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Une des difficultés, et non des moindres, sera de s'entendre sur le sens du mot « culture », souvent considéré comme mot « fourre-tout ». Bien des tentatives de définition, voire de classification, ont été proposées. pour M. Byram, la culture recouvre un domaine idéologique regroupant les valeurs et croyances propres à un groupe, un domaine documentaire englobant les productions intellectuelles ou artistiques, les informations explicites sur le pays, historiques, géographiques, contemporaines, et domaine social, concernant le mode de vie, les interactions verbales et non verbales — nature des relations sociales, rôles propres à chaque sexe et à chaque génération. Des chercheurs américains, Stewart, Edward et Milton-Bennet, distinguent entre culture

subjective, c'est-à-dire les aspects psychologiques d'une culture, avec les

croyances, les systèmes de valeurs et les schémas de pensée qui y sont associés, et culture objective, qui regroupe les institutions et les artefacts qu'elle produit, comme son système économique, ses coutumes, son organisation politique, et ses productions artistiques et littéraires. Dans les approches interculturelles on distingue non seulement entre différents types de cultures sur le plan international, mais les chercheurs ont mis en évidences d'autres types culturels, tels que la culture professionnelle, la culture de classe, la culture d'une classe d'âge, la culture féminine ou masculine, la culture ethnique, régionale, etc. Souvent les différences sont moins grandes entre des jeunes appartenant à la même classe d'âge et de nationalité différentes, qu'entre ces mêmes jeunes et leurs parents.

Ces tentatives de classifications montrent qu'il est difficile de réduire l'enseignement de la culture à celui de faits historiques ou littéraires.

Qu'est-ce donc que la culture ? Geertz (1973) en donne la définition suivante :

Le réseau sémiotique construit par les êtres humains au cours de histoire et qui leur permet de développer, communiquer et perpétue leurs connaissances, leurs croyances et leurs attitudes sur le monde.

Cette définition reste refermée sur elle-même. Frans de Waal a montré que selon cette définition, on pouvait dire qu'il existe une culture animale. Il explique en effet que dans un parc national aux États-Unis, des ours avaient enseigné à leurs petits qu'en sautant sur le toit d'une marque bien précise de véhicules tout terrain, ils pouvaient provoquer l'ouverture des quatre portes et donc s'approprier la nourriture qu'ils contenaient. Il s'agit bien de transmission d'une connaissance, puisque les ours avaient repéré quel type de voiture permettait cette stratégie.

Une autre définition recentre la culture comme objet construit par

l‘homme1

: la culture serait l'ensemble des représentations et

habitudesacquises par l'homme en tant que membre d'une société particulière. cette définition a le mérite d'être générale, mais il lui manque un

élément essentiel lorsque l'on considère la culture non comme un objet d'étude en tant que tel, mais comme un outil indispensable à la compréhension de l‘autre. C'est pourquoi la définition que donne Goodenough, qui inclut la dimension communicative, convient mieux à notre propos : La culture d'une société est constituée de tout ce que l'on a à connaître ou à croire pour se comporter de façon acceptable aux yeux des individus qui en font partie, ainsi les codes sociaux, les règles de vie ou de morale personnelle et collective ,la loi transmise par le père, les préceptes éducatifs, les normes et les attentes du groupe social les reflètent largement, mais la plupart du temps ce savoir est

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intégré de façon tacite, et semble aller de soi jusqu'au moment où quelqu‘un enfreint la règle. Ce n'est qu'alors que les membres du groupe peuvent prendre conscience de leur propre fonctionnement. (Hundeide, 1985) dans l‘enseignement d'une langue étrangère, décrire les comportements, les artefacts, les institutions des pays concernés n'est pas suffisant. C'est en favorisant chez ses élèves la prise de conscience de leur propre fonctionnement et du fonctionnement des autres cultures que l'enseignant de langue peut avoir un rôle à jouer dans la construction d'un monde moins violant et plus tolérant. Comment y parvenir ? Des ethnologues ont élaboré des outils qui peuvent permettre aux élèves d'appréhender les notions liées à l‘interculturel. Les classifications qu'ils ont établies peuvent en effet faciliter la compréhension des phénomènes observés.

a) Définir culture et Culture

Interrogés sur ce qu'ils entendent par culture, les enseignants en langues répondent le plus souvent en mentionnant des disciplines telles que la littérature, la géographie et l'art. Toutes ces matières en constituent certes des ingrédients très importants, mais il semble que d'autres composantes de la culture, tout aussi importantes, devraient trouver leur place dans les classes de langues vivantes.

