• Aucun résultat trouvé

 

1.  Problématique    

1.1  L’importance  de  la  capacité  à  faire  des  liens  entre  les  textes      

Nous avons vu lors du cadrage théorique que, parmi l’ensemble de processus et de connaissances impliqués dans la lecture, nous nous centrerons particulièrement sur les références littéraires du lecteur. En l’occurrence, ce n’est pas seulement les références littéraires en tant que telles qui nous intéresseront, mais les stratégies consistant à les relier, les comparer, les catégoriser, les organiser et les mobiliser. Comme le précisent Tauveron et Sève (1999) :

Lire suppose de convoquer de multiples connaissances, issues le plus souvent de lectures antérieures ou validées par elles. Il semble donc crucial d’expliciter auprès des jeunes enfants les relations qu’entretiennent les livres entre eux, et surtout le gain qui, tiré d’une lecture, peut se réinvestir dans une autre. (p. 103)

En effet, la lecture d’un texte prend place et trouve en partie son sens au cœur de multiples réseaux de lecture que le lecteur actualise en fonction de ses références littéraires. Dans le cadre de l’école primaire, Tauveron (2002) précise que « la littérature de jeunesse d’aujourd’hui ne cesse de s’alimenter aux fonds culturels de l’enfance, dont il n’est pas sûr qu’il soit encore entretenu à l’école et dans les familles » (p. 26). Une littérature de jeunesse au sein de laquelle les références culturelles sont donc de plus en plus nécessaires pour permettre la compréhension des textes se faisant écho.

Les élèves n’étant pas égaux en terme de bagage culturel lors de leur entrée à l’école, il est important de leur permettre de construire cette culture.   Il est donc souhaitable, comme l’indiquent Corbenois et al. (2000), de pratiquer la lecture magistrale aux élèves dès leur plus jeune âge afin de « […] doter tous les enfants d’une véritable culture, c’est-à-dire leur fournir les repères essentiels pour qu’ils puissent se construire les représentations fondamentales – fondatrices – du monde de l’écrit » (p. 7). Ces préoccupations se retrouvent également dans le plan d’études romand (2010) qui indique parmi les objectifs permettant d’Apprécier des ouvrages littéraires, l’ « établissement de liens entre différents livres » et la « construction d’une culture littéraire » (p. 38). Nous pensons que ce travail passe aussi par la construction de notions à travers certaines tâches mentionnées dans ce même document, comme le

« repérage des caractéristiques propres au livre (titre, auteur, illustrateur, édition, résumé) » et le « classement des ouvrages (par thèmes, auteur, édition, collection) » (p. 36).

La capacité à mettre en lien les textes est donc à construire chez les élèves dans le cadre de la compréhension en lecture et permet de faciliter cette dernière puisque « de nombreux albums ne prennent également sens qu’à partir de leur mise en relation avec d’autres écrits sur le même thème […] » (Bautier, Crinon, Delarue-Breton & Marin, 2012, p. 70). De plus, la capacité à faire des liens à partir des lectures est de plus en plus sollicitée face à la complexification des supports présents à l’école et dans notre société. Ces supports, mêlant le texte et l’image, mais aussi les modes d’énonciation ou les genres textuels, nécessitent pour être compris, « […] une aptitude à établir des liens et installer des continuités à la fois entre les divers éléments dont ils sont constitués, mais aussi entre ces documents et le monde intérieur de l’élève, en lien avec son expérience propre, ne serait-ce que pour la reconfigurer » (Bautier et al., 2012, p. 72).

 

1.2  Dominance  de  l’approche  thématique  dans  les  classes      

Cependant, nous avons constaté à partir des pratiques effectives des enseignant-e-s que la lecture en réseau ne semble pas être très présente dans les classes. On observe plutôt des approches thématiques qui ne permettent pas aux élèves de construire des liens et de la cohérence face à ce qui leur est proposé. Nous avons vu qu’il ne suffisait pas de lire différents ouvrages reliés par une même thématique, sans discussion avec les élèves. L’approche par thème ne permettant pas d’enseigner la capacité à relier les textes, il faut trouver une autre solution. La lecture en réseau pourrait selon nous être une voie à privilégier.

