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II. Cadre  théorique

2.   La  lecture  en  réseau

2.4   La  lecture  en  réseau  dans  l’horizon  genevois

Au sein de cette catégorie prennent place des notions touchant à la manière de raconter un récit, notamment les questions d’énonciation (la narration, le point de vue) ou de construction du personnage.

C’est à partir de ces connaissances (dont la liste n’est ici pas exhaustive) que l’enseignant-e peut construire un réseau de lecture porteur et structuré. Tauveron (2002, p. 207-282) propose une multitude de possibilités, qui peuvent se combiner : « des réseaux pour faire découvrir ou structurer le socle des lieux communs culturels » autour du genre, des symboles, des mythes et légendes ou des personnages-types (p. 207) ; « des réseaux pour faire identifier des singularités » d’un auteur, d’une reformulation ou d’un procédé d’écriture (p. 208) ; « des réseaux hypertextuels » basés sur les notions d’adaptation, de variante, de réécriture ou encore de parodie (p. 219) ; « des réseaux intertextuels » lorsque différents textes peuvent s’éclairer réciproquement (p. 238) ; « des réseaux autour d’un auteur » qui permettent la connaissance approfondie de son univers (p. 246) ; « des réseaux génériques » pour mettre en avant les caractéristique des genres de texte (p. 259), ou encore « des réseaux autour d’un procédé d’écriture » comme la rétention d’information (p. 276). Nous définirons plus tard de manière détaillée le réseau construit dans le cadre de notre recherche et les notions qui le structurent.

 

2.4  La  lecture  en  réseau  dans  l’horizon  genevois    

Nous allons maintenant voir en quoi le plan d’études romand et les moyens d’enseignement font référence à la fois à la construction des références culturelles et, dans certains cas, à la lecture en réseau comme dispositif pour y parvenir.

2.4.1  Dans  le  plan  d’études  romand  

Dans le plan d’études romand (2010), le fait de construire des références culturelles fait partie des visées prioritaires de la discipline français :

Au cycle 1, l’approche des livres (albums, écrits divers adaptés à l’âge des élèves) permet une entrée dans la culture de l’écrit et prépare à l’acquisition ultérieure d’une culture littéraire. […]. Au cycle 2, la continuation de l’apprentissage de la lecture fournit de très nombreuses occasions d’accéder à la littérature, au sens large, et de contribuer à la construction de références culturelles par les livres. (p. 16)

Dans l’objectif général Apprécier des ouvrages littéraires présenté précédemment6, on observe, bien que le terme de lecture en réseau ne soit pas employé, plusieurs activités pouvant se rapprocher de cette dernière : la « distinction des ouvrages selon leur genre de texte », le « repérage des caractéristiques propres au livre (titre, auteur, illustrateur, édition, résumé), [le] classement des ouvrages (par thèmes, auteur, édition, collection, …) » ou encore et surtout l’« établissement de liens entre différentes livres, [et la] construction d’une culture littéraire en rapport avec la littérature enfantine et en réinvestissant les acquis » (p. 36 et 38).

2.4.2  Dans  les  moyens  d’enseignement    

Qu’en est-il des moyens d’enseignement ? Notre recherche prenant place dans une classe de 1P (4-5 ans), il s’agit de la méthode Dire écrire lire (DEL), adoptée par le canton de Genève depuis 2012. La construction de références culturelles est l’une des trois finalités de l’enseignement du français présentées dans la méthode, avec le fait d’apprendre à communiquer et de maitriser le fonctionnement de la langue (p. 20). Nous présenterons ici les indications données dans le guide pédagogique de ce moyen d’enseignement concernant la lecture en réseau, pour le module portant sur l’album Milton et le corbeau puisque, comme nous le verrons par la suite, notre séquence d’enseignement s’intègre dans ce module. Dans l’étape intitulée Retour à la composante littéraire, on trouve des propositions de lecture en réseau. On conseille notamment à l’enseignant-e de « proposer les autres albums de la série des Milton » (p. 14). Le déroulement est le suivant :