Des disciplines comme la littérature, la géographie, l'histoire et l'art sont souvent regroupées sous le terme générique de " civilisation ", c'est-à-dire la Culture avec un grand C, par opposition à la culture avec un petit c (Halverson, 1985), qui englobe des éléments peut-être moins visibles et moins tangibles et non directement rattachés à une matière traditionnelle. Cependant, Bennett (1997) affirme à juste titre que pour ne pas passer pour un parfait ignare, nous devons comprendre plus complètement la dimension culturelle de la langue.

Qu'entendons-nous alors par le terme " culture " dans le cadre de l'enseignement des langues ? Hofstede (1994) définit la culture comme la programmation collective de l'esprit qui distingue les membres d'un groupe ou d'une catégorie de personnes par rapport à une autre. La pyramide de Hofstede

fait apparaître trois niveaux de programmation mentale : la nature universelle de l'homme, la culture et la personnalité. Il admet que tenter d'établir où se situe exactement la frontière entre la nature humaine et la culture et entre la culture et la personnalité ne va pas sans difficultés.

Selon Bowers (1992), la culture est un patrimoine de mémoires, métaphores, maximes et mythes partagés. La définition donnée par Alptekin (1993) renforce aussi l'idée que la culture ne se réduit pas à la seule " civilisation ". Il affirme que les connaissances acquises socialement sont organisées selon des schémas propres à chaque culture qui constituent normalement la trame de notre perception de la réalité, à tel point que nous définissons généralement le monde à travers le filtre de notre vision du monde. De la même façon, Kramsch (1998) définit la culture comme une vision du monde, un système commun de valeurs qui sous-tend la perception, les croyances, les jugements et les comportements.

L'analogie de l'iceberg basée sur Brembeck (1977), dans l'ouvrage de Levine et Adelman relatif à la communication interculturelle (1993), compare la notion de culture à un iceberg dont seule la pointe est visible (langue, alimentation, appartenance, etc.) tandis que la plus grande partie de l'iceberg est difficile à voir ou à appréhender (style de communication, croyances, valeurs, attitudes, perceptions, etc.). Les items de la partie invisible de l'iceberg pourraient recouvrir une variété infinie de notions allant des définitions de la beauté ou du respect des mécanismes de prise de décision collective aux idéaux gouvernant l'éducation des enfants, en passant par des valeurs relatives à l'exercice du pouvoir, au prestige, à la santé, à l'amour, à la mort, etc.

Toutes ces définitions de la culture tendent à indiquer que les éléments culturels à introduire dans l'enseignement des langues couvrent un champ beaucoup plus large que la traditionnelle liste des faits à connaître obligatoirement concernant la civilisation d'une ou deux des cultures cibles.

Dans le présent travail, par conséquent, nous utiliserons le terme " culture " en tant que nom collectif se rapportant à la fois aux faits de civilisation et aux informations relatives aux croyances, coutumes, pratiques sociales, valeurs et comportements. Au sein de ce concept plus large, pour plus de clarté et de simplicité il sera fait référence aux éléments évoquant des aspects de civilisation ou des réalisations marquantes par le terme couramment utilisé de " Culture ", avec un grand C, et aux autres éléments, des croyances aux comportements, par celui de " culture ", avec un petit c (Halverson, 1985).