 

1.3  Nécessité  d’un  enseignement  explicite    

Il est important de dissocier tout d’abord la mise en réseaux par l’enseignant-e, lorsqu’il/elle conçoit le réseau de lecture, et la mise en réseaux effective par les élèves. En effet, « […] la difficulté de la conceptualisation espérée ou des stratégies de lecture qu’on veut induire impose que les élèves s’emparent de la tâche de mise en relation puis de comparaison » (Tauveron, 2002, p. 146). Pour y parvenir, nous partageons l’avis de Bautier et al. (2012) pour qui :

 

[…] Une initiation explicite des élèves aux codes et aux modes de lecture requis par les supports utilisés, ainsi que des pratiques langagières scolaires exigeantes visant à aider les élèves à construire de l’homogène avec de l’hétérogène, des liens dans le discontinu, une cohérence de la signification avec le parcellaire, est une condition pour éviter que l’utilisation généralisée de supports complexes n’aboutisse à une aggravation de l’échec des élèves fragiles. (p. 76)

Nous soutenons, tout comme Bautier et Goigoux (2004) qu’un des rôles de l’enseignant-e est de permettre « […] un déplacement de l’attention des élèves, de la performance vers la procédure, et, d’autre part, l’adoption d’une nouvelle finalité : comprendre la procédure » (p. 93). Il importe donc pour l’enseignant-e de pousser les élèves à expliciter les relations qu’ils mettent en avant afin de rendre les procédures de comparaison claires et partagées au sein de la classe.

 

1.4  Une  lecture  en  réseau  structurée  par  des  notions    

Dans le cadre de ce mémoire, nous aimerions donc découvrir comment l’enseignant-e peut développer chez les élèves la mise en lien des livres, capacité importante pour la compréhension en lecture. Nous posons que, dans l’exercice de cette capacité, les élèves ont besoin d’outils. Ces outils de la mise en réseaux prennent la forme de notions, c’est-à-dire de concepts fondateurs de la littérature (Sève, 1996, p. 49), de connaissances sur les textes (Tauveron, 2002, p. 47). Ces notions ne s’élaborent pas pour elles-mêmes, elles se construisent au cœur même de l’activité de lecture et de mise en relation des textes qu’elles permettent de faciliter, et dans ce but précis. La construction de liens entre les différents textes en les comparant tant dans leurs similitudes que dans leurs différences donne un sens au fait de se pencher sur le parcellaire (c’est-à-dire les notions, comme par exemple l’énonciation), qui guide cette mise en relation, toujours au service de la compréhension des textes.

Nous postulons, à l’instar de Tauveron et Sève (1999), que ces notions doivent constituer le ciment des réseaux de lecture proposés par l’enseignant-e : « […] le maitre doit organiser le corpus autour d’un objet d’enseignement possible, la notion d’adaptation, l’univers d’un auteur, un motif, ou encore une technique narrative, un mythe, une catégorie générique, une architecture intertextuelle » (p. 132). Ce sont donc bien les notions, outils de l’enseignant-e, qui structurent le corpus de textes (tant dans le choix des livres que dans leur ordre de présentation) et qui guident la mise en lien des différents textes, devenant ainsi également des outils de la mise en réseaux pour les élèves.

2.  Question  de  recherche  

Notre question de recherche est la suivante : quel dispositif d’enseignement basé sur la lecture en réseau peut-il permettre aux élèves de développer leur capacité à mettre en relation les textes dès la première année de scolarité?

 

Elle se décline en quatre sous-questions :  

- (Q1) Quelles sont les tâches permettant aux élèves de mettre en relation et de comparer plusieurs livres ?

- (Q2) Quels sont les instruments de la mise en réseaux permettant aux élèves d’organiser les références littéraires constituées par les différentes lectures et de les remobiliser ? - (Q3) Quelle attitude peut adopter l’enseignant-e pour pousser les élèves à mettre les livres

en relation, et également à justifier et expliciter ces comparaisons ?

- (Q4) Quelles notions les élèves peuvent-ils construire en première primaire à travers un dispositif de lecture en réseau?