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Implication  des  élèves  dans  la  création  des  références  collectives

V. Analyse

1.   Méthodologie  d’analyse

2.1.3   Implication  des  élèves  dans  la  création  des  références  collectives

Les affiches et les rangements sont des outils de référence précieux pour rendre visible les regroupements et la mise en réseaux. En effet, « […] les présentoirs visualisent les premières étapes de l’organisation des réseaux que les affichages […] stabilisent » […] (Corbenois et al., 2000, p. 59). Si les affichages sont initiés par l’enseignant-e

[…] pour répondre à un souci d’organisation conceptuelle – appréhension, encore implicite, des caractéristiques de certains types de textes, structuration des recherches et mise en réseaux, mémoire culturelle de la classe – ils sont bientôt alimentés par les enfants eux-mêmes, dès que ceux-ci ont pris l’habitude de s’y référer.

(Corbenois et al., 2000, p. 59 – 60)

Après la lecture des livres, c’est aux élèves de déterminer à quel endroit il convient de les ranger et de justifier pourquoi. Concernant les affichages, c’est également les élèves qui, de plus en plus autonome, indiquent sur quelle affiche les informations concernant chaque nouveau livre doivent être inscrites. Au fil des séances, l’adulte n’a plus besoin de guider le fonctionnement lié à la tâche de référencer les albums sur les affiches et de les ranger au bon endroit car les élèves l’ont intégré. Il ne s’agit donc plus d’une tâche proposée par l’enseignant mais d’un comportement adopté par les élèves.

L’extrait de séance proposé ci-dessous prend place un mois après le début de la séquence. Les élèves sont donc habitués au référencement des livres sur les affiches et au rangement de ces derniers en fonction du personnage. Lors de cette leçon, l’enseignante feint d’abord de se tromper d’affiche au moment d’inscrire le titre de l’album venant d’être lu (sur l’affiche de la série Milton alors que ce n’est pas un livre de la série) :

 

27_10.02.14 (11’09’’)

(E prend un stylo et se place devant l’ARM, faisant semblant qu’elle va écrire à cet endroit-là le titre de l’histoire)

E : Alors // qu’est-ce que j’écris El : C’est pas Milton

Els : Pas là pas là Els : Pas ici Lie : Pas là pas là

E : Ben quoi↑

Lie : C’est pas là qu’il faut mettre El : C’est là-haut

E : Pourquoi pas↑

E : Pourquoi pas Lie

Jul : Parce que c’est pas Milton Lie : C’est l’affiche de Milton

E : Mais alors où est-ce que j’écris pour ce livre↑

(End se lève et lève la main) End : Ah oui ah oui (plusieurs élèves lèvent la main)

E : End

(End se lève et montre du doigt l’ARC) E : Tout en haut

(E montre l’affiche de la main)

E : Mais là-haut c’est pour les histoires de chats Els : Mais c’est un chat

E : Ah c’est un chat↑

Els : Oui

E : Ah / donc j’peux écrire là↑

Els : Oui

L’enseignante fait ensuite semblant de se tromper d’endroit pour ranger le livre (sur la table des albums de Milton alors que ce n’en est pas un). Elle annonce tout d’abord ce qu’elle s’apprête à faire (« je vais ranger le livre ») afin de mettre en évidence l’action face à laquelle elle attend une réaction des élèves, et se fait vite interrompre par ces derniers :

 

27_10.02.14 (15 ’11’’)

 

E : Ok / alors / je vais ranger le livre (E pose le livre sur la table des albums de Milton) Els : Non pas là pas là pas là

E : Oh c’est compliqué / Où est-ce que je peux le ranger alors Els : Là (désignent la caisse du doigt)

E : Bon alors je le mets dans la bibliothèque alors Els : (crient) Non

E : Pourquoi↑ // Pourquoi je peux pas le mettre dans la bibliothèque↑

(trois élèves se lèvent et montrent la caisse) Els : Ici ici

E : Alors moi je suis d’accord de vous écouter mais il faut m’expliquer pourquoi / pourquoi↑

Giu : Un chat sauf Milton

E : Sum pourquoi↑

(Sum se lève et montre la caisse)

Sum :

El : Regarde c’est écrit (montre l’étiquette sur la caisse sur laquelle il est écrit « Chats sauf Milton »)

Giu : Les chats sauf Milton

E : Ah on avait même fait une étiquette / les chats sauf Milton / vous avez raison

Nous pouvons constater que le jeu de l’enseignante laisse une grande part de responsabilité aux élèves. Ces derniers se laissent donc aller au plaisir de la négociation, en jouant à expliquer à la maitresse qui ne semble pas comprendre. Les tâches de référencement et de rangement impliquent le fait de réussir à catégoriser. La réussite de ces tâches intervient lorsque le livre est référencé ou rangé au bon endroit en fonction des critères définis. Dans les interactions ci-dessus, nous voyons que l’enseignante empêche le résultat de la tâche en repoussant l’action attendue et en demandant, à la place, une explicitation de la démarche à effectuer. Ainsi, l’enseignante oblige les élèves à interrompre son geste (puisqu’elle ne diffère pas seulement l’action mais joue en plus à les tromper) et à justifier l’attendu de la tâche. Ce retard dans le produit fini de la tâche permet alors la naissance d’une autre action pour les élèves que celle de catégoriser : rendre explicites les raisons pour lesquelles l’enseignante fait erreur.

Dans ces deux exemples, nous pouvons alors observer que les élèves réagissent vivement et immédiatement pour dire à l’enseignante qu’elle se trompe. Il ont donc progressivement intégré le fonctionnement de ces instruments de la mise en réseaux et sont actifs face à leur constitution. Dans ces échanges, nous voyons l’importance des instruments de référencement

et de rangement des livres mais également celle du jeu de l’enseignante. En effet, cette dernière, en jouant à se tromper, pousse les élèves à expliciter leur démarche et à justifier ce qu’ils avancent par des arguments afin de mettre en avant les critères de classement convenus en collectif. Le jeu de l’enseignante permet donc aussi aux élèves de rendre explicite la tâche du référencement sur les affiches et du rangement, l’intérêt étant alors moins de réussir que de dire à la maitresse ce qu’il faut faire.

2.2  Quelle  attitude  peut  adopter  l’enseignant-­‐e  pour  pousser  les  élèves  à  mettre  les  livres