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Notre recherche avait pour ambition de mettre en avant les bénéfices que pouvait comporter la lecture en réseau des textes dans l’enseignement de la lecture, mais également de distinguer cette pratique de l’approche thématique tout en donnant des pistes concrètes pour la mise en place de dispositifs d’enseignement en classe.

Les résultats observés permettent de soutenir l’idée que la lecture en réseau peut être source d’apprentissage pour les élèves dans le cadre de la compréhension en lecture, à certaines conditions. L’approche par thème étant encore très courante dans les classes, nous ne prétendons pas qu’il est aisé de transformer les pratiques dans la direction d’objets de savoirs plus explicites par des dispositifs de lecture en réseau structurés autour de notions. Au contraire, nous savons combien il est délicat pour les enseignant-e-s de faire évoluer leur pratique puisqu’ils sont souvent soumis à des tensions entre le plan d’études et les moyens d’enseignement, à la gestion de classes parfois difficiles ou encore à une surcharge de travail.

Nous faisons néanmoins le pari que la lecture en réseau peut permettre de construire chez les élèves des connaissances et des capacités essentielles pour la compréhension en lecture. La séquence présentée dans ce mémoire constitue un exemple de réseau de lecture, qui s’insère dans le moyen d’enseignement en vigueur, pouvant ainsi être mis en place en classe par les enseignant-e-s de première et deuxième primaire. Par contre, les principes organisateurs du dispositif peuvent évidemment être à la source de la création d’une multitude d’autres réseaux de lecture, basés sur des notions variées. Nous posons donc, comme Garcia-Debanc (2005) que « le rôle de l’enseignant est d’installer les conditions favorables au développement de ces mises en relation et à leur socialisation dans le groupe-classe » (p. 88). La lecture de quelques ouvrages en réseau, l’utilisation d’une affiche de référence, la comparaison entre deux livres présentés aux élèves : c’est toujours par un premier petit pas que pourra s’installer le changement progressif vers un enseignement de plus en plus adapté aux besoins des élèves.

Notre optimisme à ce sujet a été renforcé par le constat suivant : l’enseignante dans la classe de laquelle nous avons mené la séquence a continué sur la même lancée en utilisant une affiche de référence15 pour mettre en place un réseau de lecture basé sur les différentes versions des trois petits cochons.

                                                                                                               

15 L’affiche comprenait les mêmes catégories que pour les albums de Milton (ou les livres de chats) mais également une colonne intitulée « fin de l’histoire » afin de mettre en évidence les différentes fins.

Personnellement, la réalisation de ce mémoire a eu une influence considérable sur ma pratique de l’enseignement de la lecture. Tout d’abord, elle m’a permis de différencier l’approche thématique de la véritable lecture en réseau, distinction qui restait pour moi très confuse au commencement de mon travail de recherche. Aujourd’hui, je pense pouvoir modifier ma pratique en mettant en relation des textes plutôt que des thèmes. Dans la perspective du suivi d’une classe pendant l’intégralité d’une année scolaire, je serai attentive à envisager des parcours de lecture sur l’ensemble de cette durée en choisissant des ouvrages en lien avec le travail de certaines notions et en déterminant un ordre de présentation pensé a priori.

Le contexte de ma recherche m’a, en outre, permis d’expérimenter une double posture très intéressante : enseignante et chercheuse à la fois. En effet, j’ai eu à concevoir la séquence au regard de la théorie, mener la séquence dans la classe, recueillir les données nécessaires et les analyser. Bien qu’étant quelque peu délicate, l’analyse de ma propre pratique à travers les vidéos m’a permis de l’enrichir considérablement. Le point principal de cette évolution concerne la secondarisation. Avant de commencer ce mémoire, j’étais quelque peu familière avec ce concept et je percevais qu’ « […] il ne suffit pas de « faire ce que le maitre dit » pour réussir, il faut aussi comprendre ce qu’on fait et comment on le fait » (Cèbe & Goigoux cités par Bautier & Goigoux, 2004, p. 91). Cependant, il m’était difficile de faire le lien entre ce concept théorique et ma pratique. Lors de la mise en œuvre du dispositif de lecture en réseau dans le cadre de cette recherche, j’ai cherché à valoriser l’explicitation des procédures des élèves. Ce fut notamment le cas lorsque j’ai joué à me tromper (d’affiche ou de rangement) afin de suspendre le résultat de la tâche et de mettre l’accent sur l’explicitation des règles de classement. L’analyse des résultats m’a montré que c’est, entre autres, par ce type d’intervention que l’enseignant-e peut pousser les élèves à une attitude de secondarisation.

Dans mon enseignement, j’ai également repris les instruments de la mise en réseaux (affiches et rangements) qui permettent de rendre les références visibles afin de travailler sur un nouvel album dans une autre classe.

Par la mise en place de ce dispositif dans la classe, j’ai pu me rendre compte de l’importance de faire vivre la culture dans le contexte scolaire, déjà avec des jeunes élèves. Selon Charlot (1997) cité par Falardeau & Simard (2007), « on peut aussi concevoir la culture comme l’élaboration d’un triple rapport : rapport au monde, rapport à soi, rapport aux autres » (p. 4).

Dans cette vision, nous avons pu observer que ces trois rapports s’enrichissaient au fil de la

séquence. Le rapport au monde était interrogé par le questionnement des termes utilisés pour nommer les objets du monde ou encore par la mise en avant d’univers de référence différents.

Le rapport à soi était également modifié par cette ouverture à d’autres visions du monde, d’autres conventions, d’autres univers. Le rapport aux autres permettait quant à lui la confrontation des opinions et l’élargissement de sa propre vision. Ces différents rapports évoluaient en constante interaction. Je réalise donc aujourd’hui, comme le formulent très bien Falardeau et al. (2009), que « la formation d’un sujet lecteur est aussi la formation d’un sujet de culture au sens où la discipline français et la lecture littéraire se combinent à des finalités sociales et culturelles qui dépassent les murs de l’école. Se comprendre comme sujet lecteur, c’est aussi mieux maitriser les cadres symboliques de la culture qui structurent notre compréhension du monde » (p. 113).

Pour finir, cette posture à l’intersection de l’enseignement et de la recherche m’a permis d’établir un lien fort entre ma pratique d’enseignante et ma recherche de mémoire afin de trouver, au croisement de ces deux pôles, grâce aux apports de la pratique et de la théorie, les pistes pour développer chez les élèves des outils permettant de faciliter leur compréhension en lecture.