2 611

Rwanda 9.5 0.15 1.6 0.1 68.0 n.a

Soudan / Soudan du Sud 30.0 37.14 123.8 30.7 97.1 200

Tanzanie 84.0 5.18 6.2 4.3 89.4 2,324

Ouganda 39.0 0.32 0.8 0.3 37.8 2,393

Source: Nile Basin Initiative (2012) The State of the River Nile Basin 2012

TABLEAU 4.15: RESSOURCES, PRÉLÈVEMENTS ET CAPACITÉ DE STOCKAGE DU NIL

Potentiel en 2010 (MW) Capacité en 2010 (MW)

Burundi 20 0

Congo (RD) 78 0

Egypte 40 2,862

Erythrée -

-Ethiopie 13,947 931

Kenya 191 25

Rwanda 20 27

Soudan du Sud 2,570

-Soudan 3,280 1,593

Tanzanie 280 0

Ouganda 4,343 380

Source: Nile Basin Initiative (2012) The State of the River Nile Basin 2012

TABLEAU 4.16: HYDROÉLECTRICITÉ – CAPACITÉ ACTUELLE ET POTENTIELLE DU BASSIN DU NIL

sont mis d’accord sur les principes et sur tous les articles à l’exception d’un seul, qui porte sur la sécurité des approvisionnements en eau. L’Egypte et le Soudan refusent d’aller de l’avant à moins que l’engagement litigieux de «  ne pas affecter sensiblement la sécurité hydrique d’aucun autre Etat du Bassin du Nil  » ne soit amendé de la façon suivante  : «  Ne pas affecter défavorablement la sécurité hydrique ni les utilisations et droits actuels d’aucun autre Etat du Bassin du Nil.  »164 Voilà qui, à première vue, ne semble pas être un gros problème, mais cela témoigne du refus des gouvernements du Caire et de Khartoum de renoncer aux droits qui leur ont été octroyés au titre des Accords sur le Nil de 1929 et 1959  ; le plus récent de ceux-ci divisait les eaux entre l’Egypte et le Soudan, en leur octroyant respectivement 55,5 milliards m³ et 18 milliards m³ par an. Ces accords comportaient aussi une clause par laquelle l’ancienne puissance coloniale, la Grande-Bretagne, promettait de ne construire aucun réseau d’irrigation ou hydroélectrique en amont si cela devait porter atteinte aux flux atteignant l’Egypte. La position partagée par ce pays et le Soudan est que cet accord lie tous les Etats du Bassin du Nil conformément au droit international.165

L’Ethiopie, le Kenya, l’Ouganda, le Rwanda et la Tanzanie ont cherché à passer en force en signant en mai 2010 l’Accord-cadre de coopération. Ils ont depuis lors été rejoints par le Burundi, et le Soudan du Sud a fait savoir en mars 2013 qu’il ferait de même.166 Avec la ratification de l’accord par six Etats, la Commission du Bassin du Nil pourrait voir le jour en dépit des objections de l’Egypte et du Soudan, et elle serait techniquement en mesure de commencer à autoriser des projets d’irrigation et d’hydroélectricité en amont.167

Les opinions divergent sur la question de savoir si le Bassin du Nil va devenir la pierre de touche de la coopération interrégionale ou le déclencheur d’un conflit en Afrique. Ramener le problème à la sécurité des approvisionnements en eau peut avoir en fait été contre-productif dans la mesure où cela déplace le débat sur un terrain trop

« sensible ». Le détournement du Nil Bleu par l’Ethiopie, en juin 2013, pour permettre la construction d’un barrage a donné lieu à un échange de propos acérés avec le gouvernement égyptien, même si cela a été par la suite été marginalisé par les développements politiques au Caire.168

L’ÉTAT DES VILLES D’AFRIQUE DE L’EST Limites du bassin versant

Frontière internationale Cours d’eau