Laisser le temps aux élèves de les reconnaitre et de s’exprimer, porter l’attention des élèves sur le prénom du chat Milton et demander de retrouver sur chaque page de couverture le mot Milton, proposer un album par petit groupe et laisser les élèves découvrir les aventures de Milton sans les lire au préalable, proposer un échange et lire chaque jour un nouvel album, inciter les élèves à s’exprimer, à argumenter leurs avis et leurs préférences, inciter les élèves à décrire le personnage principal en répondant à quelques questions. (p. 14)

Des propositions de lecture en réseau se trouvent aussi dans la partie Prolongements dans laquelle on propose à l’enseignant-e de « faire découvrir des albums en série dont le personnage principal revient toujours [pour que l’élève puisse] découvrir, s’exprimer, donner son point de vue sur les différents personnages rencontrés dans des séries » (p. 19). On                                                                                                                

6 Lors de la présentation du PER concernant la compréhension en lecture, p. 17-18.

suggère aussi à l’enseignant-e de « proposer aux élèves en libre utilisation des livres sur le chat ou des histoires dont le personnage principal est un chat » (p. 19) et de mettre en place les activités suivantes pour les élèves :

choisir un livre proposé dans une « caisse à thème » ou dans la bibliothèque de classe et le parcourir, apporter en classe des livres sur le thème du chat, faire des tris entre les livres documentaires et les livres qui relatent, racontent, etc. (p. 19)

De plus, dans les annexes de la méthode, on peut trouver une liste d’albums en lien avec Milton et le corbeau. Nous constatons donc que la méthode encourage à la lecture d’autres livres en lien avec celui travaillé dans le module. En effet, on peut supposer que « les nombreuses lectures proposées ont pour souci de créer les conditions pour que les enfants comparent, associent et dissocient, explicitent et, si cela est possible qu’ils déduisent des règles […]» (Corbenois et al. 2000, p. 31).

2.4.3  Dans  les  pratiques    

Il est difficile de savoir si la lecture en réseau est présente dans les pratiques, et ce pour différentes raisons : peu de recherches sur la question, absence d’une définition claire de ce terme, ainsi qu’une mise en vigueur seulement récente de moyens d’enseignement y faisant référence. De ce fait, nous nous contenterons de donner quelques résultats observés, ceux-ci ne pouvant absolument pas être généralisés mais permettant néanmoins quelques pistes de réflexion. Dans une recherche précédente7, nous avions observé six enseignantes mettant en place un module de la méthode ALEDA en 3P (6-7 ans). Dans les prescriptions de cette méthode, le recours à la lecture en réseau est fréquent : « les textes à lire servent le plus souvent à préparer la compréhension des neufs albums étudiés […]. C’est par l’imprégnation de ces textes que l’enfant construit les savoirs et les référents culturels nécessaires » (Bouvard, Girard, Hermon-Duc & Perrin, 2007, p. 34). Cependant, si l’on se réfère aux pratiques des six enseignantes observées dans cette recherche, aucune d’entre elles n’a procédé à une lecture en réseau comme préalable à la lecture de l’album. Quelles conséquences la suppression de cette étape, prescrite dans la méthode, peut-elle avoir sur le déroulement du module ? On peut émettre l’hypothèse que l’une des conséquences est l’absence de culture commune à la classe que permet de construire la lecture en réseau des

                                                                                                               

7 projet indépendant susmentionné

textes et de ce fait, une difficulté accrue pour certain-e-s élèves à entrer dans la compréhension de l’album proposé.

Perrin (2010) constate quant à elle que « la mise en réseaux des textes organisée dans les classes est souvent centrée sur des aspects anecdotiques, voire thématiques et ne permet pas d’installer une progressivité dans les apprentissages de la lecture littéraire » (p. 64). Elle rejoint sur ce point Corbenois et al. (2000) pour lesquels, en pratique, « […] le travail par thèmes reste largement dominant » (p. 34).