b) Langue et culture

La langue a-t-elle une influence sur la culture ? Ou bien est-ce la culture qui influence la langue ? Pour certains chercheurs, la concision et la clarté de la pensée d'un peuple est liée en grande partie à la langue qu'il parle. La fameuse hypothèse de Sapir et Whorf énonce que la structure de la langue qu'un individu utilise quotidiennement influence son mode de pensée et sa conduite. Ainsi, si les locuteurs de langues différentes ont tant de mal à se comprendre, c'est essentiellement parce qu'ils ne partagent pas la même façon de voir et d'interpréter les événements, parce qu'ils ne sont pas d'accord sur le sens et la valeur des concepts qui sous-tendent les mots. Ils ne catégorisent pas le réel de la même manière. Ainsi, les enfants d'origine Navajo ont un mot pour dire : prendre un objet rond comme une balle par exemple, et un autre pour dire prendre un objet long et flexible comme une corde. Si on leur demande de classer une balle bleue, une corde bleue et une corde jaune, ils mettront ensemble les deux cordes, alors que les autres enfants américains associeront les couleurs.

L'absence de formes linguistiques dans une langue correspond à une absence de besoin pour ces formes. Ainsi, les Inuits ont un nombre important de mots pour désigner la neige dans ses différents états, car pour eux, connaître la nature du manteau neigeux est une question de survie. En gaélique ou en breton, il n'existe qu'un seul mot pour les couleurs verte et bleue, couleurs de la mer.

Ainsi, la culture influence-t-elle la langue, mais la langue n'influence pas la culture. Lorsque la culture change, la langue change avec elle. Dans le cas des communautés multilingues, c'est la langue la mieux adaptée qui l'emporte, comme le montre la fréquence des changements de code. Les peuples ne sont pas prisonniers du sens culturel que leur propose sur langue et peuvent développer et enrichir leur expérience.

L'étude de la culture fait partie intégrante de l'enseignement des langues à cause des liens entre langue et culture, particulièrement lorsque la langue est perçue dans sa dimension d'outil pour l'interaction sociale. Avec D. Hymes, la notion de compétence communicative remplace la notion de compétence grammaticale : le lien est établi avec le culturel à travers la fonction pragmatique de la culture, par laquelle la culture est enseignée pour réduire les problèmes de communication linguistique quand l'élève fait un séjour dans le pays étranger.

Les références culturelles dans les textes et documents étudiés en relation avec le mode de vie étranger peuvent être déchiffrés par le professeur et l'élève à travers les références de leur propre culture le mot « pain » par exemple, ou « breakfast » recouvrent des réalités des différentes selon les cultures, mais sont souvent l'objet d'une nativisation culturelle. Les mots de la langue étrangère renvoient à des significations à l'intérieur d'une culture (pub, café, charcuterie) qui n'ont pas nécessairement de correspondants dans la culture de l'élève. Il est important qu'il puisse le comprendre. Un bureau de poste en Angleterre, où l'on peut souvent trouver toutes sortes de produits de papeterie, voire des souvenirs, peut surprendre l'élève français qui croit entrer dans une boutique et cherche en vain un guichet qui pourrait correspondre à ses représentations. De même, l'élève venu de Londres pour visiter Paris devra s'adapter à la conception française du plan du métro. En effet à Paris, il est organisé du point de vue du géographe qui établit une carte en fonction des lieux et de leurs noms. À Londres, il est organisé du point de vue du voyageur à qui on indique la

direction à suivre en fonction des quatre points cardinaux,. Un travail cognitif de repérage de classement et d'analyse peut aider à la dénativisation culturelle.

La sensibilisation à la culture est une composante à part entière de la compétence linguistique, car « nul ne peut éprouver d'émotion, et donc penser authentiquement, dans une langue artificielle »11, ce que semble confirmer l'échec de l'esperanto. Et tout comme lorsqu'on apprend une langue, on ne se contente pas d'accumuler des connaissances sur la langue, mais on apprend à la parler, à l'utiliser pour communiquer, de même il ne suffit pas d'acquérir des connaissances à propos d'une culture. Il est aussi nécessaire d'apprendre à faire face aux différences culturelles pour savoir communiquer efficacement avec des personnes appartenant à des cultures différentes.

Étudier une culture étrangère permet en outre de mettre en évidence le fait que les êtres humains ont des préoccupations communes, ce qui conduit à la tolérance, mais des façons différentes de faire face à un vécu commun.

La question qui se pose alors est de savoir comment enseigner une façon de voir le monde différente de la nôtre.