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Hymes fait tout d‘abord remarquer que la compétence n‘est pas une notion statique, figée ―la compétence différentielle a sa propre histoire, elle se développe au cours de la vie. ―Ce fait est attesté par les observations des sociologues et Hymes en examine les conséquences.

―Peut-être pourrait-on distinguer une conception ―courte‖ de la compétence et une conception ‗longue‖, la première s‘attachant surtout à étudier les capacités innées qui se manifestent durant les premières années de la vie, la seconde cherchant à comprendre comment la compétence se socialise et se transforme tout au long de l‘existence. De toute façon, nous avons là une des

principales raisons pour lesquelles une théorie de la compétence doit dépasser la notion d‘un locuteur idéal dans une communauté homogène, si l‘on veut que cette théorie soit applicable aux travaux portant sur les enfants défavorisés et les enfants dont la langue ou la variété de langue première est différente de celle de 1 ‗école ; quand on affirme 1 ‗intention de changer ou d‘ajouter quelque chose à cette langue, on présuppose qu‘il est possible de modifier, peut-être radicalement, la compétence naturelle par de nouveaux facteurs sociaux. On admet dès le début qu‘il y a confrontation de différents systèmes de compétence à l‘intérieur de l‘école et de la communauté, et l‘on va centrer l‘étude sur la façon dont l‘un modifie ou est amené à modifier l‘autre. On se trouve alors devant des phénomènes qui ne relèvent pas uniquement de la structure de l‘une ou l‘autre langue, mais que l‘on a baptisé ―interférences‖ (Weinreich 1953) il s‘agit d‘interpréter les manifestations d‘un système à travers l‘autre.

Puisque l‘interférence englobe les trais de la langue et ceux de l‘usage, on pourrait adopter la formule suggérée par Hayes et parler d‘interférence sociolinguistique. (On pourrait parler de façon plus générale d‘interférence communicative pour rendre compte du rôle des modes de communication autres que la langue ; ici, cependant, on se limitera aux phénomènes linguistiques.)

Quand un enfant issu d ‗une certaine matrice culturelle aborde une situation dans laquelle les exigences en matière de communication se définissent par rapport à une autre matrice, il peut se produire à divers niveaux un défaut de perception ou d‘analyse. C‘est bien connu, on peut mal comprendre des mots en raison de différences dans les systèmes phonologiques, mal comprendre des phrases en raison de différences entre les systèmes grammaticaux ; de la même façon, les intentions et les capacités innées de l‘enfant peuvent être mal jugées en raison simplement de différences de système dans l‘emploi de la langue et dans l‘importance attachée à cet emploi.

(...) La notion d‘interférence sociolinguistique est de la plus grande importance pour la relation entre la théorie et la pratique. Remarquons tout

d‘abord qu‘une théorie de l‘interférence sociolinguistique doit travailler sur des situations hétérogènes, dont les caractéristiques sont aussi bien sociales que linguistiques. (Bien qu‘une théorie étroite semble se couper de telles situations, il faut bien sûr en tenir compte. Voir, par exemple, les travaux de Labov et de Cohen (1967) sur les relations entre les règles phonologiques et syntaxiques standard et non-standard à Harlem, et entre la compétence de réception et celle de production des locuteurs du vernaculaire non-standard.)

Notons ensuite que la notion d‘interférence sociolinguistique présuppose celle de systèmes sociolinguistiques entre lesquels apparaît 1‗interférence, et ceci nous permettra de tirer parti de bon nombre de travaux qui risqueraient d‘être négligés. (on pense en particulier aux difficultés qu‘on a à utiliser les recherches sur ―l‘acquisition de la deuxième langue‖ dans des programmes destinés aux étudiants noirs à cause des connotations péjoratives de l‘expression). Système et interférence sociolinguistiques nécessite en t‗établissement d ‗une théorie globale de la description sociolinguistique. Un tel travail a montré qu‘il était nécessaire de partir non de la notion de langué, mais de celle de variété ou de code1. Il faudra admettre en particulier que la question du statut historique et de la parenté des langues ou des dialectes est tout à fait secondaire par rapport à celle de leur statut dans les relations sociales réelles. Rappelons que nous avons éprouvé le besoin de placer les noms de langues entre guillemets (cf.. section2). En outre, le degré de ressemblance ou de différence entre deux langues ne peut permettre de prédire la compréhension mutuelle de leurs locuteurs, si on laisse l‘usage de côté. Enfin, dans le cadre d‘une description sociolinguistique fonctionnelle, des moyens d‘ampleur très différente peuvent être employés à des rôles équivalents. Un exemple frappant le

1

NdT sur ce point, cf. Hymes, 1972, Nodels of interaction of language and social life, traduit dans Etudes de Linguistique apliquée, n° 37, janv—mars 1980 (Didier). Hymes distingue LANGUE et DIALECTE de CODE ou VARIETE sur la base en particulier d‘un critère de ―provenance historique‖ qui s‘appliquerait aux deux premiers.

passage de la marque d‘intimité à celle de respect noté en Français par le changement du pronom personnel de la deuxième personne (tu, vous) est notée au Paraguay par le changement complet de langue (Guarani : Espagnol). Inversement, des moyens, qui peuvent paraître équivalents sur le plan linguistique peuvent avoir des rôles très différents, par exemple les codés élaborés et restreints de l‘anglais étudiés par Bernstein (1965). Bref, nous devons rompre avec la tradition intellectuelle qui pose l‘équation ―une langue, une culture‖, et qui tient pour acquis un ensemble de fonctions. Pour traiter des problèmes rencontrés par les enfants défavorisés ainsi que de 1 ‗éducation dans la plus grande partie du monde, nous devons partir des habitudes verbales ou des compétences d‘une communauté ou d‘une population, et considérer comme un problème empirique celui de la place des langues historiquement dérivées. En fait de code en fonctionnement, on peut trouver une langue ou trois langues ; des dialectes divergeant beaucoup ou à peine ; des styles presqu‘inintelligibles de l‘un à l‘autre ou à peine différenciables par l‘étranger : les différences linguistiques objectives sont alors secondaires. Ce qui compte, c‘est l‘attitude qu‘on a envers ces différences, le rôle fonctionnel qui leur est attribué, l‘usage qu‘on en fait. Seule une description fonctionnelle pourra permettre d‘établir des comparaisons et des similitudes, et d‘asseoir une théorie solide.

