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Une  progression  sur  la  scolarité  plutôt  que  des  activités  ponctuelles

VI. Synthèse  des  résultats

4.   Une  progression  sur  la  scolarité  plutôt  que  des  activités  ponctuelles

Plus encore que lorsque les élèves réussissent dans les diverses tâches, les effets du dispositif se révèlent dans les moments lors desquels ils rendent explicite leur comportement, autrement dit, lorsqu’ils adoptent une attitude de secondarisation.

Nous avons montré que l’enseignant-e pouvait pousser les élèves à adopter cette attitude en mettant l’accent sur les stratégies et les procédures (notamment en demandant aux élèves de justifier leurs réponses) plutôt que sur la réussite de la tâche ou la bonne réponse à une question. C’est par exemple le cas lorsque les élèves sont amené (par les sollicitations ou le jeu de l’enseignante) à rendre explicites les règles de référencement sur les affiches ou les règles de rangement des livres. Dans ces situations, les élèves doivent moins réussir à référencer ou classer l’ouvrage qu’expliciter leur catégorisation.

Notre analyse a également permis de relever certaines limites à l’attitude de secondarisation des élèves, dans le cadre de ce dispositif et à ce stade de leur développement. Ils se sont montré capables de prendre en compte les caractéristiques de l’énonciation des albums de Milton afin d’imaginer le texte associé à certaines images mais ils ne sont pas parvenus à réinvestir cette connaissance de l’énonciation pour justifier le fait qu’un album (présenté par un extrait de texte) ne faisait pas partie de la collection. Ce fut également le cas lorsque les élèves ont réussi à classer très rapidement les livres proposés en identifiant ceux qui racontaient une histoire et ceux qui donnaient des informations, sans être en mesure d’expliciter leur procédure.

4.  Une  progression  sur  la  scolarité  plutôt  que  des  activités  ponctuelles    

Notre recherche prenant place lors de la première année de scolarité des élèves, il est encourageant de constater que les élèves parviennent à tisser des liens entre les livres et à expliciter, à l’aide de notions, certains des critères de catégorisation qu’ils emploient.

Nos observations ayant pris place avec des élèves de quatre ans seulement, il est évident que ce même travail serait également possible dans les degrés supérieurs. Nous pensons d’ailleurs que, pour réellement porter ses fruits, le développement de la capacité à mettre les textes en réseaux devrait faire l’objet d’une progression sur toute la scolarité des élèves. Au fil de la

découverte des différents livres, à travers des dispositifs de lecture en réseau, les élèves pourraient ainsi développer cette capacité et construire des notions autour des textes.

Rappelons ici que le développement de cette capacité chez les élèves a pour but de faciliter l’accès à des textes qui nécessitent pour être compris une mise en réseaux avec d’autres livres.

Nous pensons donc, comme le proposait Sève (2011), que « […] dans sa visée culturelle, l’école pourrait ainsi envisager de parier sur un long terme, de nourrir un répertoire en amont pour faciliter en aval l’accès à une œuvre ou à un genre d’œuvre » (p. 86).

5.  Limites  et  prolongements  

Il est important de préciser maintenant les limites de la présente recherche. Tout d’abord, notre observation a pris place dans le contexte d’une seule classe ce qui ne permet pas de généraliser nos résultats. Cela ouvre, par contre, une fenêtre sur des possibles qui restent à explorer de manière plus systématique.

Nous l’avions mentionné plus tôt, l’exploitation exclusivement qualitative de nos données constitue également une des limites de notre recherche. En effet, nous avons relevé les interventions de certain-e-s élèves, mais nous n’avons pas les moyens de rendre compte de la progression de chacun-e des élèves de la classe. Nous sommes donc obligés de « […]

considérer les interventions de l’enseignant et les instruments déployés comme des sources de régulations potentielles, susceptibles de déclencher un processus d’autorégulation chez l’apprenant, mais de reconnaitre que ce sont les mécanismes autorégulateurs qui assurent, in fine, la progression de l’apprentissage » (Allal, 2007, p. 11). Afin de rendre compte de cette progression, à partir d’indicateurs, il serait intéressant d’analyser les interventions des élèves de façon complète, au fil de l’ensemble des séances menées dans la classe afin de comparer les mises en réseaux prenant place au début et à la fin de la séquence ainsi que la participation de chaque élève.

Dans cette perspective, et pour recueillir des traces plus importantes de la progression des objets d’enseignement et des capacités des élèves, il serait souhaitable d’étudier l’objet de la lecture en réseau sur une durée plus étendue, notamment pour analyser les liens entre les différents réseaux de lecture. Cela permettrait de prolonger les travaux initiés par Sève (2011), qui soutient qu’« il s’agirait de concevoir d’authentiques parcours de lecture sur un temps assez long où pourrait s’exercer le travail de « l’oublieuse mémoire » » (p. 86). Parcours

impliquant un fort écart temporel entre les œuvres et rendant alors la cohérence de l’ensemble plus ardue à reconstituer, et la remobilisation des références par les élèves incertaine.

Cependant, comme nous l’avons vu, la lecture en réseau ne permet pas seulement de construire des références littéraires mais également des notions qui, si elles sont régulièrement utilisées dans les diverses mises en réseaux au fil de la scolarité, ne courent pas le risque d’être oubliées. Là encore, c’est uniquement l’étude de l’objet de la mise en réseaux et de la construction des notions sur le long terme qui permettrait d’en éclaircir les contours encore flous.

La mise en réseaux des textes est donc un objet d’étude difficile à cerner puisqu’il implique une investigation sur une longue durée et que les traces d’apprentissage peuvent être diffuses et apparaitre dans des contextes et des temporalités diverses selon les élèves. Cependant, nous soutenons qu’il serait profitable de se pencher sur les nombreuses questions qui restent ouvertes à l’heure de conclure cet écrit.