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Changement climatique, insécurité des ressources et éco-migration au Sahel

Les prévisions concernant le changement climatique en Afrique de l’Ouest (Section 3.3.3) sont empreintes d’incertitude, qu’il s’agisse du régime des pluies, des inondations ou des épisodes de sécheresse. Les populations urbaines, largement installées sur les côtes, vivent dans des zones très denses, souvent de faible élévation et vulnérables.218 Les inondations sont chroniques sans que les villes soient prêtes à faire face à leur ampleur ni à leur pouvoir de destruction. La mauvaise gestion des zones de captage exacerbe leur vulnérabilité aux événements extrêmes qu’aggrave l’instabilité des phénomènes météorologiques. La Mauritanie et le Mali sont extrêmement vulnérables aux épisodes de sécheresse induits par le changement climatique, mais cela risque de devenir aussi le cas d’autres pays et de faire peser des menaces sur de grandes villes comme Bamako, Dakar, Lagos, Douala, Niamey et Ouagadougou.

L’extension méridionale du Sahel sur quelque 200 km219 affecte sérieusement les modes de subsistance et les ressources des populations, créant des milliers de «  réfugiés climatiques  ». C’est

pour endiguer cette avancée que, plus avant dans l’intérieur, le projet de Grande muraille verte, qui comporte des plantations sur une longueur de 4 000 km du Sénégal à Djibouti, va traverser 11 pays.220 Des capitales comme Bamako, Dakar, Niamey, Nouakchott et autres villes du Nord sont vulnérables aux effets de l’avancée du désert et elles vont donc bénéficier de ce projet, qui reconnaît le rôle vital des écosystèmes dans la protection contre les événements extrêmes.221

Le manque de précipitations au Sahel, notamment au Mali, au Niger, au Burkina Faso et au Tchad, a provoqué des pénuries alimentaires en 2011, qui se sont poursuivies jusque dans le courant du premier semestre de 2012.222 Cet épisode a été suivi de fortes pluies et des inondations: en juillet 2012, ces pluies ont affecté plus de 1,5 million d’habitants à travers l’Afrique occidentale et centrale, le Niger, le Nigeria et le Sénégal étant particulièrement affectés. Des niveaux de précipitation supérieurs de 150 pour cent à la normale ont été relevés dans le Sud-Est de la Mauritanie, des régions voisines au Mali, dans le Bassin du Niger au Mali, au Niger, au Nigeria et au Cameroun et dans le Bassin du lac Tchad au Niger, au Tchad, au Nigeria et au Cameroun.223

Sahel

Afrique de l’Ouest Grande Muraille Verte

L’ETAT DES VILLES D’AFRIQUE DE L’OUEST V

Le peuplement « flottant » de Makoko à Lagos (Nigeria), est particulièrement vulnérable à la montée des mers et aux ondes de tempête. ©Heinrich-Böll-Stiftung. Licence générique Creative Commons Attribution-Share Alike 2.0..

En août 2012, les précipitations journalières ont atteint 119 mm à Niamey, 299 mm à Kayes (Mali), 179 mm en Gambie, 275 mm à Bida (Nigeria) et 151 mm au Cap Skirring (Sénégal).224 Ce n’est pas seulement la quantité, mais aussi la variabilité des précipitations pendant cette période qui ont été importantes. A Agadès (Niger), la moitié (112 mm) des précipitations annuelles avait déjà été reçue en juin 2011, alors que l’année d’après elles n’ont commencé que ce mois-là,225 et avec une très forte intensité. Toujours au Niger en 2012, Niamey n’avait reçu que 35 pour cent de ses précipitations annuelles entre janvier et juillet, avant de connaître ensuite des pluies supérieures à la moyenne ainsi que des inondations,226 alors que Bobo-Dioulasso recevait en juillet le double de sa moyenne mensuelle.227 La vulnérabilité de Niamey aux inondations est particulièrement prononcée puisque la ville est exposée à des précipitations de plus de 200 mm par heure.228 Les villes côtières de Lagos (dont certains quartiers sont deux mètres au-dessous du niveau de l’océan) et Port Harcourt sont vulnérables aux inondations côtières comme aux crues soudaines, auxquelles les taudis dans les zones de faible élévation sont particulièrement exposés.229 Accra et Kumasi, comme Freetown ont été sérieusement affectées par les inondations ces dernières décennies,230 d’autant que leurs systèmes d’écoulement sont insuffisants.

Les effets du changement climatique provoquent déjà des conflits dans les régions d’Afrique de l’Ouest qui bordent le Sahel.231 La baisse des précipitations et la progression du désert y ont déjà poussé cultivateurs et pastoralistes vers le sud, intensifiant, à propos des terres et de l’eau, des litiges auxquels la diversité ethnique du Nord de

la sous-région n’était déjà pas étrangère. Les populations sahéliennes disposent de leurs propres systèmes de médiation mais ils ont été largement incapables de faire face à l’intensification des conflits.232 Ceux-ci gonflent les migrations vers les villes tout en réduisant les productions agricoles. La multiplication des grands barrages en construction dans la sous-région est une source supplémentaire de tensions,233 surtout en raison de la forte interdépendance des zones de captage.

La montée du niveau des mers

Comme indiqué plus haut, les villes côtières de la sous-région (comme Accra, Cotonou et Lagos) sont particulièrement vulnérables à la montée du niveau de la mer, à l’augmentation du nombre des ondes de tempête et à l’aggravation de l’érosion du littoral.234 Changement climatique et vulnérabilité des ménages urbains

Les ménages urbains sont particulièrement vulnérables aux effets directs comme indirects du changement climatique. Des effets distants, comme des inondations, sécheresses ou catastrophes naturelles dans les régions céréalières d’Amérique du Nord ou de Sibérie, peuvent avoir des répercussions majeures sur les cours mondiaux des denrées, exacerbant les pressions sur les budgets des ménages en Afrique comme ailleurs. A l’échelle locale, les migrations dues au climat, à la sécheresse, aux inondations et aux événements extrêmes peuvent aggraver la vulnérabilité des citadins les plus pauvres. En outre, les contractions de l’offre, comme par exemple de pétrole, ont aussi leur effet sur le prix des denrées importées.

CHAPITRE 3

V

Un centre internet à Accra. La capitale du Ghana est en passe de devenir un centre régional de télécommunications. ©Jonathan Ernst /World Bank. Licence générique Creative Commons Attribution 2.0.

L’ETAT DES VILLES D’AFRIQUE DE L’OUEST

Les coûts de l’eau, de l’énergie de l’alimentation et des transports se combinent pour absorber la majeure partie du budget des ménages pauvres. Les fluctuations des divers éléments mentionnés au paragraphe précédent peuvent multiplier par deux, trois ou même quatre les contraintes de prix. A cet égard, des mesures s’imposent pour renforcer la résilience des ménages aux effets du changement climatique, aux pénuries mondiales et aux hausses de cours, (pétrole, charbon, denrées) . On peut alléger ces pressions sur les ménages à travers des structures locales décentralisées, y compris en encourageant l’agriculture urbaine

Villes, pôles de croissance et intégration