En ce qui concerne .l‗interférence sociolinguistique parmi les écoliers, on peut trouver une information pertinente et un éclaircissement dans ces cas

appelés diversement : ―bilinguisme‖, ―acculturation linguistique‖,

―dialectologie‖, etc. L‘intérêt, pour un travail pratique, d‘une description sociolinguistique globale serait :

- qu‘elle s‘efforcerait de placer des études aux noms divers à l‘intérieur d‘une même structure d‘analyse ;

- et qu‘en plaçant cette information dans une structure commune, où on peut parler des relations entre les codes, des types de passage d‘un code à l‘autre

ou d‘interférence entre codes, on évitera peut-être des connotations qui s‘attachent à des étiquettes comme ―acquisition d‘une langue seconde‖.

Hymes présente ensuite trois concepts qu‘il juge importants dans une description sociolinguistique :

- le concept de ―répertoire verbal‖, hérité de Gumperz (1964 c‘est ―l‘ensemble des variétés, des codes ou sous-codes, dont dispose un individu, ainsi que les types de passage des uns aux autres.‖

- les ―enchainements linguistiques‖, ―organisations séquentielles au-delà de la phrase‖, pouvant inclure les gestes, l‘activité d‘une personne, l‘interaction entre les individus. Ils peuvent avoir un caractère performatif, d‘où leur intérêt.

— les ―domaines du comportement langagier‖ étudiés par Fishman (1966, pp. 424—39), qui s‘intéresse aux ―occasions dans lesquelles une langue (Ou une variante, un dialecte, un style, etc.) est habituellement employée plutôt qu‘une autre (ou en plus d‘une autre).‖

Hymes montre ensuite en quoi l‘approche distributionnelle et l‘approche sémantique ordinaire sont insuffisantes puisque ni l‘une l‘autre ne tiennent compte de la variété des contextes et des relation de l‘individu avec ces contextes.

―Cette discussion n‘épuise pas les concepts et les modes d‘analyse pertinents pour la théorie dont on a besoin. Bon nombre de chercheurs présentent en effet des approches conceptuelles pertinentes notamment Bernstein, Fishman, Gumperz, Labov,, selon Hymes 1967. Les trois concepts mis en évidence ici renvoient à des catégories plus importantes : les capacités des individus, l‘organisation des moyens verbaux en fonction d‘objectifs sociaux et la dépendance des règles à l‘égard des situations. Ces trois concept peuvent fournir un cadre utile aux descriptions sociolinguistiques.‖

Chapitre 3

La dimension interculturelle de l’enseignement

du français

1. Enseigner une culture étrangère : L'objectif culturel

À travers l'enseignement des langues étrangères sont véhiculés des informations, des attitudes des images, des préjugés sur les personnes et les pays où la langue est parlée. Il est important d'en prendre conscience. D'autant que le développement des moyens de communication qui permet de voyager toujours plus loin et plus vite, l'Internet qui rend accessible les endroits les plus reculés le temps d'un clic de souris, la mobilité de la main d'œuvre font que les causes d'incompréhension entre deux partenaires appartenant à des cultures différentes, et les conflits d'interprétation potentiels se sont multipliés. Dès lors, il devient nécessaire de fonder l'enseignement de la culture sur autre chose que le hasard et l'intuition. Une base théorique est nécessaire, or la réflexion sur le sujet reste relativement limitée.

L'éveil à la culture étrangère est, de façon explicite, l'un des trois grands objectifs de l'enseignement des langues. Cependant, les implications et les orientations qui s'y rattachent demeurent peu évidentes. Les instructions de 1996 visent à intégrer davantage la culture dans l'enseignement des langues, d'une part, et d'autre part, à en faire un instrument de développement de la personne, donc d'éducation, dans son sens premier : aider à grandir. En effet, des préconisent à travers l'enseignement de la culture, de conduire à la découverte de l'autre, à la compréhension de sa différence, et donc au développement de l'esprit de tolérance.

Le lien entre culture et communication est clairement établi, et il convient de ce fait que les élèves acquièrent une capacité à interagir de manière efficace dans un environnement multiculturel, ce qui conduit à les sensibiliser au fait que la connaissance des règles de fonctionnement de la langue n'est pas suffisante pour assurer la compétence de communication et que cette dernière suppose des compétences socioculturelles et interculturelles. À défaut, le locuteur aura tendance à utiliser les références de sa propre culture pour analyser le message produit par son interlocuteur.

Les enseignants devraient être amenés à proposer un parcours permette à leurs élèves d'être capables de reconnaître et analyser les différences culturelles, de développer le recul nécessaire à la compréhension de l'autre, et de mettre en œuvre des capacités linguistiques et comportementales adaptées au contexte culturel du domaine dans lequel ils comptent interagir.